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Les grands prix littéraires (Histoire de la littérature)

Publié le 14/11/2018

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PRIX ET BOURSES CONCOURT

 

Si le prix Goncourt est aujourd'hui le moins bien doté, avec le Renaudot, les écrivains couronnés par une bourse Goncourt touchent en revanche un chèque beaucoup plus conséquent. À l'exception de la bourse Goncourt de la poésie instituée grâce au legs Adrien Bertrand (prix Goncourt 1914), l'attribution des autres bourses se fait en partenariat avec diverses municipalités, qui voient là une belle occasion de donner quelque visibilité à leurs activités de mécénat : Strasbourg pour la bourse Goncourt de la nouvelle, Paris pour celle du premier roman, Nancy pour celle de la biographie, Fontvieille pour la Bourse du livre pour la jeunesse.

BOURSES ET RECOMPENSES

 

Dès l'époque des Lumières, différentes institutions attribuent à des écrivains des bourses et des récompenses qui, au-delà de la somme attribuée, leur confèrent prestige et notoriété (Rousseau est lauréat de l'académie de Dijon pour son Essai sur les sciences et les arts, en 1750). Ce n'est toutefois qu'au xxe siècle, avec l'importance croissante du prix Goncourt, que les prix littéraires prennent toute leur influence. Généralement décernés à l'automne, ils suscitent de la part des médias un vif intérêt et - à de rares exceptions près - assurent le succès d’un livre. Le système des prix est fréquemment critiqué : on lui reproche notamment d'être plus ou moins truqué et d'attirer tous les lecteurs vers deux ou trois ouvrages, pas forcément les meilleurs. Reste qu'il contribue à animer une scène littéraire où les événements ne sont pas si fréquents, et que si nombre de lauréats sont aujourd'hui tombés dans l'oubli, le système a aussi permis à de bons auteurs de sortir de l'ombre. Les prix, ainsi, ne sont pas seulement le symbole d'une actualité littéraire aussi fugace qu’éphémère, mais appartiennent aussi à l'histoire de la littérature.

QUAND LES PRIX N'EXISTAIENT PAS

Il fut un temps où les prix n'existaient pas, ou en tout cas pas sous la forme qu'on leur connaît à présent. La diffusion des livres restait limitée, et un ouvrage mettait des dizaines, voire des centaines d'années à se diffuser. Le plus grand succès de librairie jusqu'en 1914, après la Bible, est par exemple Les Aventures de Télémaque, publié par Fénelon en 1699... et distribué pendant deux siècles à des milliers d'écoliers.

 

Au xviie siècle, un écrivain peut recevoir une gratification du roi, une place à l'Académie ou quelque autre récompense qui lui permettra de trouver sa place dans le jeu des institutions littéraires, et de bénéficier d'une pension. Mais la vente de ses livres ne représentera jamais qu'une ressource pécuniaire insignifiante.

 

Au xviiie siècle s'installe un système différent, inspiré des Jeux floraux de la tradition occitane, venus tout droits du Moyen Âge. En premier lieu, les académies de province, à l'instar de celle de Dijon qui récompense Rousseau par deux fois, créent des concours littéraires. Les auteurs récompensés ne sont pas des romanciers, comme c'est généralement le cas aujourd'hui.

 

mais des essayistes, des historiens, des orateurs rivalisant d'habileté rhétorique. Il y a quelque chose d'un peu scolaire dans ces prix, qui rappellent beaucoup ceux attribués aux bons élèves dans les collèges. C'est que les belles-lettres, selon l'expression de l'époque, sont alors considérées comme une sorte d'artisanat : les prix académiques ne récompensent pas le «génie», mais le savoir-faire d'écrivains qui ne mettent pas en avant leur originalité, mais la science avec laquelle ils usent des règles de la langue et de la rhétorique. Reste qu'à côté des honneurs d'État se crée un système de récompenses locales, qui ne sont plus des rentes mais des dotations ponctuelles. Le système des prix est en marche.

L'ÉDITION, DU COMMERCE À L'INDUSTRIE

La fin du xviiie siècle voit aussi l'invention du droit d'auteur (avec Beaumarchais) et l'émergence d'écrivains qui tentent de vivre de leur plume. Deux disciples de Rousseau, Rétif de La Bretonne et Louis Sébastien Mercier, seront parmi les premiers à le faire, mais pour l'un comme pour l'autre les quelques succès qu'ils ont obtenus ne suffisent pas à les nourrir, et ils sont obligés de multiplier les écrits pour survivre. Le prix élevé du papier, la rareté du lectorat font d'un livre tiré à 2000 exemplaires un succès de librairie. L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (4000 ex.) ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau (près de 10000) sont des succès exceptionnels. À l'époque romantique, les progrès de l'imprimerie vont permettre de passer à des tirages plus importants. Alexandre Dumas, Victor Hugo voient leur livres tirés à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, et un ouvrage comme Illusions perdues, de Balzac, montre bien quelles tractations, quelles alliances

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« l'HOMME AUX DEUX GONCOURT Une des règles du prix Goncourt veut qu'un lauréat ne soit récompensé qu'une seule fois au cours de sa vie.

li est pourtant une exception : Rom11in G11ry, qui avait reçu le prix en 1956 pour Les Racines du ciel, était au début des années 1970 considéré comme un écrivain dépassé.

