L'énonciation polyphonique (Hugo)
Publié le 16/03/2015
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Il arrive que le poète s'adresse à lui-même (VII, 2) ou qu'il se fasse à lui-même un serment solennel que seul le poème publié validera (« Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ! «, « Ultima verba «, Livre VII, 17). « Celui-là « apparaît comme la garantie de la poésie ardente, celle qui dénonce l'ancien monde sclérosé, la poésie ininterrompue qui maintient, contre ceux qui crient « à bas les mots « (« Splendeurs «, Livre III, 8), la loi de la vérité dans la Parole.

«
E X P 0 S É S F C H E S
collective qui vient relayer ou précéder la parole du poète.
En revanche, la confu
sion des voix est le signe d'une confusion des valeurs et d'un dévoiement de la
parole, comme le montrent ces capitans qui tous, « Dans les Louvres et les châ
teaux/Disent : mangeons la France et le peuple en famille » (Livre VII, 2).
Le dispositif théâtral
Le poète a recours aussi, quoique rarement, à une forme théâtrale qui dispose
clairement le texte en dialogue comme dans
« Le bord de la mer » (III, 15).
Même
dispositif dans
«Touts' en va» (Livre V, 4) où il n'y a pas de véritable progression
dramatique mais des effets d'accumulation et de variation sur le thème.
L'ordre dramatique
En revanche ce qui appartient bien à l'ordre dramatique et qui montre le sens
dramaturgique de Hugo, ce sont les termes qui forment pointes ou chutes, qui
condensent toute
une situation en lui donnant un retentissement quasi symbo
lique : c'est la réponse de Pauline Roland (
« Reniez votre foi ; sinon, pas de clé
mence, Lambessa
! choisissez.
-Elle dit : Lambessa ».
Ailleurs, on entend le cri
des martyres:« Celle-ci qu'on amène un bâillon dans la bouche,/ Cria: -(c'est là
son crime) - à bas la trahison
! »(Livre VI, 2).
On peut enfin citer l'exemple le
plus travaillé de ces mots dramatiques et qui
se trouve à la fin de « L'Expiation »
(V, 13); mot dramatique qui se dédouble d'ailleurs en paroles entendues(« je
suis ton crime, dit la voix) et révélation lue : « Bonaparte, tremblant comme un
enfant sans mère,/leva sa face pâle et lut: DIX-HUIT-BRUMAIRE ! » .
...
Ill -LA PUISSANCE DE L'ÉNONCIATION
La tribune des Châtiments
Les Châtiments viennent de la tribune française, celle de la Révolution : « là, il
est arrivé à la vérité de devenir violente et au mensonge de devenir furieux ; là,
tous les extrêmes ont surgi
» (Napoléon le Petit).
Or on sait que pour Hugo la
tribune a trouvé son fondement dans Mirabeau, à la fois monstre et géant par qui
la Vérité s'énonça.
Il fallut donc que la parole s'exprimât dans la violence pour
qu'elle tourne autour de la Vérité.
Car la tribune était le lieu de la métamor phose du mensonge en Vérité:« que sortait-il du choc? toujours l'étincelle; que
sortait-il
du nuage? toujours la clarté» (ibid.).
Le ressassement infini
Dans la mesure où le coup d'État du 2 décembre signifie à la fois la désertion de
Dieu et
le mutisme du peuple, il faut qu'en face de l'imposture il reste« celui-là»,
qui peut maintenir la vérité de la parole, non pas en proposant forcément une alter
native politique, mais simplement en
se contentant de parler.
Il faut donc combler
un vide par la parole.
« Et le poète des Châtiments se constitue ( ...
)comme une
conscience dilatée, tendue sur
un trou, tendue dans son effort pour recouvrir le trou
central, qu'elle désigne en
le niant, qu'elle nie en le désignant» (P.
Albouy).
Conclusion.
La polyphonie des voix dans
Les Châtiments confirme le pou
voir de la parole poétique qui n'existe ici que pour proférer la Vérité obs
curcie par !'Histoire.
LES CHÂTIMENTS DE VICTOR HUGO =:J:TI].
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