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Les grands mythes sont là, croyons-nous, pour aider [l'homme] à dire non à une organisation étouffante.

Publié le 03/11/2016

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mythes

A quoi servent Tristan et Iseut ? Et après eux, dans le panthéon imaginaire occidental, Faust, Don Juan, Robinson Crusoé, Don Quichotte ? Et derrière \"\"eux, du fond de la Thèbes antique, Œdipe ? Ces héros maudits, ces révoltés qui n’incarnent chacun un aspect de la condition humaine qu’à la façon dont un bouc émissaire se charge d’un péché, qui osera prétendre que, s’ils vivent en nous, c’est pour nous aider à mieux nous intégrer dans le corps social ? La passion adultère de Tristan et Iseut, le pacte avec le diable de Faust, le désir ardent et destructeur de Don Juan, la farouche solitude de Robinson, le rêve extravagant de Don Quichotte, autant de façons au contraire de dire non à la société, de briser l’ordre social. ll y a dans l’ethnologie1, la sociologie et la psychanalyse un biologisme de principe qui voudrait que tous les ressorts de l’homme favorisent son intégration au corps social.

Michel TOURNIER, Le Vol du Vampire, 1981.

Osera-t-on considérer les héros mythiques représentant la révolte humaine comme cathartiques donc ouvrant les voies de l’intégration sociale ? C’est le contraire. Voir toujours en eux des symboles d’adaptation est une simplification des scientifiques et analystes. Or le domaine moral ou spirituel ne se cloisonne pas aisément. L’homme résiste. Les héros qu’il imagine deviennent modèles d’insoumission à la loi établie. Disposant de mille possibilités coercitives, la société risque le totalitarisme, donc l’étouf-fement des créativités indépendantes, sans même compensation d’un rendement intéressant ; car la passivité est l’arme de l’esclave, de tout homme que l’on aliène. Chaque mythe représente à sa façon, une résistance à la domination.

mythes

« C'est de là que découle directement l'aspect réducteur2 de la cure psychanalytique.

Il est llifficile de faire admettre à des esprits de formation scientifique qu'il puisse y avoir aussi des mécanismes propres à sauvegarder une certaine inadaptation de l'individu dans la société.

Or s'il est facile de définir l'estomac normal, le foie en bonne santé, le poumon fonctionnant de façon satisfaisante, il n'en va pas de même du comportement ou de l'esprit.

L'homme n'est pas l'animal.

Il a la faculté de regimber contre son milieu et de le modifier pour le plier à ses exigences, au lieu de se plier lui-même aux siennes.

Ainsi la fonction des grandes figures mythologiques n'est sûrement pas de nous soumettre aux «raisons d'État» que l'éducation, le pouvoir, la police dressent contre l'individu, mais tout au contraire de nous fournir des armes contre eUes.

mythe ! un rappel à l'ordre, mais bien plutôt un rappel désor­ société ne dispose que de trop de contraintes pour niveler les aspirations divergentes de ses membres.

Un danger mortel la menace : celui de glisser vers l'organisation massive et figée de la ruche ou de la fourmilière.

Ce danger n'est pas théoriquè.

Il est facile de citer dans le passé et dans le 'présent nombre de nations où un ordre tyrannique a écrasé tout jaillissement créateur indivi­ duel.

Et il ne faudrait pas croire que cette discipline bestiale se rachète par une efficacité, une productivité supérieures.

Les escla­ ves sont de mauvais travailleurs, le labeur servile se signale par son rendement désastreux, tous ceux qui l'ont utilisé -depuis l' Anti­ quité jusqu'à l'ère coloniale - le savent d'expérience.

L'homme est ainsi constitué que, si on lui retire sa faculté de dire non et de s'en aller, il ne fait plus rien de bon.

Les grands mythes sont là, croyons-nous, pour l'aider à dire non à une organisation étouf­ fante.

Bien loin d'assurer son assujettissement à l'ordre établi, ils le contestent, chacun selon un angle d'attaque qui lui est propre.

Michel TOURNIER, Le Vol du Vampire, 1981.

( 1) Ethnologie :étude des faits relatifs aux groupes humains.

(2) Réducteur : qui prétend simplifier, mais de manière abusive.

1.

Vo us ferez de ce texte un résumé de 125 mots environ.

2.

Vous expliquerez la phrase suivante : (( Ces maudits [ ..

J qui 11 'incarnent chacun un aspect de la condition huma11e qu'à la fa çon dont un bouc émissaire se charge d'un péché ...

,, en insi stant sur les termes 3.

Vous traiterez ce sujet de discussion : (( Les grands mythes sont là, croyons-nous, pour [.

•• ] aider [l 'homme } à dire non à une organisation étouffante.

". »

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