Agacé par cette image injuste, il décide de se lancer une seconde fois dans la course au Goncourt, sous le pseudonyme d'Émile Ajar.

Avec un titre emblématique, La Vie devant soi (Mercure de France}, son roman est couronné en 1975; commence alors une double vie, qu'il gardera secrète jusqu'à la fin, et dont Vie et Mort d'Émile Ajar raconte à la fois la griserie et l'amertume.

D'autres romans suivronL et un jeune parent de Romain Gary prêtera même son visage à Émile Ajar, pour participer notamment à la célèbre émission Apostrophes ...

critique et jurés se retrouvent avec La Condition humaine d'André Malraux.

Céline peut par ailleurs se consoler avec le Renaudot.

LE PRIX RENAUDOT, Le prix Théophraste-Renaudot (son vrai nom) a été créé en 1926 par dix critiques littéraires qui attendaient la fin de la délibération des jurés du Goncourt.

On a coutume de dire que ce prix répare les éventuelles injustices du Goncourt : de fait, deux livres sont désignés, au cas où le lauréat du Renaudot aurait déjà le Goncourt.

Le nom du lauréat est proclamé au restaurant Drouant, en même Le Goncourt a peu à peu pris une telle importance que, sous la pression de leurs éditeurs respectifs, les jurés ont quelquefois tendance à faire du lobbying.

Dans les années 1970-1980, on parlait ainsi de « Galligrasseuil » pour désigner les trois maisons d'édition (Gallimard, Grasset, les Éditions du Seuil) qui, comme par hasard, trustaient tous les prix.

Dès les années 1950, certains écrivains ont contesté ouvertement un système qui, en promouvant des ouvrages choisis par les éditeurs, impose une esthétique médiocre au détriment des bons auteurs et au mépris des lecteurs.

Le pamphlet de Julien Gracq, La Littérature à l'estomac (Corti, 1950}, est sans appel sur ce point.

Est-ce un hasard si les jurés, ironiquement, lui attribuent le prix seul -auteur à avoir refusé le Goncourt.

Ce qui n'empêcha pas son livre d'obtenir un succès d'ailleurs mérité.

Il faudra attendre les années 1980 et surtout 1990 pour voir le Goncourt récompenser de petits éditeurs (les Éditions de Minuit, par exemple) ou des auteurs vraiment originaux.

Parmi ceux­ ci, certains connaîtront un véritable jurés ont depuis une quinzaine d'années à regagner en légitimité, soit en déjouant les pronostics, soit en sélectionnant des auteurs inconnus (Pascale Roze ou Jean Rouault).

En récompensant des auteurs francophones d'origine étrangère comme Tahar Ben Jelloun ou Andreï l'Espagnol Jorge Semprun, l'académie Goncourt fait montre d'un souci de crédibilité.

Les grands succès des années 1990- 2000, d'ailleurs, se sont faits en dehors du système des prix, et sur une logique de scandale, de "plan médias» plutôt que de récompense : songeons par exemple aux Particules élémentaires de Michel Catherine Millet, ou encore à la nouvelle Inconnu à cette adresse, de Kresmann Taylor, exhumé par les éditions Autrement et qui, par le simple bouche à oreille, s'est vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.

Surmédiatisés, le Goncourt et le Renaudot ne sont pourtant que deux prix parmi des milliers.

Attribués par des collectivités locales, des sociétés savantes ou littéraires, des associations ou des fondations, ces prix obéissent à deux logiques très différentes.

Il y a d'abord ceux qui ne sont connus que de quelques amateurs, ce qui ne les empêche pas de conférer un vrai prestige au sein de la communauté concernée.

On citera ainsi le Grand Prix de littérature poli,ière, ou chez les poètes les prix Max-Pol Fou,het, Apollinaire, le prix Kowalsky de la Ville de Lyon ou encore le Grand Prix de poésie de l'Académie française, qui se signalent tous par la qualité des œuvres couronnées et le discernement du jury -quels que soient par ailleurs les querelles de chapelles et les petits jeux d'influence qui opposent telle coterie à telle autre ...

Il y a ensuite les prix d'automne, dont l'emblématique quoique peu connu prix Dé,embre, décerné en octobre ...

Un peu moins médiatisés que le Goncourt, ils bénéficient cependant d'une grande attention chez les libraires et les éditeurs.

Outre le Grand Prix du roman de l'Académie française, on citera ainsi le prix Interallié décerné par le cercle du même nom, et le prix Médicis (créé en 1958}.

Le prix Femina, fondé en 1904, juste .

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� .;"4.:.- -r -- un an après l'attribution du premier Goncourt, a pour particularité d'être attribué par un jury composé de douze femmes de lettres.

Ce qui ne signifie que le prix soit à des femmes, de Saint­ •• Exupéry figurent parmi les lauréats.

Aujourd'hui, l'ensemble des jurys est mixte, ce qui a quelque peu contribué à marginaliser le prix Fémina.

À l'instar du Goncourt, certains de ces prix se sont dédoublés, en particulier le Médicis, dont le jury a eu l'intelligence de créer en 1970 un prix Médicis du livre étranger, récompensant des auteurs comme Milan Kundera (La vie ailleurs, 1973}, Cortazar de Manuel, Umberto (Au nom de la Rose, 1982}, Elsa Morante (Aracoeli, 1984), Paul (Léviathan, 1993} et Philip Roth (La Tache, 2002).

Il existe aussi un prix Médicis de l'essai.

Il faut enfin signaler l'apparition récente de prix d'un genre nouveau, dont les plus connus sont le prix des lectri'es de Elle, le prix du Livre Inter, ou le Gon,ourt des ly,éens.

Tous trois ont en commun d'être attribués par des jurys de lecteurs, qui n'appartiennent pas au monde de l'édition et ont donc pour vertu d'être dégagés des intrigues du milieu, plus proches du goût du public, et sans doute plus audacieux.

Un livre comme La Maladie de Sachs, de Martin Winclder (P .O.L.), prix du Livre Inter 1998, est ainsi devenu le best-seller de cette année-là.

Le système des prix montre donc en capable d'évoluer et de répondre aux critiques dont il a fait l'objet depuis une cinquantaine d'années.

l'académie suédoise effectuent leur sélection annuelle dans le plus grand secret lors de leurs réunions hebdomadaires.

La date de l'annonce elle-même n'est révélée que deux jours auparavant.

Outre le prestige que lui confère le prix, le lauréat reçoit plus de 10 millions de couronnes (soit 1,1 million d'euros); à Stockholm où il reçoit son prix, il est invité à faire un discours, qui est souvent considéré par la suite comme une œuvre à part entière, précisant sa vision du monde et de la littérature.

On cite ainsi, parmi les lauréats français, les discours d'Albert Camus (prix Nobel 1957} et de Saint-John Perse {1960}.

L'histoire du prix Nobel, comme celle du Goncourt, comporte un refus : celui de Jean-Pau/ Sartre (1964}, qui pour le justifier n'argua pas de raisons r--------------1 littéraires, mais politiques, évoquant LES GRANDS PRIX ÉTRANGERS Le système des prix n'est pas une spécialité française, loin s'en faut, mais, à l'exception notable du Nobel, les principaux prix étrangers sont mal connus en France.

Les différents Booker Prize américains sont pourtant une institution, tout comme le prix Georg Bü,hner en Allemagne et le prix Cervantès en Espagne, ce dernier récompensant des auteurs de l'ensemble du monde hispanophone.

notamment une compromission avec le système, dont il ne voulait à aucun prix.

Il est vrai que ce coup d'éclat valut à Sartre, alors au faîte de sa célébrité, une prodigieuse publicité ...

Les prix Nobel de littérature sont généralement attribués à des écrivains déjà reconnus, voire déjà âgés, à la différence du Goncourt qui couronne - en principe -de jeunes talents; ils récompensent l'ensemble d'une œuvre, et non pas un livre en r--------------i particulier.

Moins contesté que le LE PRIX DES PRIX : LE NOBEL On ne pourrait achever ce tour d'horizon sans évoquer ce prix Nobel qui, de tous les prix décernés à l'échelle planétaire, est probablement la distinction la plus convoitée.

Quand Alfred Nobel meurt en 1896 (la même année qu'Edmond de Goncourt), il est à la tête fortune considérable, accumulée grâce à une invention : la dynamite.

Dans son testament, il indique que ses actifs devront être utilisés pour récompenser, chaque année, la personne qui a conféré à l'humanité le bienfait le plus important dans cinq disciplines : la physique, la chimie, la médecine ou la physiologie, la littérature et la paix (le prix Nobel d'économie sera créé en 1968 par la Banque royale de Suède).

Les cinq premiers prix Nobel ont été décernés en 1901.

Les membres de Goncourt, le prix a fait l'objet de quelques critiques feutrées, et notamment de choisir des causes plus que des œuvres : les choix des deux dernières décennies sont en effet souvent politiques, nombre de lauréats étant manifestement distingués pour leur engagement ou leur capacité à représenter une communauté.

Le dernier Nobel français, pour sa part, n'appartient pas à cette catégorie : Si man, en que, il reçut le et se fiant la notice quelque peu malveillante que lui consacrait un célèbre dictionnaire , des journaux titrèrent : "Un viticulteur français reçoit le prix Nobel.>> Le prix apporta quelque notoriété à Claude Simon, mais ses tirages ne se sont pas multipliés : ils sont aujourd'hui de l'ordre de 15000 à 20000 exemplaires.. »

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