Les Contemplations sont-elles vraiment les « mémoires d’une âme » ?
Publié le 29/05/2022
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DISSERTATION
Les Contemplations sont-elles vraiment les « mémoires d’une âme » ?
INTRODUCTION
Chateaubriand écrivait dans son Avant-Propos aux Mémoires d’Outre-tombe : « On m’a pressé
de faire paraître de mon vivant quelques morceaux de mes Mémoires : je préfère parler du fond
de mon cercueil : ma narration sera alors accompagnée de ces voix qui ont quelque chose
de sacré, parce qu’elles sortent du sépulcre.
».
En effet, quelques semaines après sa mort, La
Presse les publia en feuilleton, du 21 octobre 1848 au 3 juillet 1850, avant qu’elles ne soient
publiées en volume, ainsi que Chateaubriand et ses amis l’avaient prévu de son vivant.
Au
même moment, la France s’agitait : la révolution de 1848, la naissance de la II e République,
l’insurrection du 13 juin 1849, les débats de la liberté d’enseignement, la loi du 31 mai 1850,
sont, elles aussi, publiées dans les mêmes colonnes.
Dans ses Études sur la littérature française
au dix-neuvième siècle, Alexandre Vinet a écrit : « Ce qui a persisté à travers ces vicissitudes de
la pensée et de la forme, ce qui ne vieillit pas chez M.
de Chateaubriand, c’est le poète… En
d’autres grands écrivains on peut discerner l’homme et le poète comme deux êtres
indépendants ; ailleurs ils font ensemble un tout indivisible ; chez M.
de Chateaubriand, on dirait
que le poète a dérobé tout l’homme, que la vie, même intérieure, est un pur poème ; que
cette existence entière est un chant, et chacun de ses moments, chacune de ses
manifestations, une note dans ce chant merveilleux.
Tout ce que M.
de Chateaubriand a été
dans sa carrière, il l’a été en poète… La plus parfaite de ses compositions, c’est sa vie ; il n’est
pas poète seulement, il est un poème entier ; la biographie de son âme formerait une épopée.
»
On sait comment depuis sa jeunesse, Hugo rêvait d’être Chateaubriand (« Être
Chateaubriand ou rien »), et à lire sa Préface aux Contemplations publiées en 1856, on n’est pas
étonné de retrouver des formules semblables à celles qui entouraient les Mémoires d’outretombe.
« Ce livre doit être lu comme on lirait le livre d’un mort.
».
La mort de Chateaubriand
avait réellement précédé la parution de ses Mémoires.
Hugo, dans le deuil et l’exil se présente
lui-aussi comme un défunt.
« Qu’est-ce que les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait
appeler, si le mot n’avait quelque prétention, les Mémoires d’une âme.
».
A la fin de la Préface, il
se répète et précise : « « Nous venons de le dire, c’est une âme qui se raconte dans ces deux
volumes : Autrefois, Aujourd’hui.
Un abîme les sépare, le tombeau ».
Ainsi, lorsque Hugo écrit
« mémoires d’une âme » : il suppose trois choses : tout d’abord ce recueil de poèmes
est autobiographique.
« Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes
les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience,
revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre.
C’est
l’existence humaine sortant de l’énigme du berceau et aboutissant à l’énigme du cercueil ; c’est
un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l’amour, l’illusion, le
combat, le désespoir, et qui s’arrête éperdu « au bord de l’infini ».
Cela commence par un
sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l’abîme.
».
Ensuite, comme
les mémoires de Chateaubriand, la dimension personnelle se doublerait d’une dimension
historique, universelle [le terme « mémoires » signifie autobiographie d’un
personnage historique, par exemple les Mémoires du général De Gaulle] : « Une
destinée est écrite là jour à jour.
» « Quand je vous parle de moi, je vous parle de
vous.
» « commencer à Foule et finir à Solitude, n’est-ce pas, les proportions individuelles
réservées, l’histoire de tous ? » Enfin, il nous présente son œuvre comme un tombeau.
Le
mot « âme » pourrait avoir deux sens ici : une sensibilité, une intériorité, on sait bien
comme le romantisme a privilégié l’âme et comment les Contemplations obéissent à cette
esthétique de l’épanchement lyrique.
Le deuxième sens, chrétien, c’est le principe
éternel, divin, qui survit à la mort du corps.
Le recueil serait un tombeau poétique
double, celui du poète (mort et vivant à la fois), celui de Léopoldine, dont la mort le 4
1.
»
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