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L'éducation humaniste:

Publié le 12/09/2018

Extrait du document

Texte 3 Montaigne, Essais, Livre 1, chapitre xxvi, « De l'institution des enfants », 1580-1592

 

Pour tout ceci, je ne veux pas qu'on emprisonne ce garçon. Je ne veux pas qu’on l’abandonne à l’humeur mélancolique d’un furieux maître d’école. Je ne veux pas corrompre son esprit à le tenir à la géhenne1 et au travail à la mode des autres, quatorze ou quinze heures par jour, comme un portefaix. Ni ne trouverais bon, quand par quelque complexion solitaire et mélancolique, on le verrait adonné d’une application trop indiscrète à l’étude des livres, qu’on Je la lui nourrît, cela les rend ineptes à la conversation civile et les détourne de meilleures occupations. Et combien ai-je vu de mon temps, d’hommes abêtis par  téméraire avidité de science ? Caméade2 s’en trouva si affolé, qu’il n’eut plus le loisir de se faire le poil et les ongles. Ni ne veux gâter ses mœurs généreuses par l’incivilité et barbarie d’autrui. La sagesse française a été anciennement en proverbe, pour une sagesse qui prenait de bonne heure, et n’avait guère de tenue. À. la vérité, nous voyons encore qu’il n’est rien de si gentil que les petits enfants en France ; mais ordinairement ils trompent l’espérance qu’on en a conçue, et, hommes faits, on n’y voit aucune excellence. J’ai ouï tenir à gens d’entendement que ces collèges où on les envoie, de quoi ils ont foison, les abrutissent ainsi.

 

Au nôtre, un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la com- pagnie, le matin et le vêpre3, toutes les heures lui seront une, toutes places lui seront étude ; car la philosophie, qui, comme formatrice des jugements et des mœurs, sera sa principale leçon, a ce privilège de se mêler partout. Isocrate4 l’orateur, étant prié en un festin de parler de son art, chacun trouve qu’il eut raison de répondre : « Il n’est pas maintenant de ce que je sais faire ; et ce de quoi il est maintenant question, je ne le sais pas faire. » Car de présenter des harangues ou des disputes de rhétorique à une compagnie assemblée pour rire et faire bonne chère ce serait un mélange de trop mauvais accord. Et autant en pourrait-on dire de toutes les autres sciences. Mais quant à la philosophie, en la partie où elle traite de l’homme et de ses devoirs et offices, ç’a été le jugement commun de tous les sages, que, pour la douceur de sa conversation, elle ne devait être refusée ni aux festins, ni auxjeux. [ ...] Ainsi, sans doute, il chômera moins que les autres. Mais comme les pas que nous employons à nous promener dans une galerie, quoiqu’il y en ait trois fois autant, ne 35 nous lassent pas comme ceux que nous mettons à quelque chemin dessei-gné, aussi notre leçon, se passant comme par rencontre5, sans obligation de temps et de lieu, et se mêlant à toutes nos actions, se coulera sans se faire sentir. Les jeux mêmes et les exercices seront une bonne partie de l’étude ; la course, la lutte, la musique, la danse, la chasse, le maniement  des chevaux et des armes. Je veux que la bienséance extérieure’, et rentregent7, et la disposition de la personne, se façonne quant et quant à l'âme. Ce n'est pas une âme, ce n’est pas un corps qu'on dresse, c'est un homme ; il n'en faut pas faire à deux. Et, comme dit Platon, il ne faut pas les dresser l’un sans l’autre, mais les conduire également, comme  une couple de chevaux attelés à même timon.

1. Prison.

 

2. Philosphe grec du IIIe siècle avant J. C.

 

3. Soir.

 

4. Orateur athénien du vc siècle avant J. C.

 

5. Par hasard.

 

6. Apparence.

 

7. Relations sociales.

1. RABELAIS, Gargantua, chapitre xxi, 1534, orthographe modernisée.

 

2. RABELAIS, Gargantua, chapitre xxiii, 1534, orthographe modernisée.

 

3. MONTAIGNE, Essais, Livre I, chapitre xxvi, « De l’institution des enfants », 1580 1592, orthographe modernisée.

 

• Question

Quelles sont les stratégies de persuasion mises en œuvre par Rabelais et Montaigne ?

