Lecture méthodique de l’acte I, scène 3, p. 28-29 d'Electre de Jean Giraudoux
Publié le 06/01/2020
Extrait du document
Le mendiant. - Bien dit. Bravo.
Égisthe. - Merci... D’autre part, président, il est incontestable qu’éclatent parfois dans la vie des humains des interventions dont l’opportunité ou l’amplitude peut laisser croire s à un intérêt ou à une justice extra-humaine. Elles ont ceci
d’extra-humain, de divin, qu’elles sont un travail en gros, nullement ajusté... La peste éclate bien lorsqu’une ville a péché par impiété ou par folie, mais elle ravage la ville voisine, particulièrement sainte. La guerre se déchaîne quand 10 un peuple dégénère et s’avilit, mais elle dévore les derniers justes, les derniers courageux et sauve les plus lâches. Ou bien, quelle que soit la faute, où qu’elle soit commise, c’est le même pays ou la même famille qui paie, innocente ou coupable. Je connais une mère de sept enfants qui avait 15 l’habitude de fesser toujours le même, c’était une mère divine. Cela correspond bien à ce que nous pensons des dieux, que ce sont des boxeurs aveugles, des fesseurs aveugles, tout satisfaits de retrouver les mêmes joues à gifle et te mêmes fesses. On peut même s’étonner, si l’on estime 20 l’ahurissement que comporte un éveil soudain de la béatitude, que leurs coups ne soient pas plus divagants... Que ce soit la femme du juste qu’assomme un volet par grand vent, et non celle du paijure, que l’accident s’acharne sur les pèlerinages et non sur les bandes, en général, c’est tou-25 jours l’humanité qui prend... Je dis en général. On voit parfois les corneilles ou les daims succomber sous des épidémies inexplicables : c’est peut-être que le coup destiné aux hommes a porté trop haut ou trop bas. Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que la règle première de tout chef d’un 30 État est de veiller férocement à ce que les dieux ne soient point secoués de cette léthargie et de limiter leurs dégâts à leurs réactions de donneurs, ronflement ou tonnerre.
Extrait de l’acte I, scène 3, p. 28-29.
Le régent Égisthe vient de faire son entrée. Après avoir confirmé au président sa décision de marier Électre au jardinier, il a interrogé ses serviteurs sur la présence à leurs côtés d'un mystérieux personnage. Est-il mendiant, comme il le prétend ? Ou est-ce un dieu, ainsi que le croit la rumeur publique ? L'évocation de cette dernière hypothèse fournit à Égisthe l'occasion d'expliquer au président ce que sont les dieux. Il les dépeint comme de « grandes indifférences » (p. 28), insensibles au bonheur ou au malheur des hommes. Le mendiant l'interrompt pour l'approuver pleinement. Égisthe le remercie et reprend son discours.
«
--· INTRODUCTION
Situation du passage
Le régent 1 Égisthe vient de faire son entrée.
Après avoir
confirmé au président sa décision de marier Électre au jardi
nier, il a interrogé ses serviteurs sur la présence à leurs côtés
d'un mystérieux personnage.
Est-il mendiant, comme il le pré
tend? Ou est-ce un dieu, ainsi que le croit la rumeur publique?
L'évocation de cette dernière hypothèse fournit à Égisthe l'occa
sion d'expliquer au président ce que sont les dieux.
li les dépeint
comme de «grandes indifférences » (p.
28), insensibles au bon
heur ou au malheur des hommes.
Le mendiant l'interrompt pour
l'approuver pleinement.
Égisthe le remercie et reprend son
discours.
Justification des axes d'étude
Cette deuxième tirade d'Égisthe s'organise en une démons
tration rigoureuse sur le rôle et l'action des dieux.
Elle définit une
vision tragique de l'existence, sans qu'on puisse pour autant
conclure si Égisthe croit ou non aux dieux.
À l'examen, sa pro
fession de foi paraît en effet suspecte.
--·UNE DÉMONSTRATION
RIGOUREUSE
Égisthe se livre à une véritable réflexion philosophique, savam
ment structurée tant dans la forme que sur le fond.
Un raisonnement structuré
dans sa forme
Égisthe expose sa conviction de manière logique afin de mieux
persuader ses interlocuteurs.
Les grandes étapes de ce raison
nement sont les suivantes:
- Un constat en forme de postulat : les interventions divines
dans la vie des hommes ne sont jamais précises ni ciblées.
C'est
même à cela qu'on les reconnaît.
1.
Choisi en principe parmi les membres de la famille royale, un régent est celui qui exerce par intérim le pouvoir pendant la minorité ou l'absence du roi..
»
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