Devoir de Philosophie

Les sept premières strophes des « Destinées » - Vigny

Publié le 22/09/2018

Extrait du document

vigny

LES DESTINÉES

 

C’était écrit !

 

Depuis le premier jour de la création,

 

Les pieds lourds et puissants de chaque Destinée Pesaient sur chaque tête et sur chaque action. Chaque front se courbait et traçait sa journée, Comme le front d’un bœuf creuse un sillon profond Sans dépasser la pierre où sa ligne est bornée.

 

Ces froides déités liaient le joug de plomb

 

Sur le crâne et les yeux des hommes leurs esclaves,

 

Tous errants, sans étoile, en un désert sans fond ;

Levant avec effort leurs pieds chargés d'entraves, Suivant le doigt d’airain dans le cercle fatal,

 

Le doigt des Volontés inflexibles et graves.

 

Tristes divinités du monde oriental,

 

Femmes au voile blanc, immuables statues,

 

Elles nous écrasaient de leur poids colossal.

 

Comme un vol de vautours sur le sol abattues,

 

Dans un ordre éternel, toujours en nombre égal Aux têtes des mortels sur la terre épandues,

 

Elles avaient posé leur ongle sans pitié Sur les cheveux dressés des races éperdues,

 

Traînant la femme en pleurs et l’homme humilié.

Non pas qu’il s’agisse de lui faire « voir » ce bœuf : ce que veut Vigny, c’est lui faire éprouver physiquement le geste du front qui se courbe, et en quelque sorte le geste élémentaire de la volonté asservie, dont le courage parfois admirable (comme le suggère le « sillon profond ») reste vicié par sa démission initiale. Plus loin s’esquissent des images moins nettes : l’animal qui fait tourner la meule, les yeux bandés, suivant l’usage antique ; l’animal bien dressé qui « suit le doigt » du maître. Sur le plan figuratif, ces images s’accordent mal ensemble ; mais il s’agit seulement de les entrevoir au passage comme les visions d’un cauchemar, en ressentant l’obsession continue qui afflue en chacune d’elles.

vigny

« Levant avec effort leu r s pieds chargés d'en trav es, Su ivant le doig t d' air ain dans le cercle fatal, Le doig t des Volo ntés infle xible s et grav es.

Tris tes divinités du monde orient al, Fe mm es au voile blan c, imm uables statues , Elles nous écrasaient de leur poids colossal.

Comme un vol de vaut ours sur le sol abattues , Dans un ordre éternel , to ujo urs en nombr e égal Aux têtes des mortels sur la terre épandues, Elles avaient posé leur ongle sans pitié Sur les cheveux dressés des races éperdues, Tr aîn ant la fem me en pleu r s et l'homme humilié.

INTR ODUCTIO N En face de Lamartine et de Victor Hugo, Vigny, dès ses débuts, avait défini son domaine : les « compositions dans lesquelles une pensée philosophique est mise en scène sous une forme épique ou dramatique ».

Il ne devait jamais s'écarter beaucoup de ce programme.

Dans le poème Destinées, qu'il écrivit vingt-cinq ans plus tard, on trouve une « pensé e philosophique » et une « mise en scène » ; on y trouve en outre, ce que Vigny n'a vait pas jugé util e de dire, sans doute parce que cela allait de soi, une mise en vers et presque une mise en musique.

Comment ces éléments se combin ent-ils entre eux ? Que gagnent-ils à cette combinaison ? Sur ces questions, qui engagent la notion même de « poésie philosophiq ue », un examen des textes pourra appo rter quelques lumières.

Le tableau de 1 'huma­ nité avant le Christ, sur lequel s'ouv rent les Destinées, se prête bien à une telle étude.

I.

LA « PENSÉE PHILOSOPHIQUE » Point de vue histori que On y trouve d'abord une pensée plutôt historique que propr ement philosophique.

Vigny peint une humanité asservie au fatalisme.

Après l'aphorism e «C 'était écrit » cité en exergue, tout le pas­ sage exprime l'abattem ent du troupeau humain, «errant sans étoile », « co urbant le front » sous le joug, suivant « le doigt d'a irain » du destin.

Sa souff rance effort, terreur «éperdue », pleu rs, humiliation -ne débouche sur aucun sursaut Pensée historique, disions-nous : en effet ces strophes sont d'un bout à ..

i 'autr e à 1 'im ?arfaif ou au plus-qu e-parfait ; nous savons dès le. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles