Les Châtiments, Livre V, 8 (v. 1 à 26). Lecture méthodique
Publié le 14/03/2015
Extrait du document
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Lecture méthodique |
Le Progrès calme et fort, et toujours innocent, Ne sait pas ce que c'est que de verser le sang. Il règne, conquérant désarmé ; quoi qu'on fasse, De la hache et du glaive il détourne sa face,
5 Car le doigt éternel écrit dans le ciel bleu Que la terre est à l'homme et que l'homme est à Dieu; Car la force invincible est la force impalpable. —Peuple, jamais de sang ! — Vertueux ou coupable, Le sang qu'on a versé monte des mains au front.
io Quand sur une mémoire, indélébile affront,
Il jaillit, plus d'espoir; cette fatale goutte
Finit par la couvrir et la dévorer toute;
Il n'est pas dans l'histoire une tache de sang
Qui sur les noirs bourreaux n'aille s'élargissant.
15 Sachons-le bien, la honte est la meilleure tombe.
Le même homme sur qui son crime enfin retombe
Sort sanglant du sépulcre et fangeux du mépris.
Le bagne dédaigneux sur les coquins flétris
Se ferme, et tout est dit; l'obscur tombeau se rouvre.
20 Qu'on le fasse profond et muré, qu'on le couvre D'une dalle de marbre et d'un plafond massif, Quand vous avez fini, le fantôme pensif Lève du front la pierre et lentement se dresse. Mettez sur ce tombeau toute une forteresse,
25 Tout un mont de granit, impénétrable et sourd, Le fantôme est plus fort que le granit n'est lourd.
Jersey. Octobre 1852.
[25/3/18531
Les Châtiments, Livre V, 8 (v. 1 à 26).
«
INTRODUCTION
Situation du passage
Ce texte est un extrait du huitième poème du livre V des
Châtiments.
Le poème, dont nous étudions les 26 premiers vers,
se situe dans la lignée de textes qui, comme « Nox » (premier
poème du recueil) ou « Sacer esta » (IV, 1 ), condamnent la peine
de mort.
À la différence d'un poème comme« Sacer esta», cependant,
notre texte ne situe pas le problème de la peine de mort en rela
tion directe avec la question du sort qu'il faut réserver à Napoléon
Ill.
Au contraire, ces vers font de l'interdiction de tuer un principe
fondamental, dont la portée excède largement l'actualité poli
tique.
Axes de lecture
Le texte, comme nous le verrons, condamne d'abord toute
forme
de mise à mort, en faisant du meurtre un acte inexpiable.
Il s'en prend également au crime que commet le bourreau lorsqu'il
exécute un condamné à mort, même s'il s'agit d'un meurtre légal.
Notre second axe de lecture consistera donc à montrer que ce
poème se présente comme un réquisitoire contre la peine de
111ort.
1.
LE MEURTRE :
UN CRIME INEXPIABLE
Le meurtre possède un caractère inexpiable, c'est-à-dire qu'il
ne pourra jamais être réparé.
Cette idée est développée dans
le texte à travers le motif du sang, qui insiste sur la violence et la
barbarie de tout meurtre.
L'image du « sang versé » permet éga
lement de montrer que l'assassin est irrémédiablement rattrapé
par son crime.
143.
»
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