Les Lieux dans Zazie dans le métro. « La scène est à Paris «. C'est par cette didascalie initiale que le texte de Queneau aurait pu s'ouvrir. En effet le traitement de l'espace porte la trace de cette unité de lieu, chère au théâtre classique : Zazie arrive dans la capitale au 1er chapitre et en repartira au dernier. Toutefois, ce lieu unique, cadre de l'action, se diffracte en un certain nombre d'espaces différents, réels ou fictifs qui parcourent le roman. Traitement particulier de la part de Queneau et de Louis Malle. Une mise en doute généralisée - Une topographie parisenne imprécise. -. Nb indications de lieu chez Queneau : « Saint-Germain-des-Près « (p.16), « La Sainte-Chapelle « (p.96), « boulevard turbigo « (p.123)... Lieux variés. Idem dans le film : majorité des séquences tournées à l'extérieur, décor naturel : places (séq 28, 35, 47...), passages couverts (séq.12, 21, 24, 28), ponts (séq. 24, 29, 46...) : Effet de réel. - Mais séquences descriptives sont très rares dans le roman. Au chapitre 8 du roman, Queneau s'amuse avec son lecteur. Gabriel et Charles échangent une nouvelle série de considérations oiseuses sur l'identification des lieux qu'ils ont sous les yeux. « Zazie examina ce qui se passait à quelque trois cents mètres plus bas en suivant le fil à plomb «. Devinette : où sommes-nous ? - Sur la tour Eiffel, bien sûr. Mais dans le chapitre, son nom ne sera jamais mentionné. A la différence de l'écriture romanesque, l'écriture cinématographique ne peut refuser de donner à voir l'espace. Pourtant il va trouver un moyen pour retranscrire l'idée de Queneau : Lieux touristiques délibérément occultés par le cinéaste D'autres lieux sont ignorés non pas par les protagonistes mais par Louis Malle lui-même qui, s'il les connaît bien, les occulte partiellement, DIAPO 2 en ne les montrant que par le tout petit bout de la lorgnette, en les décadrant - le plus souvent en dirigeant sa caméra vers le bas, pour couper ce qui rendrait reconnaissable tel ou tel monument. Louis Malle décide lui aussi de prendre son spectateur à contre-pied, et de lui faire faire une visite de Paris pour le moins originale. Voici donc quelques exemples : dans les photos de gauche, ce que Zazie aura vu de Paris, tandis que les photos de droite restitue aux lieux leur dimension de clichés photogéniques. DIAPO 3 à 10 -La gare de l'Est, une réalité parisienne, mais... Le générique et les premières images du film créent immédiatement le doute. Dans le générique en effet, un train roule à vive allure. Le point de vue est celui du conducteur, à l'avant : on ne voit que les rails et les caténaires, la ligne est donc électrifiée (il s'agit de la ligne Montparnasse). Or avant même que ne commence la musique, la bande-son fait entendre un sifflement strident de train à vapeur : première incongruité. De plus, c'est dans un nuage de vapeur que le train entre en gare. Le générique avait une autre fonction : il servait de métonymie du cinéma, avec son insistance sur la fonction des rails, à l'origine de la technique cinématographique bien connue du travelling. Et le cadrage de Louis Malle achève de confirmer cette première mise en garde : « Ne vous laissez pas piéger par ce que vous voyez ! «, car un train peut en cacher un autre, et en l'occurrence, celui qui arrive en gare de l'Est rappelle étrangement le premier train de l'histoire du cinéma, celui que filmèrent les frères Lumière en 1895 alors qu'il entrait en gare de La Ciotat. DIAPO 11 -Un trajet en taxi plus que problématique : deux langages pour dire l'instabilité du monde Dans le roman : Extrait : p.12 (« Il démarre «) à 16 (« Oui, du bidon «) Face à cette dissension entre Charles et Gabriel, il est impossible au lecteur de déterminer qui peut avoir raison, puisque Queneau ne lui fait l'aumône d'aucune description, et que seul le déictique « ça « dirige le regard des personnages : Doute du lecteur. Dans le film CARTE DIAPO 12 Il apparaît que chez Malle comme chez Queneau la ligne droite n'est pas le plus sûr moyen de joindre un point A et un point B : alors qu'il suffirait, pour aller de la gare de l'Est (1) au café de Turandot, rue Notre-Dame de Bonne Nouvelle (6), de descendre le boulevard de Strasbourg et de tourner à droite boulevard de Bonne Nouvelle, Charles se lance dans une expédition qui n'a même pas pour but de faire découvrir à Zazie les trésors touristiques de la ville, puisque le seul monument de quelque importance est l'église Saint-Vincent-de-Paul (3 et 5), régulièrement confondue avec d'autres sites plus glorieux. Dès les premières minutes du film, et même si le spectateur n'a pas une idée bien précise de la topographie parisienne, le doute s'installe et pour longtemps. Nos personnages vont se retrouver devant cette même église à quatre reprises DIAPO 13, chaque fois dans un sens de circulation différent, et avec une appellation différente. Conflit entre la bande-don et la bande visuelle : ce qu'on entend ne correspond pas à ce que l'on voit. Jeu sur la profondeur de champ : arrière-plan n'est plus seulement un décor, il se dote de ses significations propres. Fiche à distribuer aux élèves page suivante : Gabriel : Ah ! Paris, quelle belle ville ! Tiens, Zazie, regarde... le PanthéonCharles : Qu'est-ce qu'il faut pas entendre !Gabriel : C'est peut-être pas le Panthéon ?Charles : Non, non et non, c'est pas le PanthéonGabriel : Et qu'est-ce que ça serait alors d'après toi ?Charles : J'en sais rien. Mais c'est pas le Panthéon. Charles : Ah mais, le truc qu'on vient de voir, c'était pas le Panthéon bien sûr, c'était la Madeleine.Gabriel : Peut-être, mais maintenant c'est du passé, n'en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c'est chouette comme architecture, c'est les Invalides...Charles : Oh ! t'es tombé sur la tête, c'est tout au plus la caserne Reuilly. Zazie : Dis donc, tonton, quand vous déconnez comme ça, vous l'faites esprès ou c'est sans le vouloir ?Gabriel : C'est pour mieux te faire rire, mon enfant.Charles : La vérité, c'est que tonton il le fait exeuprès et tantôt pas.Zazie : Si c'est pour vous moquer ...