Les genres littéraires ont toujours, sembleraient-ils, étaient en lutte constante entre eux. En effet, Aristote, dans ses écrits théoriques : la Poétique, n’a-t-il pas tendance à dénigrer la comédie pour mieux glorifier la tragédie ? Le genre romanesque, avant d’être couvert de gloire au XVIII- XIXème siècle, n’a-t-il pas été considéré comme pernicieux dans les époques antérieures ?
Publié le 19/02/2011
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Cette polémique des genres, due à différentes conceptions esthétiques, semble donc assez présente dans l’Histoire littéraire. Cependant, cette polémique semble s’achever sous les écrits du mouvement romantique et notamment sous les écrits de son chef de file Victor Hugo qui inscrit, en 1826, dans sa préface des odes et des ballades :
« On entend tous les jours, à propos de production littéraire, parler de la dignité de tel genre, des convenances de tel autre, des limites de celui-ci, des latitudes de celui-là ; la tragédie interdit ce que le roman permet, la chanson tolère ce que l’ode défend. L’auteur de ce livre à la malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n’y voit que des mots : il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai est vrai et beau partout ; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène ; que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe ; qu’enfin et toujours la seule distinction véritable dans les œuvres de l’esprit est celle du bon et du mauvais. «
«
Victor Hugo semblerait avoir raison.
D'ailleurs, Louis Sébastien Mercier, dramaturge, journaliste etromancier, ne s'écriait-il pas, à la fin du XVIIIème siècle : « Tombez, tombez muraille qui séparent les genres » ? Lavolonté de détruire les genres n'est donc pas la volonté d'un seul.
C'est un besoin de plusieurs de vouloir se séparerdes conventions classiques portées par les théories Aristotélicienne afin d'éviter, sans doute, le formalisme littéraire.Il est ainsi évident que Victor Hugo et bien d'autres ont l'ambition de détruire le carcan qui est les genres afin delibérer les œuvres de toutes contraintes conventionnelles.
Il est en effet possible d'envisager que les genres sontune entrave à l'épanouissement complète de l'écriture franche et spontanée du génie artistique.
On le constated'ailleurs très bien à travers le Cid de Corneille, crée en 1637.
Cette pièce, au départ, tragi-comique est, en effet, devenue peu à peu tragique au nom, justement, de la séparation formelle des genres.
Le dramaturge Corneille se vitalors mis sous l'obligation de biffer quelques vers qui n'avaient pas leur place dans une tragédie puisqu'ils étaient,apparemment, trop lyriques.
Et le lyrisme, d'après les règles des trois unités énoncées par Aristote, ne pouvaients'inscrire dans ce genre de pièce.
Nous constatons donc les limites qu'imposent les conventions des genres, ce queVictor Hugo bafoue clairement en insérant de nombreux discours lyrique au sein de ses pièces (comme Hernani ) qui deviendront des drames romantiques.
Ainsi, Victor Hugo lutte contre l'imitation permanente des œuvres littéraires entre elles qu'imposent lesconventions classiques.
On constate que le XIXème siècle connaît de grands bouleversements formels :principalement dans le genre poétique et romanesque.
En effet, il apparaît que certains poètes érigent de nouvellesformes poétiques qui rompent, par exemple, avec les traditionnels sonnets antiques.
Aloysius Bertrand illustre trèsbien cette idée puisqu'il va, le premier, dans son œuvre Gaspard de la Nuit , écrire des poèmes en prose.
Cela se détache de toutes conventions antiques, de toutes règles de versifications.
La poésie est alors appelée à êtreentièrement redéfinie puisqu'elle a été réinventée.
De même, Arthur Rimbaud, dans son dernier recueil illuminations, joue sur la forme et le titre de certains de ses poèmes.
Alors qu'il intitule un poème Sonnet , on s'attendrait traditionnellement à voir un poème de quatorze vers répartie en deux quatrains et deux tercets.
Or, nous noustrouvons en présence d'un poème en prose sans vers, ni rimes bien définis.
Il en est de même pour un autre de sespoèmes qu'il intitule Roman .
Nous assistons donc à un refus de se conformer aux règles préétablies ; refus qui, pour autant, n'enlève ni beauté, ni vérité à des œuvres novatrices.
Aussi, la création littéraire voit naître de multiples thèmes modernes qui, peu à peu, s'imposent pourbalayer la tradition littéraire ancienne.
C'est pourquoi le roman, trop longtemps dénigré, va trouver une nouvelledignité, une nouvelle expression, une nouvelle gloire à travers des mouvements littéraires comme le romantisme, leréalisme ou le décadentisme.
A ce moment, les vers épiques semblent bien loin : le roman est dépoussiéré.
Ainsi,ces œuvres romanesques, explorant des thèmes plus modernes, vont briller par leur intelligence comme le prouvel'une des plus grandes œuvres de la littérature française : Madame Bovary de Gustave Flaubert, où l'on assiste, avec désarroi, au portrait d'une lectrice qui est madame Bovary ; thème moderne au XIXème siècle.
De même, lasérie de romans les Misérables , de Victor Hugo, qui décrient les rapports sociaux entre les individus et des évènements historiques et politiques comme l'émeute de juin 1832 et la barricade de la rue Saint Denis, abordentdes thèmes tout à fait modernes.
Le roman, comme un miroir de la société, révolutionne alors le genre pour recréerdes espaces littéraires infinis.
Nous le voyons donc clairement : l'abolition des frontières qui séparaient les genres littéraires va entrainer une création nouvelle qui va redéfinir l'esthétique de la littérature autour de la vérité et de labeauté.
Néanmoins, même si les genres restreignent, effectivement, l'invention artistique, elles ne sontpas pour autant dénoués d'intérêt, d'efficacité, et d'avantages.
En effet, l'abolition totale de la notion de genre comporte des risques importants.
On le constate, parexemple, à travers les petits poèmes en prose de Baudelaire car le poète semble montrer qu'avec la prose c'est la notion de « spleen » qui l'emporte.
Ce qui entraîne ainsi les poèmes dans le prosaïsme des contes, des nouvelles oudes romans.
Ce mélange des genres qui pouvaient, au départ, être perçu comme une ouverture totale du poète enfait alors sa victime et l'aliène.
En outre, les genres n'ont pas une si grande exclusivité.
Reprenons l'exemple de la tragédie : la tragédie atout à fait acceptée la présence de passages lyriques en leur sein.
En effet, les deux tragédies bibliques : Esther et Athalie de Racine , sont empreints d'un véritable lyrisme :
« Que ma bouche et mon cœur, et tout ce que je suis,
Rendent honneur au Dieu qui m'a donné la vie.
» ( Esther , II, 9)
Aussi, l'exemple précédent du Cid qui fait, en effet, l'objet d'une certaine forme de séparation ne doit pas être associé, pour autant, à une exclusion de l'œuvre.
De plus, le genre théâtral est le genre qui interroge le plus les limites puisqu'il est appelé à être représenté.Ainsi, des dramaturges comme Becket ne pourraient absolument pas adapter leurs pièces en œuvre romanesquesans que celles-ci ne perdent toute leur puissance, leur essence.
Les didascalies très nombreuses prouvent, eneffet, que le jeu de la scène est trop important pour que le lecteur puisse ressentir la scène comme pourrait la.
»
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