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LES DÉBUTS ET LA RÉUSSITE DE BALZAC

Publié le 29/06/2011

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La vocation littéraire de Balzac, du « Poète «, comme l'avaient surnommé ses camarades du Collège de Vendôme, s'était révélée dès sa quatrième. Le « rimailleur « persista dans sa passion. Les essais du débutant furent vers 1818 encore poétiques, « romantiques, dans le genre de M. de Lamartine «, puis pseudo-classiques dans le genre de M. de Voltaire ; il tâta de l'épopée à la façon de La Henriade et de La Pucelle, puis s'acharna sur une tragédie qu'il acheva, Cromwell (1818). Ce fut un échec qui le décida à tourner vers ailleurs ses ambitions d'écrivain. Déjà la philosophie l'avait attiré. Il suit à la Sorbonne, entre 1817 et 1819, les cours de Victor Cousin : celui-ci « paraissait une sorte d'hiérophante venant d'un monde invisible annoncer des choses inconnues «, dit Philippe Damiron. Si l'on rapproche les théories que professe Louis Lambert dans ses lettres datées de Paris, 1818, alors qu'il suit les cours de la Sorbonne, et celles que Victor Cousin traitait la même année, on ne peut pas ne pas remarquer entre elles d'exactes similitudes. 

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« Jeunesse que pour les ravaler au rang des plus plates et méprisables productions, dénuées de tout intérêt, de toutmérite littéraire.

Cela n'est plus permis.

Tout d'abord l'apprenti choisit ses maîtres.

Il le déclara plus tard par labouche de Joseph Bridau, dans La Rabouilleuse : « Il lisait d'ailleurs beaucoup ; il se donnait cette profonde etsérieuse instruction que l'on ne tient que de soi-même, et à laquelle tous les gens de talent se sont livrés entrevingt et trente ans ».

Voici quelques références principales indiquées par lui : Byron, Fenimore Cooper, AnneRadcliffe, Maturin, Walter Scott dont l'influence sera décisive et profonde ; Rabelais, Molière, Diderot, Montesquieu,Locke, J.-J.

Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Beaumarchais, Chateaubriand, Ducray-Diminil, Pigaut-Lebrun, etc...Sa lecture dévorait en plus une infinité d'auteurs maintenant obscurs.

Il s'essayait à reproduire ces genres différents: le roman d'intrigue, le roman historique, le roman d'aventures, le roman sentimental, le roman noir, fantastique,terrifiant, picaresque.

L'un ou l'autre d'entre eux, lui fournit un schéma d'exercices, des thèmes d'imitation : laparodie, le dialogue soit comique, soit dramatique, la description, etc.

Argow-le-Pirate (1824) est une tentative deroman psychologique.

Il est à retenir comme preuve des progrès accomplis dans la structure des caractères et del'intrigue, par le recours aux passions et non plus aux truquages catastrophiques.

De même, Balzac comprit peu àpeu qu'au-dessus de toute technique, la meilleure ressource du romancier, c'est lui- même.

Dans l'alliage fourni parl'imitation, il coulait ses expériences personnelles, ses conceptions de la vie, les décors de sa propre existence ; lemilieu familial des Balzac fut engagé sur la scène.

Il inaugurait la galerie des portraits consacrés à ses alter ego.Un autre courtier littéraire, Horace Raisson, lançait, vers 1824, la mode des Codes littéraires.

Il engage Balzac,pourvu de quelque notoriété, qui fait paraître en 1825 son Code des Gens Honnêtes.

Ce genre satirique inspire saverve.

Il énonce en brefs articles comme dans un Code juridique, les usages et prescriptions de la vie mondaine.

Sonobservation devient plus aiguë.

Il peint avec le souci d'un psychophysiologue ; il interprète les détails extérieurs dela personne, de l'attitude, du vêtement, du mobilier comme les signes, comme les documents positifs dutempérament moral.

Depuis 1822, il pratiquait l'ouvrage de Lavater, l'Art de reconnaître les hommes par laphysionomie.

Il en applique les principes avec une conviction telle qu'il n'hésite pas à découvrir sous chaque geste,dans chaque pose, dans chaque jeu du visage, l'explication réaliste et quelque peu pessimiste de la vie sociale dontle principal ressort est l'argent : voilà pour le sens de la pensée.

Quant à la forme, ces esquisses rapides, cessilhouettes de genre, annoncent maint épisode, maint personnage de La Comédie Humaine.Après l'argent, l'amour.

La Physiologie du Mariage, dont la moitié est achevée cette même année 1824, ne paraîtrasous sa forme définitive qu'en 1829.

C'est la satire des mœurs contemporaines.

