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Les personnages dans Une partie de Campagne (Maupassant et Renoir)

Publié le 05/12/2019

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maupassant

À bien des égards, elle est aussi très différente de sa mère. L'une est sensuelle, plantureuse, décidée ; l'autre est une jeune fille mince, délicate et pudique, qui naît timidement aux choses de l'amour. Maupassant déclare d'emblée piquante cette « belle fille de dix-huit à vingt ans ». L'homme à femmes que fut l'écrivain normand installe tout de suite le personnage dans sa vocation amoureuse. Elle est, écrit-il, « une de ces femmes dont la rencontre dans la rue vous fouette d'un désir subit ». Pour Renoir, au contraire, Henriette est d'abord une jeune fille. C'est à la mue d'une enfant en femme que le cinéaste s'attache dans ce portrait. Au début du film, nous voyons une toute jeune fille faisant de l'escarpolette, encore très liée à ses parents par un reste d'enfance ; à la fin, c'est une femme au visage triste, déjà marquée par un destin contraire, que nous quittons. Henriette est ainsi le personnage le plus vivant de l'histoire : elle se transforme alors que les autres sont pris dans une certaine fixité.

 

Anatole et la grand-mère

 

Anatole, le commis des Dufour, n'a dans la nouvelle de Maupassant ni nom, ni prénom. Désigné comme « l'apprenti », il est simplement le « garçon aux cheveux jaunes ». Personnage falot restant à l'écart de toute action importante, il incarne la médiocrité et une certaine bassesse : paresseux, négligé, grossier, goinfre, il est réduit à son appétit et à sa tignasse. À aucun moment d'ailleurs, il ne manifestera le moindre intérêt pour Henriette. Aussi la nouvelle s'achève-t-elle sur un effet de surprise lorsque le lecteur apprend que cet être insignifiant et laid est devenu le mari de la jeune fille.

 

Reprenant ces traits caricaturaux, Renoir donne cependant plus d'importance au personnage : on sait dès le début du film qu'il incarne l'avenir d'Henriette. Anatole est donc dans le film une sorte de repoussoir menaçant. Le spectateur le compare tout à la fois à M. Dufour, dont  il est le souffre-douleur geignard, et aux canotiers qui, face à sa dégénérescence, incarnent la virilité et le sens de la vie. Devenu l'époux d'Henriette à la fin du film, cet être taré se montrera dominateur. Préalablement relégué en bordure de cadre, il

maupassant

« il est en attente d'intégr ation .

Quant à la grand -mère, bouche inu tile et cœ ur sol itair e, elle n'occ upe qu'un e plac e périphé ­ rique dans l'image et dans l'action .

Ces positions hiérar­ chi ques des person nages du bloc Dufour appar aissent donc dé term inées par un statut socio-écon omique : cette famill e se com pose, dans l'ord re d'imp ortance, d'un patron, d'un e patr onne , d'un e fille à ma rier , d'un gendr e en puissance qui pr en dra la suc cess ion, et d'un vieux parent -à char ge.

Monsie ur Duf'o ur Maup assant n'a pas décrit physiquement M.

Dufou r : il s'est contenté d'en souligner la sottise et la laideur.

Assom mé par l'air de la campagne, la chaleur de l'été tor­ ride et les bout eilles de vin bues sans retenue, le quin ­ ca illier de la rue des Martyrs appa raît vite comme un hâbleu r lou rd et flasq ue.

Avec l'œil de l'ivr og ne repu, il échange, sans le sav oir, sa fem me en quê te d'aventu re gala nte contr e deux cannes à pêche.

Au-delà de l'a utorité de façade, c'est un fantoc he que le lecte ur découvr e.

Renoir a don né plus de consistance au mari trompé.

D'ab ord, bien entendu, parce que dans un film un person­ nage existe nécessa irement sous les traits de l'ac teur qui l'i ncarne.

Il a un visage, un cor ps, une démar che, une voix: on ne peut réduire sa présence à une simp le notation descri ptive .

Or , dans le film, l'ac teur Gabri ella donne à M.

Duf our son physique tout en rondeur.

À la chair triste et molle du pochar d de Maup assant, suc cède ainsi l'obésité jo ye use et te ndue d'un acteur com ique.

L'impu issance gr ise du person nage de la nouvelle glisse ainsi au sec ond plan : le com merçant sûr de lui, le fort en gueule rubicond occupe dans le film le devant de la scène.

Débraillé, ru doya nt son comm is, faisant craquer ses habits bou rgeoi s par l'excès de sa santé, M.

Dufour ser a pou rtant, com me che z Maup assant, trompé par sa femme.

Mais chez Renoir il est, pour ainsi dire, coc u magni fique, cocu sa ns inqu ié­ tude ; al ors que chez l'écriv ain la ma uva ise humeur , peut ­ être la méfiance, suivent rapid ement la griserie.

Ces deux tra itements du même personnage ressortissent à deux visions du monde : la farce n'est jamais gaie chez l'éc ri­ va in ; ta ndis que chez le ciné aste le ridicule même peut déb oucher sur une forme de bon heur.

35. »

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