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Les Lettres Persanes de Montesquieu (1721) : Lettre 30 (XXX)

Publié le 02/02/2012

Extrait du document

montesquieu
 
 
Les habitants de Paris sont d’une curiosité qui va jusqu’à l’extravagance. Lorsque j’arrivai, je fus regardé comme si j’avais été envoyé du Ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres ; si j’étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi : les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m’entourait ; si j’étais aux spectacles, je trouvais d’abord cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n’a été tant vu que moi. Je souriais quelques fois d’entendre des gens qui n’étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : « il faut avouer qu’il a l’air bien Persan. « Chose admirable ! Je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées : tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge : je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare ; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement : libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique : car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche. Mais, si quelqu'un, par hasard, apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : « Ah! ah! Monsieur est Persan? C’est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? «
 
 
 
 
 
 
 
INTRODUCTION :
 
Dans la lettre 30 des lettres Persanes roman épistolaire écrit par Montesquieu en 1721, le persan Rica, en voyage à Paris qui s’était jusqu’alors étonné de ce qu’il découvrait en France, et provoque à son tour l’interrogation de ce qu’il côtois. Vêtu à l’oriental, Rica se trouve immédiatement identifié comme persan, il s’aperçoit que personne ne s’intéresse réellement à celui qu’il est mais une fois masqué, c’est à dire réduit à l’apparence européenne, il n’est plus non plus reconnu pour ce qu’il est en réalité. Le récit qui’il en fait à son ami Ibben, resté a Smine est l’occasion pour Montesquieu à travers la critique amusée (registre polémique et comique) de la curiosité des parisiens, de montrer à quel point le récit est faussée par les apparences et bien souvent ne se pose lmes questions fondamentales.
I/ Un récit anecdotique
II/ Jeu de l’apparence et de la réalité
II/ Enseignement de la lettre
 

montesquieu

« Epistolaire est un genre à part entière.

La lettre est construite comme un récit illustrant l’affirmation de la première phrase qui porte sur un constat : l’extraordinaire curiosité des parisiens : « Les habitants de Paris sont d’une curiosité qui va jusqu’à l’extravagance ».

Le récit évolue en deux parties caractérisé par une différence de registres et une opposition de contenu.

Ce récit présente une grande vivacité qui va donner une fan taisie à une scène prise dans la vivacité.

Deux étapes du récit correspondant donc aux deux paragraphes et à deux situations successives.

1.

Première étape : un persan selon les apparences Ce récit est constitué par une succession de petites scènes rapides marquées par la diversité des lieux « dans la rue » « si je sortais » « dans les lieux de promenade » « aux tuileries » « au spectacle ».

Cette diversité de lieux sociaux est soulignée dans le texte par l’insistance sur les endroits ou se trouve des port raits renfoncés par l’adverbe « partout » souligné par l’insistance hyperbolique « toutes les boutiques » (ordre social) « toutes les cheminées » (ordre public ».

La vivacité tient à la diversité des scènes, aux énumérations « : vieillards, hommes, femmes, enfants » dénué d’articles pluriels et aux caractères visuel de ce qui est raconté : la présence de l’œil (champ lexical de la vue) + multiplicité des personnes + présence du mouvement + présence des couleurs avec « arc en ciel ».

Rapidité de succession des actions « d’abord » « aussitôt » donne vivacité au récit.

Passage du récit au style direct qui livre les réflexions captées au hasard « « il faut avouer qu’il a l’air bien Persan.

» ».

Le récit est enfin plein de vivacité et d’humour.

Les images poét iques (« arc en ciel ») ou insolite (« dressées contre ma figure ») soulignent chez le locuteur une capacité d’observation précise et lucide chez le pseudo narrateur qui comme toujours s’étonne de tout.

Nous avons une transition.

2.

Transition Un bref passage entre deux situations qui explicite de la part de Rica sa décision de changer de costume et l’étonnement le pousse a vérifier une expérience dont les motivations et le contenu sont donné de manière précise, lucide et résonné « pour voir s'il resterait en core dans ma physionomie quelque chose d'admirable » C’est une vérification.

Et de l’observation il va tirer par induction une conclusion.

3.

2ème étape : un vrai persan Plus brève que la précédente.

« .

Cet essai me fit connaî tre ce que je valais réellement ».

Le registre est différent du précédent : plus orienté vers l’analyse de la découverte de l’indifférence.

L’absence de regards et de conversations est marquée par le fait que Rica n’est plus différent des autres, une fois qu’il n’est pas vêtu à l’orientale.

« Sans qu'on m'eût regardé ».

Il n’intéresse plus personne, il ne suscite plus aucun intérêt.

Avec la spontanéité qui caractérise la forme épistolaire, Rica arrive aussi.

Rica apporte ici dans un récit fort bien structu ré et lucide une doubl e expression de reconnaissance sociale fondée sur l’apparence extérieure.

I/ Un récit anecdotique. »

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