C'est le drame éternel joué à troispersonnages depuis l'apparition du serpent près du couple édénique.

Malgré beaucoup d'emprunts, cette œuvren'est pas sans étonner par la force d'observation et d'analyse, peu commune chez un jeune auteur.

Quelscepticisme total à l'égard du mariage ! L'ironie dépassait la mesure ; elle mettait sa vanité dans des proposégrillards et des légèretés musquées.

Ridiculisant à l'excès une institution grave et sacrée, l'œuvre perdait la portéemoralisante que son auteur prétendait vouloir lui donner.

Littérairement, c'était un genre hétéroclite.

Certainséléments ne seront pas perdus : quand Balzac abordera la psychologie conjugale, il utilisera plusieurs situations qu'ilavait mises en œuvre dans la Physiologie du Mariage.On saisit maintenant quand il convient d'utiliser les Œuvres de Jeunesse et le Code des gens honnêtes.

Débuter parlà serait une expérience décevante et funeste.

Mais quelqu'un veut-il contrôler le développement de l'art et de lapensée chez Balzac ? Il ne le peut que s'il remonte en arrière jusqu'à cette période d'exercices, de tâtonnements,d'essais répétés.

Il lui faut sortir de la zone éblouissante de La Comédie Humaine, et s'enfoncer dans le clair- obscurdes débuts ; on y reconnaît telle ou telle page qui était grosse de promesses heureuses.De 1825 à 1828, Balzac délaisse la littérature pour l'édition et l'imprimerie.

Il voulait s'enrichir et il sortit de cetteaventure qui fut dramatique, voué presque à la misère immédiate, et pour l'avenir — ce qui est pire — à uneexistence de combinaisons et d'expédients financiers.

L'occasion se présente de constater comment le romanciersait recréer l'ambiance du pathétique réel en y baignant des aventures fictives.L'histoire détaillée de cette faillite et des affres qu'elles causèrent à l'imprudent industriel, victime de son impéritieprofessionnelle et de sa légèreté, a été écrite par MM.

René Bouvier et Edouard Maynial dans Les Comptesdramatiques de Balzac.

Elle met en évidence la tare d'un caractère doué d'une propension extraordinaire au luxe et àla prodigalité : cela intéresse les biographes.Examinons les répercussions de cette catastrophe commerciale dans l'Histoire de la Grandeur et de la Décadence deCésar Birotteau.

Son expérience de stagiaire dans une étude d'avoué servit à l'auteur, mais encore mieux le souvenirde ses tribulations et de ses angoisses, alors que se débattaient son honneur, celui de sa famille entre le cousinSédillot, chargé de régler la liquidation de l'imprimerie Balzac, et ses ayants-droit.

On n'est pas surpris qu'il soitprécis dans l'emploi des termes juridiques, savant sur les phases de cette opération judiciaire ; qu'il soit aussipénétrant dans les analyses psychologiques d'un failli.

Cette conscience avait été la sienne avant d'appartenir àBirotteau ; elle avait été agitée dans les sens les plus opposés, démesurément tourmentée par l'effroi du lendemain,torturée par des oiseaux de proie : financiers véreux, hommes de loi, créanciers.

Comme Birotteau, il avait « senti,plus d'une fois au cœur l'éperon de la nécessité, cette dure cavalière ! » « Mais comme beaucoup de gens ont prisla confiance que donne l'illusion pour de l'énergie », il était tenace « à faire un roman d'espérance par une suite deraisonnements ».

Toutes ces notations éclairent la profondeur de son caractère ; il devient celui de sa créature.

Aumoment où il en pétrit la glaise, en 1837, il peut philosopher à son aise sur son propre cas ; il est sorti de l'abîme oùil plonge la victime de son imagination ;« les accidents commerciaux que surmontent les têtes fortes deviennent d'irréparables catastrophes pour les petitsesprits.

Les événements ne sont jamais absolus, leurs résultats dépendent entièrement des individus ; le malheurest un marchepied pour le génie, une piscine pour le chrétien, un trésor pour l'homme habile, pour les faibles unabîme ».

Il se croyait un homme de génie, une tête forte et habile.

De plus, il avait découvert « le grand secret desexistences fortes et créatrices », qui est d' « oublier » ; « oublier à la manière de la nature qui ne se connaît pointde passé, qui recommence à toute heure les mystères de ses infatigables enfantements ».

Ses expériencesd'imprimeur, de failli, lui ont apporté des documents qu'il utilisera encore pour L'Interdiction, Le Cabinet desAntiques, Illusions perdues.

Ses réflexions prennent un accent de vérité, ses analyses psychologiques sont. »

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