Les Chaises, Eugène Ionesco
Publié le 04/10/2012
Extrait du document
«
« Comment a-t-il pu attraper ça chez nous ! ».
Cette question à une réponse toute faite ; en effet, les
champignons, venus de la chambre du cadavre, prolifèrent déjà dans leur appartement.
De plus ils ne
sont pas allés dehors depuis près de quinze ans.
Amédée réconforte maladroitement sa femme, lui
répétant des banalités, tandis qu’elle se répète et se confond dans un mutisme répétitif, reprenant sans
cesse les mêmes termes.
Seulement le comique n’est pas le seul registre littéraire employé dans cette scène.
Le tragique
est aussi partie prenante de la pièce.
Le cadavre représente une force, qui n’est pas vue sur scène, qui
exerce un certain pouvoir, une pression sur les deux protagonistes de l’histoire : Madeleine et Amédée.
Ces deux derniers ne peuvent rien faire contre cette forme inconnue qui envahit leur appartement, leur
espace vital, leur couple et leurs esprits.
Ce cadavre n’est donc pas arrêtée par les barrières physiques,
les protections matérielles, ou encore par les précautions prisent par les personnages, deux anti-héros.
Leur destin ne leur appartient donc pas, et ils voient littéralement la mort apparaître sous leurs yeux :
les champignons étant la préface du décès, signe que le cadavre arrive.
La tragédie est non seulement vue, mais surtout jouée par les personnages : ils ne sont pas
maîtres de leur destin, et le spectateur s’en rend rapidement compte.
Le lecteur l’apprend grâce aux
didascalies, qui emploient un lexique pathétique : « désolé, désespéré », « consoler », « en larmes »,
« sanglots », « désespoir », « impuissant ».
Ces indications sont interprétées par les comédiens de telle
sorte que le spectateur se rende lui aussi compte de la situation sans issue dans laquelle les
personnages se trouvent.
Ils sont impuissants face à leur sort, et ne peuvent plus que s’apitoyer.
Les
deux amants envisage cependant le futur proche : « Mais qu’est ce qu’on va devenir, mon Dieu, qu’est
ce qu’on va devenir ! », « Il va s’amener ici ».
Leur avenir est incertain, et peu rassurant quant à leur
survie.
D’autant plus que leur dialogue laisse suggérer de nombreuses mésententes et accusations
diverses : « Je te l’avais bien dit… », « Tu ne te rends donc pas compte que ce n’est plus humain ».
Non seulement leur appartement risque de voler en éclat à cause de ce cadavre, mais leur couple, ou ce
qu’il en reste, risque de subir le même sort..
»
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