Les " Cent Nouvelles nouvelles "
Publié le 12/02/2018
Extrait du document
«
On a exagéré sa dette envers Boccace : comme l'a remarqué Kr.
Kasprzyk,
aucune des Cent Nouvelles nouvelles n'est inspirée directement du Décaméron 1;
plusieurs viennent des Facetiae écrites en latin par Pogge, plusieurs des fabliaux,
plusieurs sans doute de traditions orales; malgré l'affe ctation d'authenticité
(« N'a guères qu'en la ville de Mons ...
»,«E n la bonne ville de Rouen, puis peu
de temps en ça ...
n, «I l est bien vray que naguères, en ung lieu de ce pays que je
ne puis nommer ...
n, « Il est vray comme l'Évangile que ...
,,), très peu s'inspirent
d'événements réels.
Combien en a-t-il inventé lui-même ? On ne sait.
Mais qu'il
soit original ou non, c'est à lui qu'il faut remonter souvent quand on cherche la
source de Bonaventure des Périers, de Nicolas de Troyes, de Marguerite de
Navarre, voire plus tard encore, au xvue siècle, des Contes d'Ouville, et même
des Contes grivois de Nougaret à la fin du xvme siècle.
Imprimées pour la pre
mière fois en 1485, les Cent Nouvelles nouvelles n'ont jamais cessé d'être rééditées
depu is.
Leur auteur a donc le mérite d'avoir constitué un répertoire pour ses
successeu rs.
La technique du récit Il
leur a aussi proposé un ton : celui de la
« gauloiserie ,,, Ce ne sont que maris trompés,
galants morfondus ou heureux, quiproquos entre le mari et l'amant, la femme
et la maîtresse, moines et curés paillards, épouses ou veuves lubriques, plaisan
teries directes sur le sexe masculin ou féminin ...
Nulle sensualité cependant,
nul érotis me ; beaucoup de personnages sont rusés, beaucoup sont grossiers,
aucun n'est vicieux.
Pour parler de cet acte qui semble l'unique fin à laquelle
ils tendent tous, l'auteur dispose d'un jeu de métaphores plaisantes et sans équi
voque, dont l'abondance et la variété contrastent avec la pauvreté de ses moyens
d'expression dans le reste du récit.
Il n'a pas gardé le procédé de mise en scène adopté par Boccace, qu'il veut
pourtant imiter en faisant parler lui aussi divers narrateurs et en élevant à cent
le nombre de ses nouv elles.
Il ne dit rien de la circonstance qui a réuni ces narra
teurs, du lieu où ils sont, de leurs caractères respectifs, ils sont seulement nommés
en tête de chaque nouvelle ; ils n'ont aucune conversation entre eux, le commen
taire des récits par les interlocuteurs, si important chez Boccace, et encore plus
important, comme nous le verrons, chez Marguerite de Navarre, est ici réduit
à quelques phrases ajoutées par les narrateurs eux-mêmes en guise de conclusion,
ou plutôt de résumé, et complètement inutiles.
Pe•1 importe donc que tel conte
soit fait « par Monseigneur ,, (le duc de Bourgogne), tel autre « par Philippe de
Loan ,,, tel autre «par Monseigneur de la Roche ,,, etc.
Ils sont tous en réalité d'un
seul et même rédacteur, qui, oubliant qu'il a prêté la parole à autrui, commence
ainsi sa x ce nouv elle : «P our accroistre et amplier mon nombre des nouvelles que
j'ay promis compter et descripre ...
2 ,, Le seul motif qui a rassemblé autour de
1.
Krystyna KAsPRZTI.
»
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