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Les Précieuses Ridicules et les Femmes Savantes de Molière

Publié le 25/04/2011

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Les Précieuses Ridicules et les Femmes Savantes sont deux pièces consacrées par Molière à ridiculiser des femmes éprises de belles lettres, ou plutôt, de bel esprit. Mais cette ressemblance quant aux thèmes ne doit pas faire oublier les profondes différences entre ces deux pièces. Ce sont surtout des différences relatives à la place dans l'œuvre de Molière, au genre des deux pièces, à leur structure. Les Précieuses Ridicules sont, pour ainsi dire, la première pièce de Molière; les Femmes Savantes, au contraire, en sont l'avant-dernière : un an après cette pièce, Molière était mort.

Leur place

Les Précieuses • En effet, on ne saurait guère compter comme œuvres originales des canevas comme la Jalousie du Barbouillé ou le Médecin Volant, qui ne sont même pas entièrement rédigés : des etc. indiquent que les acteurs doivent improviser en certains endroits. U Étourdi et le Dépit Amoureux, complètement écrits, et en vers, ne font que développer des situations conventionnelles empruntées à la Comédie italienne. Au contraire, dans les Précieuses, Molière prend position d'une façon personnelle; il s'attaque à un ridicule nouveau au théâtre; il est pour la première fois auteur, et non adaptateur de situations théâtrales rebattues et mille fois utilisées déjà par ses prédécesseurs.

« Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur les ennemis au siège d'Arras? — Que veux-tu dire, avec ta demi-lune ? C'était bien une lune tout entière. Je vous ferai un impromptu à loisir. D'ailleurs, en vrais valets, ils disent : « la comtesse, le duc », alors qu'un homme du véritable grand monde auraitappelé ceux-ci par leur nom de famille. Les outrances.

Tout en elles deux, et en eux deux, est outré, comme dans une caricature : — leur langage : un chapeau désarmé de plumes ; une tête irrégulière en cheveux; ma cousine donne dans le vraide la chose ; l'embonpoint de mes plumes ; nous n'avons garde de donner de notre sérieux dans le doux de votreflatterie ; attachez un peu sur ces gants la réflexion de votre odorat ; j'ai un furieux tendre pour les hommesd'épée; le conseiller des grâces (le miroir); — leurs propos sont exagérés : Mascarille a écrit, prétend-il, deux cents chansons, autant de sonnets, millemadrigaux, il a même mis en madrigaux toute l'histoire romaine^ ; — leurs attitudes veulent être spirituelles, mais sont recherchées jusqu'à l'absurde : Mascarille fait semblant de nepas oser entrer, car il craint pour la liberté de son cœur; un peu plus tard, il se met à crier de douleur : les deuxfemmes ont attaqué ce cœur à gauche et à droite.

Enfin Molière, qui était réellement cultivé et instruit, s'est moquédu valet Mascarille, mais surtout de la désinvolture de grand seigneur qu'il affecte : un « homme de qualité » saittout par droit de naissance ! D'ailleurs Voltaire se moquera encore de cette sotte prétention dans Janot et Colin.Mascarille déclare : « Tout ce que je fais me vient naturellement ; c'est sans étude » et « Tout ce que je fais a l'aircavalier ; cela ne sent point le pédant ».

On voit d'ailleurs que nos précieux s'opposent en cela aux « savants »Vadius et Trissotin, dans les Femmes Savantes, lesquels se vantent justement de leurs études et de leur savoir. Les vulgarités.

Par un procédé de bouffonnerie, proche de ce que nous appelons le burlesque, la prétention à être raffiné — qui est une des notions de base de la préciosité — estcontredite par la vulgarité de nos héros. • Vulgarité de paroles : « Quoi? Débuter d'abord par le mariage? », s'exclame Magdelon; et Gorgibus de répliquer : «Et par où donc veux-tu qu'ils débutent ? Par le concubinage ? » Ailleurs, il est question de « coucher tout nu avecun homme ». • Vulgarité de gestes.

Certains gestes ne sont pas moins grossiers.

Par exemple : Mascarille veut déboutonner sonhaut-de-chausses (son pantalon) pour montrer une cicatrice qu'il porte, sans doute aux fesses.

Mais surtout lesdeux valets sont publiquement déshabillés par leurs maîtres et demeurent en « souquenille », c'est-à-dire des sortesde gilet de corps et de caleçon long, tandis que pleuvent les coups de bâton. En résumé, les Précieuses Ridicules sont bien une farce, parce que : 1° elles sont une caricature : les affectations des deux jeunes filles sont poussées trop loin et sont de trop mauvaisgoût pour qu'elles soient vraisemblables : l'hôtel de Rambouillet était plus fin que cela ; mais les tendances, elles,sont vraies; Molière les a simplement poussées à l'extrême pour en mieux faire ressortir le ridicule; 2° elles sont bouffonnes, puisqu'elles ajoutent un élément invraisemblable de gros comique, que la vraie préciositén'a jamais connu : le déguisement en gentilshommes des deux valets, que leur manque d'éducation rend grotesques.Certains éléments sont même proches de la scène de clowns, comme ce jeu de scène donné dans certaines éditions: quand on déshabille Mascarille, on lui ôte successivement douze vestes enfilées les unes sur les autres ! La comédie fine Les Femmes Savantes, par contre, sont très nettement une comédie fine. Qu'est-ce qu'une La comédie fine était déjà connue des Anciens : Ménandre chez les Grecs avait fait, par leurmoyen, de la critique de mœurs, alors qu'Aristophane, par exemple, par la bouffonnerie poétique, faisait de lacritique politique.

Les Latins avaient eu Térence, dont les pièces ne sortent jamais des limites du bon goût.

Encultivant ce genre, Molière s'était montré une sorte de novateur, car, avant lui, les comédies jouées en Franceétaient rarement exemptes de grossièretés et de traits bouffons; il faisait aussi en cela œuvre de classique, par satendance à la sobriété et à l'équilibre. En effet, la comédie fine se propose de représenter la société, les mœurs et les caractères tels qu'ils sont, sansdéformation caricaturale.

Et si elle fait rire, ou sourire, c'est par la reproduction fidèle du réel.

Seulement l'auteurs'arrange pour placer des personnages, analogues à ses contemporains, dans des "situations telles que le ridicule deleurs manies ou de leurs vices saute aux yeux, sans pourtant que ces situations soient invraisemblables.. »

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