LES RHÉTORIQUEURS
Publié le 28/02/2012
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Pour commencer à les apprécier, il a fallu que la création poétique - et la réflexion sur cette création- se dégageât des mythes de l'originalité et de la sincérité nécessaires à l'artiste, qu'avait imposés l'âge romantique; il a fallu qu'on s'intéressât de plus en plus aux possibilités poétiques du langage. Et l'on découvrit alors que les recherches des Rhétoriqueurs n'étaient pas de pure vanité, « qu'ils ont été plus d'une fois d 'excellents techniciens et réformateurs du vers, des virtuoses de l'expression, que les raffinements de leur art ne sont pas sans analogie avec le gothique flamboyant et les constructions polyphoniques des musiciens contemporains « (Jean Frappier).
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MI 1.
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90
LE XVIe SIÈCLE
Cette illustration representant l'entree de Louis XII a Genes provient d'un manuscrit
oil le polte rhetoriqueur Jean Marot chlibre
les hauts faits de son roi.
gout et de mesure de ces versificateurs qui ne
soignaient tant la forme que parce qu'ils n'avaient
rien a dire, qui reprenaient inlassablement les themes uses, les procedes ressasses de l'allegorie,
du songe, du &bat, de la casuistique amoureuse,
a l'imitation de ceux de leurs prodecesseurs
qu'ils admiraient le plus :
Jean de Meun, et
Alain Chartier.
Elle leur reprochait de « se com-
plaire a ces vieilleries » (Lucien Foulet), sans
montrer d'autre originalite que ces extravagantes
recherches formelles, dont itfallait pourtant
reconnaitre qu'elles ouvraient la voie a toutes
les innovations prosodiques du xvie siècle,
Si bien que, bon gre, mal gre, elle devait convenir
que les Rhetoriqueurs, indirectement, avaient ete
les maitres a rimer de la Pleiade.
Les « rimeurs » Maitres a rimer :ils se designaient d'ailleurs
volontiers du nom de rimeurs, et it est vrai qu'ils furent de prodigieux inventeurs de rimes, d'eton-
nants ciseleurs de combinaisons rythmiques et
sonores, des virtuoses quelquefois tentes par
l'acrobatie verbale.
Non seulement ils jouerent
de la rime equivoquee, c'est-i-dire de la rime
extremement riche, mais des vers bateles (qui
riment par le milieu et par la fin), des rimes
enchafnees (un vers commence comme le prece-
dent a fini), des « rhetoriques a double queue »
ou la rime est deux fois repot& a la fin du meme
vers : « Ainsi s'en vont toujours jours...
», etc.
Its fabriquirent encore des vers qu'on peut lire
indifferemment a l'endroit ou a l'envers : par
exemple, dans l'orthographe de l'epoque, « Elle difama ma fidelle », des vers, voire des strophes,
a plusieurs lectures, comme ce distique de Jean
Bouchet (1476-1558?) :
Poitevins sont loyaux, non *cauts, *fourbes
Feables*, non voulant rnefaire *dignesde
confiance
qui, lu a l'envers donne :
Cauts, non loyaux, sont Poitevins,Mefaire voulant, non feables...
La liste de leurs trouvailles est loin d'être
epuisee par ces quelques exemples.
Mais ces
jeux verbaux ne sont pas toute la poesie des
Rhetoriqueurs.
Il faut insister plutot sur l'exigence
et la rigueur de leurs efforts, sur leur passion
pour l'Antiquite, sur l'influence qu'ils exercerent
ainsi, meme indirectement, au xvie siecle.
Toute-
fois, cela n 'explique que leur importance dans
l'histoire litteraire.
Marguerite d'Autriche, la tante de Charles
Quint gauche), et Anne de Bretagne,
reine de France, les deux principales protec-
trices des Rhotoriqueurs.
a
Coll.
Lehmann.
C BuIIoz.
1.
B.
N.
Paris.
C Bulloz.
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LE
XVIe
SIÈCLE
Cette
illustration
représentant
l'entr
é e
de
Louis
XII
à Gênes
provient
d 'un manuscrit
où le poète
rhétoriqueur
Jean
Marot
cé lèbre
les
hauts
faits
de
son
roi.
goût et de mesure de ces versificateurs qui ne
soignaient
tant
la forme que parce qu'ils n'avaient
rien à .dire, qui reprenaient inlassablement les
thèmes usés, les procédés ressassés de l'allégorie,
du
songe,
du
débat, de la casuistique amoureuse,
à 1 'imitation de ceux de leurs prédécesseurs
qu'ils
admiraient le plus : Jean de Meun, et
Alain Chartier.
Elle leur reprochait de
« se
com
plaire à ces vieilleries
»
(Lucien Foulet), sans
montrer
d'autre
originalité que ces extravagantes
recherches formelles,
dont
il
fallait pourtant
reconnaître qu'elles ouvraient la voie à toutes
les innovations prosodiques du xvre siècle, -
si bien que,
bon
gré, mal gré, elle devait convenir
que les Rhétoriqueurs, indirectement, avaient été
les maîtres à rimer de la Pléiade.
Les
« rimeurs
»
Maîtres à rimer : ils se désignaient d'ailleurs
volontiers
du
nom
de
rimeurs,
et
il est vrai qu'ils furent
de prodigieux inventeurs de rimes, d'éton
nants
ciseleurs de combinaisons rythmiques et
sonores, des virtuoses quelquefois tentés par
l'acrobatie
verbale.
Non
seulement ils jouèrent
de
la
rime
équivoquée,
c'est-à-dire de
la
rime
extrêmement riche, mais des vers
batelés
(qui
riment
par
le milieu et
par
la
fin), des rimes
enchaînées
(un
vers commence comme le précé
dent a fini), des « rhétoriques à double queue
»
où
la
rime est deux fois répétée à
la
fin
du
même
vers :
« Ainsi
s'en
vont toujours
jours
...
»,
etc.
Ils fabriquèrent encore des vers
qu'on
peut
lire
indifféremment à
l'endroit
ou
à l'envers : par
exemple, dans
l'orthographe
de l'époque,
« Elle
difama
ma
fidelle
»,
des vers, voire des strophes,
à plusieurs lectures, comme ce distique de Jean
Bouchet (1476-1558?) :
Poitevins sont loyaux, non *cauts,
Féables*, non voulant méfaire
*fourbes
*dignes
de
confiance
qui, lu à
1 'envers
donne
:
Cauts, non loyaux, sont Poitevins,
Méfaire voulant, non féables ...
La
liste de leurs trouvailles est loin d'être
épuisée par
ces quelques exemples.
Mais ces
jeux verbaux ne sont pas
toute
la
poésie des
Rhétoriqueurs .
Il faut insister
plutôt
sur
1 'exigence
et
la
rigueur de leurs efforts,
sur
leur passion
pour
1 'Antiquité,
sur
1 'influence
qu'ils
exercèrent
ainsi, même indirectement,
au
xvre siècle.
Toute
fois, cela n'explique que leur importance dans
1 'histoire littéraire.
Coll.
Lehmann.
© Bull oz.
Marguerite
d'Autriche
, la tante
de
Charles
Quint
(à
g a uche),
et
Anne
de
Bretagne
,
reine
de France,
les
deux
principales
protec
trices
des
Rhétoriqueurs
.
B .
N .
Paris.
© Bull oz..
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