Les Mouches, Acte III, scène 6 : le départ d'Oreste.
Publié le 13/07/2010
Extrait du document
ORESTE, s'est dressé Vous voilà donc, mes sujets très fidèles! Je suis Oreste, votre roi, le fils d'Agamemnon, et ce jour est le jour de mon couronnement. La foule gronde, décontenancée.
Vous ne criez plus ? (La foule se tait.) Je sais : je vous fais peur. Il y a quinze ans, jour pour jour, un autre meurtrier s'est dressé devant vous, il avait des gants rouges jusqu'au coude, des gants de sang et vous n'avez pas eu peur de lui car vous avez lu dans ses yeux qu'il était des vôtres et qu'il n'avait pas le courage de ses actes. Un crime que son auteur ne peut supporter, ce n'est plus le crime de personne, n'est-ce pas ? C'est presque un accident. Vous avez accueilli le criminel comme votre roi et le vieux crime s'est mis à rôder entre les murs de la ville, en gémissant doucement, comme un chien qui a perdu son maître. Vous me regardez, gens d'Argos, vous avez compris que mon crime est bien à moi ; je le revendique à la face du soleil, il est ma raison de vivre et mon orgueil, vous ne pouvez ni me châtier ni me plaindre et c'est pourquoi je vous fais peur. Et pourtant, ô mes hommes, je vous aime, et c'est pour vous quç j'ai tué. Pour vous. J'étais venu réclamer mon royaume et vous m'avez repoussé parce que je n'étais pas des vôtres. À présent, je suis des vôtres, ô mes sujets, nous sommes liés par le sang, et je mérite d'être votre roi. Vos fautes et vos remords, vos angoisses nocturnes, le crime d'Égisthe, tout est à moi, je prends tout sur moi. Ne craignez plus vos morts, ce sont mes morts. Et voyez : vos mouches fidèles vous ont quittés pour moi. Mais n'ayez crainte, gens d'Argos : je ne m'assiérai pas, tout sanglant, sur le trône de ma victime : un dieu me l'a offert et j'ai dit non. Je veux être un roi sans terre et sans sujets. Adieu, mes hommes, tentez de vivre : tout est neuf ici, tout est à commencer. Pour moi aussi, la vie commence. Une étrange vie.«
C'est la dernière réplique de la pièce, elle en constitue le dénouement. Après avoir commis son crime à la fin de l'acte II, il restait à Oreste à l'assumer. C'est l'objet de l'acte III. La dernière tirade d'Oreste le confronte avec ses sujets. On s'attendrait à ce qu'il s'asseye sur le trône d'Argos or il décide de partir.
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