Lecture méthodique de l’acte I, scène 2 d'Electre de Jean Giraudoux
Publié le 06/01/2020
Extrait du document
Agathe. - Et s’il ne s’agissait que de toi ! Note famille a tout à craindre !
Le jardinier. - Je ne te comprends pas.
Le président. - Tu vas la comprendre : la vie peut être très 5 agréable, n’est-ce pas ?
Agathe. - Très agréable... Infiniment agréable !
Le président. - Ne m’interromps pas, chérie, surtout pour dire la même chose... Elle peut être très agréable. Tout a plutôt tendance à s'arranger dans la vie. La peine morale 10 s’y cicatrise autrement vite que l’ulcère, et le deuil que l’orgelet Mais prends au hasard deux groupes d’humains : chacun contient le même dosage de crime, de mensonge, de vice ou d’adultère...
Agathe. - C’est un bien gros mot, « adultère », chéri...
15 Le président. - Ne m’interromps pas, surtout pour me contredire. D’où vient que dans l’un l’existence s’écoule douce, correcte, les morts s’oublient, les vivants s’accommodent d’eux-mêmes, et que dans l’autre, c’est l’enfer?... C’est simplement que dans le second il y a une femme à histoires.
20 L’étranger. - C’est que le second a une conscience.
Agathe. - J’en reviens à ton mot « adultère ». C’est quand même un bien gros mot !
Le président. - Tais-toi, Agathe. Une conscience ! Croyez-vous ! Si les coupables n’oublient pas leurs fautes, si les 25 vaincus n’oublient pas leurs défaites, les vainqueurs leurs victoires, s’il y a des malédictions, des brouilles, des haines, la faute n’en revient pas à la conscience de l’humanité, qui est toute propension vers le compromis et l’oubli, mais à dix ou quinze femmes à histoires !
30 L’étranger. - Je suis bien de votre avis. Dix ou quinze femmes à histoires ont sauvé le monde de l’égoïsme.
Le président. - Elles l’ont sauvé du bonheur ! Je la connais, Electre ! Admettons qu’elle soit ce que tu dis, la justice, la générosité, le devoir. Mais c’est avec la justice, la généro-35 sité, le devoir, et non avec l’égoïsme et la facilité, que l’on ruine l’État, l’individu et les meilleures familles.
Agathe. - Absolument... Pourquoi, chéri ? Tu me l’as dit, j’ai oublié!...
Le président. - Parce que ces trois vertus comportent le seul 40 élément vraiment fatal à l’humanité, l’acharnement. Le bonheur n’a jamais été le lot de ceux qui s’acharnent. Une famille heureuse, c’est une reddition locale. Une époque heureuse, c’est l’unanime capitulation.
Extrait de l’acte I, scène 2, p. 21-22.
Agathe et son mari, le président, s'opposent au mariage de leur cousin, le jardinier, avec la princesse Électre, fille du défunt roi Agamemnon. Le jardinier ne comprend pas les raisons de leur hostilité, pas plus d'ailleurs que l'étranger (qui n'est autre qu'Oreste). Cette union devrait d'autant plus les flatter que nul ne conteste la beauté et l'intelligence d'Électre. Pourquoi donc un tel refus de leur part? C'est que, répond le président, Électre est « le type de la femme à histoires » (p. 21 ).
«
LE PRÉSIDENT.
-Elles l'ont sauvé du bonheur! Je la connais,
Électre! Admettons qu'elle soit ce que tu dis, la justice, la
générosité, le devoir.
Mais c'est avec la justice, la généro-
35 sité, le devoir, et non avec l'égoïsme et la facilité, quel' on
ruine l'État, l'individu et les meilleures familles.
AGATHE.
-Absolument.
..
Pourquoi, chéri? Tu me l'as dit,
j'ai oublié! ...
LE PRÉSIDENT.
-Parce que ces trois vertus comportent le seul
40 élément vraiment fatal à l'humanité, l'acharnement.
Le bon
heur n'a jamais été le lot de ceux qui s'acharnent.
Une
famille heureuse, c'est une reddition locale.
Une époque
heureuse, c'est l'unanime capitulation.
Extrait de J'acte I, scène 2, p.
21-22.
--·INTRODUCTION
Situation du passage
Agathe et son mari, le président, s'opposent au mariage de
leur cousin, le jardinier, avec la princesse Électre, fille du défunt
roi Agamemnon.
Le jardinier ne comprend pas les raisons de leur
hostilité, pas plus d'ailleurs que l'étranger (qui n'est autre
qu'Oreste}.
Cette union devrait d'autant plus les flatter que nul
ne conteste la beauté et l'intelligence d'Électre.
Pourquoi donc
un tel refus de leur part? C'est que, répond le président, Électre
est« le type de la femme à histoires» (p.
21 }.
Justification des axes d'étude
L'extrait se présente comme une conversation à quatre.
Cellè
ci se compose en réalité d'un double dialogue: entre le président
etAgathe d'un côté; et, de l'autre, entre le président, l'étranger
et le jardinier.
Le dialogue entre les époux Théocathoclès confère au pas
sage un air de comédie bourgeoise.
L'entretien avec l'étranger
achève de camper le personnage d'Électre..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Lecture méthodique de l’acte II, scène 10 d'Electre de Jean Giraudoux
- Lecture méthodique de l’acte II, scène 8 d'Electre de Jean Giraudoux
- Lecture méthodique de l’acte I, scène 8, p. 55-56 d'Electre de Jean Giraudoux
- Lecture méthodique de l’acte II, scène 5, p. 92-93 d'Electre de Jean Giraudoux
- Lecture méthodique de l’acte II, scène 9, p. 129-130 d'Electre de Jean Giraudoux