Vous traiterez ensuite, au choix, l'un des sujets suivants

• Commentaire

Vous commenterez le texte de Montaigne (texte 3).

• Dissertation

En quoi la réflexion sur l'éducation est-elle caractéristique de l'humanisme ? Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres que vous avez étudiées en classe et celles que vous avez lues.

• Écrit d'invention

À la manière de Montaigne, décrivez ce qui serait, selon vous, le programme d'une éducation idéale. N.B. : il va de soi que votre texte sera écrit en français moderne.

 

Introduction

 

L'éducation est au cœur des préoccupations des humanistes : mieux édu-quer les enfants, c'est en effet former des hommes meilleurs, qui seront susceptibles de réformer les gouvernements et par là-même le monde. Ainsi, durant tout le xvie siècle, se multiplient des traités d'éducation, parmi lesquels on peut citer Le Prince de Machiavel ou encore Le Courtisan de Castiglione qui eut un immense succès en France. En quoi la réflexion sur l'éducation est-elle caractéristique de l'humanisme ? Quels rapports la réflexion sur l'éducation entretient-elle avec l'humanisme et avec le siècle de la Renaissance ? Nous étudierons, dans un premier temps, les caractéristiques du programme d'éducation des humanistes, puis, dans un deuxième temps, nous montrerons qu'il reflète la modernité de l'humanisme. Enfin, dans un troisième temps, nous nous interrogerons sur les relations entre l'éducation humaniste et le xvie siècle.

« 20 curieusement les épluchait qu'il n'en tombait un seul grain en terre.Au partir de 1 'é glise, on lui amenait sur une traîne de bœufs un farat de patenâotres de Saint-Clau de10, aussi grosses chacune qu'est le moule d'un bonnet ; et, se promenant par les cloîtres, galeries ou jardin, en disait plus que seize ermites.

Puis étudiait quelque méchante demi-heure, les yeux assis sur son livre ; 25 mais (comme dit le comique 11) son âme était en la cuisine.

Pissa nt donc plein urinal, s'asseyait à table, et parce qu'il était natu­ rellement flegmatique, commençait son repas par quelques douzaines de jambons, de langues de bœuf fumées, de boutar gues, d'ando uilles, et tels autres avant-coureurs de vin.

Cependant quatre de ses gens lui jetaient en 10 la bouche, l'un après l'autre, continûment, moutarde à pleines palerées.

Puis buvait un horri fique trait de vin blanc pour lui soulager les rognons.

Après, mangeait selon la saison, viandes à son appétit, et lors cessait de manger quand le ventre lui tirait.

A boire n'avait point fin ni canon 12, car il disait que les mètes 13 et bornes de boire étaient quand, la personne buvant, 35 le liège de ses pantoufles enflait en haut d'un demi-pied.

1.

Psa ume 127 : >.

2.

Gambadait, bondissait, se roulait sur le lit.

3.

Selon la physiologie de l'époque, il s'a gissait de petits corps contenus dans les nerfs, destinés à animer les membres.

4.

Laine grossière.

S.

Théologien du début du xvi' siècle, professeur à la Sorbonne.

6.

Viande rôtie.

7.

Soupe dans laquelle les moines trempaient du pain, après la messe de prime (celle de 6 heures du matin).

8.

Celui qui est affecté pour lire le livre de prières.

9.

Ay ant purifié son haleine avec force vin.

10.

Un tas de chapelets de Saint-Claude (ville du Jura).

11.

L'auteur de comédies Térence.

12.

Règles.

13.

Limites.

Rabelais, Gargantua, chapi tre xxm, 153LI Gargantua, une fois pur gé de ses mauvaises habitudes, peut enfin s' adonner à l'enseignement de son nouveau maître.

S' éveillait donc Gargantua environ quatre heures du matin.

Cependant qu'on le frott ait, lui était lue quelque pagine de la divine Écriture hau­ tement et clairement, avec prononciation compétente à la matière, et à ce était commis un jeune page, natif de Basché, nommé Anagnostes 1• 5 Selon le propos et argument de cette leçon souventes fois s'adonnait à. »

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