LEMERCIER Louis Jean Népomucène dans le monde (histoire chronologique)
Publié le 15/01/2019
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LEMERCIER Louis Jean Népomucène (1771-1840). Critique, poète et dramaturge, sa notoriété semble attachée à la bizarrerie plus qu’au talent. Il passa le plus clair de son temps à brandir l’anathème contre Chateaubriand, Hugo et Lamartine. Pourtant, la bataille d’Hernani ne sera qu'une mince échauffourée comparée au déchaînement qui accompagna en 1809 le Christophe Colomb de Lemercier : à la deuxième représentation, on déplorait déjà un mort; la troupe dut veiller dans la salle jusqu’à ce que la pièce fût retirée de l'affiche. La nouveauté d'un théâtre faisant fi des unités, donnant essor à une versification hardie par le mélange des registres, choqua les esprits férus de tradition classique autant que les accents libertaires de l’œuvre hérissèrent la censure impériale. Lemercier n’en était pas à son coup d’essai. Dès 1797, Agamemnon, tragédie à l’antique dans la manière de Crébillon et de Voltaire, flétrissait bien fron-deusement le régicide. Ayant intensément vécu l’exaltation de 1789, Lemercier embouche tout naturellement la trompette du drame historique. Mais plus encore qu’un brûlot contre les conventions littéraires, Pinto (1800)
«
demeure
l'expression d'un écrivain soucieux de manifes
ter son indépendance à l'égard du pouvoir; Brumaire est
à peine passé que le héros, chef de conjurés, déclame
contre les tyrans « dangereux pour la république».
L'Empire s'acharnera tout particulièrement sur Lemer
cier, qui «eut en dix ans cinq grands drames tués sous
lui» (Hugo).
Richelieu ou la Journée des Dupes, pièce
écrite en 1804, ne sera jouée qu'en 1835; la Démence de
Charles VI (1820) n'agréera pas davantage aux autorités
de la Restauration.
Népomucène Lemercier aurait donc quelques raisons
d'apparaître comme un fourrier du romantisme.
N'offre
t-il pas d'ailleurs à la muse épique l'Atlantiade (1812), la
Mérovéide (1818) ou la Panhypocrisiade (1819), poèmes
pleins de bruit et de fureur et dans lesquels palpite l'in
fluence de Dante ou de Milton?
Force est de constater qu'il reste connu, au contraire,
comme un des plus farouches opposants à l'école roman
tique, nonobstant ses vociférations de dramaturge et de
poète.
Depuis 1811, il professe à l'Athénée une totale
soumission à Aristote.
« La comédie a vingt-deux condi
tions à remplir, le poème épique vingt-trois, et la tragédie
vingt-six », affirme-t-il dans son Cours analytique de
Littérature générale (1820).
Il foudroie tour à tour ses
deux grands ennemis : Chateaubriand, d'abord, dont il
condamne (devant 1' Académie, qui 1' a élu en J 81 0) le
Génie du christianisme, prêchant que « ce n'est point le
caractère de la grande imagination que de chercher ses
ressources dans les transports du délire » et concluant
que l'ouvrage «mérite notre blâme, parce qu'il n'est
point fondé sur le bon sens »; il contribue ainsi à mettre
en place les principes que soutiendront jusqu'au bout les
adversaires du romantisme.
Hugo, ensuite, qu'il n'hésite
pas à clouer au pilori dans une parodie mélodramatique,
Caïn, ou le premier meurtre (1827): «Avec impunité
les Hugo font des vers! »
Nul n'est dupe, cependant, et, quand le Globe rend
compte d'une brochure de Lemercier, Remarques sur les
bonnes et Les mauvaises innovations ( 1825), un journa
liste résume ironiquement : «Les bonnes innovations
sont celles que j'ai faites et les mauvaises celles que les
autres voudraient faire».
L'écrivain a beau refuser toute
parenté avec les romantiques, la tradition lui rétorque :
«La nouvelle langue qui s'est introduite au théâtre pro
cède directement du style dans lequel Lemercier écrit
son Richelieu, et cette poésie brisée, dure, incorrecte et
sans rythme, contre laquelle notre auteur se révoltait
lui-même, n'est que l'exagération de la forme qu'il avait
adoptée dans un grand nombre de ses ouvrages».
Son
parti le rejette, ses ennemis ne le reconnaissent pas
davantage.
En 1841, Victor Hugo, élu au fauteuil de
Lemercier, lequel lui avait longtemps interdit l'accès de
la Coupole, adressa à son prédécesseur cet hommage
posthume et empoisonné: «Ombrageux et sans cesse
prêt à se cabrer, plein d'une haine secrète et souvent
vaillante contre tout ce qui tend à dominer, il paraissait
avoir mis autant d'amour-propre à se tenir toujours de
plusieurs années en arrière des événements que d'autres
en mettent à se précipiter en avant ».
Lemercier reste l'auteur de quelques vers d'une belle
facture néo-racinienne : « Du crime ainsi toujours le
crime ouvre la route » (Agamemnon).
Mais quand il
lâche la bride à son imagination pour écrire Frédégonde
et Brunehaut (1821), c'est aussitôt pour abriter frileuse
ment cette pièce sous l'appellation de.
»
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