Les Mouches J-Paul Sartre
Publié le 02/06/2013
Extrait du document


«
Électre est seule sur scène mais toutes ses pensées, son attention sont tournés vers l'action que son frère est
en train d'accomplir.
Dans la dramaturgie classique, la référence à un hors-scène est habituelle pour relater aux
spectateurs ce qui ne peut être représenté sur scène pour des raisons de bienséances.
L'exemple le plus connu
est celui du récit de la mort d'Hippolyte à la fin de Phèdre de Jean Racine.
Mais ce récit est rétrospectif même
s'il prend vie grâce à la description vivante (hypotypose) de Téramène.
Mais ici personne ne vient faire le récit
du meurtre de Clytemnestre qui se joue et cette scène, il faut le noter, est contemporaine du monologue.
Comment Jean-Paul Sartre rend-il présent ce meurtre sans le représenter ?
La scène de meurtre est d'abord rendue présente par les évocations d'Électre.
Elle visualise ainsi mentalement
la progression de son frère dans le palais et en fait naître la représentation chez le spectateur : « Il marche dans
le couloir, quand il aura ouvert la quatrième porte... » Les points de suspension montrent cependant les
réticences d'Électre à envisager le meurtre de sa mère.
Cet assassinat est rendu plus présent encore au cours de la scène avec les cris de Clytemnestre qui
s'éteignent peu à peu afin de signifier sa fin (Cris plus faibles de Clytemnestre.
[...] Les cris cessent.) Ces cris
sont d'autant plus évocateurs qu'ils se détachent d'un silence pesant marqué par les didascalies (Silence.
Puis
cris de Clytemnestre) et qu'ils sont attendus par Electre et partant du public.
Toute l'attention d'Électre est ainsi
tournée vers ces cris qu'elle attend et qu'elle redoute tout à la fois et qui sont l'objet de ses interrogations puis
de ses certitudes : « Est-ce qu'elle va crier ? [...] Elle va crier comme une bête. »
Les temps verbaux utilisés par Electre dans son monologue marquent clairement les différentes étapes de ce
meurtre qui est de l'ordre du futur au début de la scène « l'autre est vivante encore au fond de sa chambre, et
tout à l'heure, elle va crier » puis de l'ordre du passé « c'était notre mère et il l'a frappé. »
Il faut noter que ces remarques d'Électre qui ponctuent son monologue apparaissent comme redondantes par
rapport à l'environnement sonore mais elles en amplifient l'impact sur le public et témoignent d'une prise de
conscience du personnage.
Le présentatif « voici » qui ouvre la phrase « voici mes ennemis sont morts » donne
de même une certaine réalité à ces faits.
Bien que le meurtre de Clytemnestre ne se déroule pas sur scène, il prend vie à travers le monologue d'Électre
et semble présent aux spectateurs.
Comme souvent en littérature, ce qui est suggéré ou évoqué a un.
»
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