Les Misérables (1862) HUGO - IIe partie, chapitre 10, « Le plateau de Mont Saint-Jean ».
Publié le 14/03/2020
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Écrit de 1845 à 1861, le roman Les Misérables constitue une grande fresque mettant en scène ceux que la société méprise et rejette. Victor Hugo mêle à cette histoire des reconstitutions historiques, comme celle de la bataille de Waterloo qui, le 18 juin 1815, mit fin au Premier Empire et fut un terrible massacre.
Si Victor Hugo sait donner à son récit un souffle épique, il n'en montre pas moins, en une évocation réaliste et minutieuse, l'horreur des combats inhumains. .
Alors ce fut effrayant.
Toutes les faces des carrés anglais furent attaquées à la fois. Un tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide infanterie demeura impassible. Le premier rang, 5 genou en terre, recevait les cuirassiers sur les baïonnettes, le second rang les fusillait ; derrière le second rang, les canonniers chargeaient les pièces, le front du carré s’ouvrait, laissait passer une éruption de mitraille, et se refermait. Les cuirassiers répondaient par l’écrasement. 10 Leurs grands chevaux se cabraient, enjambaient les rangs, sautaient par-dessus les baïonnettes et tombaient, gigantesques, au milieu de ces quatre murs vivants. Les boulets faisaient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés. Des files 15 d’hommes disparaissaient, broyées sous les chevaux. Les baïonnettes s’enfonçaient dans les ventres de ces centaures. De là, une difformité de blessures qu’on n’a pas vue peut-être ailleurs. Les carrés, rongés par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans broncher. Inépui-20 sables en mitraille, ils faisaient explosion au milieu des assaillants. La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés n’étaient plus des bataillons, c’étaient des cratères ; ces cuirassiers n’étaient plus une cavalerie, c’était une tempête. Chaque carré était un volcan attaqué par un 25 nuage ; la lave combattait la foudre.
IIe partie, chapitre 10, « Le plateau de Mont Saint-Jean ».
- Actions des cuirassiers français : « enveloppa », « répondaient par l'écrasement », « enjambaient », « sautaient », « faisaient des brèches », action de « ronger » les carrés, et de faire disparaître des « files d'hommes ». Cette structure constamment alternée fait passer le regard du lecteur d'un côté à l'autre et lui fait apparaître la similitude des actes guerriers : chaque avance des cuirassiers à cheval est doublement meurtrière, pour eux, et pour les Anglais ; chaque « accueil » des Anglais l'est également, pour les cuirassiers et pour eux-mêmes. Le narrateur présente ce combat en faisant ressortir ses aspects « monstrueux », « inhumains », mythologiques ».
«
assaillants.
La figure de ce combat était monstrueuse.
Ces
carrés n'étaient plus des bataillons, c'étaient des cratères;
ces cuirassiers n'étaient plus une cavalerie, c'était une
tempête.
Chaque carré était un volcan attaqué par un
25 nuage ; la lave combattait la foudre.
II• partie, chapitre 10, « Le plateau de Mont Saint-Jean».
AXES DE LECTURE MÉTHODIQUE
INTRODUCTION
La célèbre attaque des carrés anglais par la cavalerie fran
çaise est présentée
ici par un narrateur témoin, précis dans
ses observations.
Mais
on ne sait qui il est ni d'où il observe.
Le récit, à l'imparfait, est composé d'une succession d'actions
soulignant
la réciprocité des mouvements.
À mesure que ces
actions sont rapportées,
la présentation qui en est faite insiste
sur
le caractère inhumain, monstrueux, presque mythologique
de l'affrontement.
En tenant compte de ces caractéristiques, on pourra orien
ter
la lecture méthodique de ce texte dans les trois direc
tions suivantes :
- une image précise et technique de
la guerre,
-
la réciprocité destructrice des actions,
-
la vision épique d'un combat «monstrueux».
1.
UNE IMAGE PRÉCISE
ET TECHNIQUE
DE LA GUERRE
Le lecteur la perçoit dès la première lecture au nombre
important de termes faisant référence
au combat, à la
manière dont il se déroule.
Le narrateur utilise en effet des
termes spécifiques.
20.
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