Les Caractères, La Bruyère (1688-1696) / Chapitre IX, « Des Grands » / « Pamphile »
Publié le 07/03/2022
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SEQUENCE 1 / LL 3
Les Caractères, La Bruyère (1688-1696) / Chapitre IX, « Des Grands » / « Pamphile »
Introduction : auteur / œuvre / situer le passage : Les portraits sont à la mode au 17e siècle et c’est une longue
tradition depuis l’Antiquité.
Chez La Bruyère, portraits surtout moraux (éthopées), le but de la littérature est
l’édification morale.
La modération en tout est la valeur essentielle, l’excès et la démesure sont à proscrire.
Chacun
essaie de donner de lui-même une image flatteuse, de dissimuler sa véritable nature.
Le désir de paraître triomphe chez
les gens en vue.
Les nobles mettent en avant leur naissance pour mépriser la bourgeoisie parlementaire pourtant plus
méritante (la sienne ?).
La Bruyère dénonce la suffisance des Grands.
Le portrait ici étudié appartient à la section IX
des Caractères, elle est intitulée « Des grands ».
Pamphile en est le sujet, il est le modèle de l’anti-honnête homme,
son portrait en est exactement l’inverse puisque l’honnête homme, tout en étant affable et recherchant la conversation
d’autrui, ne se met pas en avant, a une capacité à s’effacer devant autrui, à s’intéresser à ce qui passionne l’autre.
«
Pamphile » est le portrait d'un caractère humain représenté à l'époque par le Marquis de Dangeau.
Pb possible : comment La Bruyère s'y prend pour dénoncer un type humain à partir d'un cas particulier ?
Le texte est structuré en 3 mouvements : un portrait particulier puis 2 temps de généralisation.
Avec ce premier paragraphe introduit par un nom propre : « Pamphile », le lecteur s'attend à la description d'une
personne et non d'un ensemble.
Le début in médias res du texte projette le personnage hors de la parole du moraliste,
sans précaution ni remarque préliminaire destinée au lecteur.
Le personnage nous saute littéralement aux yeux.
Dès
lors, sans attendre, la stylistique se met au service de la construction du personnage.
.« Pamphile ne s’entretient pas
avec les gens qu’il rencontre […] », cette première forme négative (négation totale) annonce d’emblée un portrait
péjoratif, à charge ; la négation même de « l’honnête homme » si cher aux Anciens et aux classiques du XVIIème
siècle.
L'absence de mots de liaison (ou asyndète, type de parataxe) offre un véritable dépouillement syntaxique qui
accompagne le dépouillement du personnage ; les apparences tombent les unes après les autres pour révéler au lecteur
la vérité profonde de Pamphile et ses semblables.
Le personnage, ainsi, est aussi mis en lumière : enfermé dans un
schéma figé, régi par des règles simples et répétitives, comme celle de la vie en société ; il ne sait pas converser.
La
parataxe restitue le traitement expéditif qu’il accorde à ses interlocuteurs qui semblent être réduits à l’état d’objets
(réification).
La hauteur de son rang social l’amène à croire qu’il peut considérer autrui comme un subalterne ; il
incarne très mal les vertus sociales qu’il devrait porter.
Ses propres amis ne sont pas à l’aise face à lui, ils
sont hypocrites : « il a une fausse grandeur qui l’abaisse, et qui embarrasse fort ceux qui
sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser.
», lignes 3 et 4.
Ils ne cautionnent pas son
attitude et le désapprouvent mais n’ont pas pour autant de mauvais sentiments envers lui
ainsi ils n’osent pas le rejeter et ne trouvent leur salut que dans l’hypocrisie en vogue à
l’époque à la cour.
La Bruyère généralise son discours en deux temps.
Le texte s’ouvre sur un personnage
nommé « Pamphile » (ligne 1) mais le second paragraphe s’ouvre quant à lui sur la tournure
« un Pamphile » (ligne 5), l’article indéfini « un » entame la généralisation.
Il s’agit ici de
celui qui a les mêmes travers, défauts que le Pamphile du premier paragraphe ; il s’agit d’une
antonomase puisque le nom propre devient ici un nom commun désignant un type de
personnes.
Etymologiquement, « Pamphile » peut être traduit par « celui qui aime les
autres », un Pamphile devrait donc être altruiste or c’est tout le contraire.
Le portrait reste
moral, La Bruyère nous offre une éthopée (figure de pensée qui a pour objet le caractère d’un
personnage, absence de détails physiques).
L’énumération et la parataxe restituent l’orgueil
d’un aristocrate convaincu de sa supériorité sur les autres.
Les paroles rapportées : « mon
ordre, mon cordon bleu » (lignes 6 et7), montrent qu’un Pamphile se vante des récompenses,
des médailles reçues et qui attestent de sa haute aristocratie mais avec vanité ; son côté très
« hautain » et orgueilleux s’affirme à nouveau.
Ces paroles apportent de l’authenticité et du
réalisme à ce portrait mais aussi de la vivacité.
Les tournures « veut l’être », « croit l’être »
et « ne l’est pas » composent un chiasme (structure ABBA) qui met en valeur l’écart entre les.
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