LES PHYSIOLOGIES (Histoire de la littérature)
Publié le 27/11/2018
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PHYSIOLOGIES (xixe siècle). « La physiologie est l’art de parler et d’écrire incorrectement de n’importe quoi, sous la forme d’un petit livre bleu ou jaune qui soutire vingt sous au passant, sous prétexte de le faire rire, et qui lui décroche les mâchoires » : dans la Monographie de la presse parisienne (1843), Balzac prête cette définition à son « Bravo », une sorte de journaliste maître chanteur. Elle correspond bien, il faut le dire, au tout-venant de la production de l'époque : de 1840 à 1842, en effet, la physiologie, plus qu’une mode devient un genre, avec ses règles, ses nombreux ratages et ses rares chefs-d’œuvre, avec ses éditeurs, ses illustrateurs (dont Gavarni et Daumier) et ses auteurs attitrés. Maurice Alhoy, par exemple, décrit la lorette, le débardeur, le créancier et le débiteur; Louis Huart traite du médecin, de la grisette, du tailleur et du garde national; Charles Philipon, enfin, est le créateur de la Caricature, du Charivari et de la fameuse maison Aubert, spécialisée dans les physiologies : il publie la physiologie du « floueur » et collabore avec les deux premiers cités aux Cent et Un Robert Macaire (dessins de Daumier). On pourrait encore mentionner Ch. Marchai (la physiologie de l’usurier, du Parisien en province, de l’Anglais à Paris, du vieux garçon), ou Jacques Arago (celles de l'enfant gâté, de la marraine, du bonbon et des foyers de tous les théâtres de Paris). Les écrivains reconnus ne dédaignent pas le nouveau genre, puisque Brillat-Savarin a publié en 1826 l'une des premières physiologies, celle du goût, puisque Balzac, auteur déjà de la Physiologie du mariage (1829-1830), fait celle de l’employé. Paul de Kock se charge de l’homme marié, Henri Monnier du bourgeois, Édouard Ourliac, enfin, de l’écolier.

«
siologies
proprement dites : ainsi les Français peints par
eux-mêmes (1 840-1842), «encyclopédie morale du
xrx< siècle>>, sont, en quelque sorte, Je prototype du
genre physiologique, avec des articles de Balzac, Joseph
Méry, Alphonse Karr et Henri Monnier.
Les titres de ces physiologies, les noms de fantaisie
choisis par leurs auteurs montrent bien qu'il s'agit
d'abord d'amuser Je lecteur.
Ce sont en définitive des
portraits comiques, des caricatures destinées au public Je
plus large, et oi1l'auteur fait, non sans paradoxe, l'apolo
gie de son objet d'étude : qui a compris la concierge
comprend tout Paris, qui connaît la lorette connaît aussi
la femme, tandis que le rentier est à n'en pas douter le
ressort secret de la société française.
Mais, pour être
vraiment drôles, il faut que ces «charges» reposent sur
une observation effective des choses et des gens, qu'elles
soient « réalistes ».
Avec certaines réserves, on pourrait
donc les considérer dans leur ensemble comme une sorte
d'encyclopédie plaisante, mais authentique, racontant les
êtres et les situant dans leur biotope.
D'une certaine
manière, tout .;ela a un côté «scientifique>>, et ce mot
de physiologie.
tellement pompeux, tellement cuistre, est
peut-être à prendre au sérieux : malgré leur fantaisie, et
même si elles ne se préoccupent pas toujours des classes
numériquement les plus importantes, les physiologies
repèrent bien des types, des classes et des milieux.
On y
cerne un personnage dans tous les actes de sa vie, dans
son langage et dans ses tics, dans ses opinions, dans
son attitude envers 1 'argent, dans ses folies et dans ses
ridicules, on en suit 1 'évolution historique, on assiste à
son développement et à son extinction : il y a là comme
la naissance d'une sociologie par Je comique.
BIBLIOGRAPHIE Nathalie Bas�et, les Physiologies en France au XIX' siècle.
Étude liuéraire et stylistique, thèse d'Ëtat, Paris IV.
1986:
R.
Amossy, article dans Romantisme.
n° 64, 1989.
A.
PREISS.
»
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