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LECTURE MÉTHODIQUE DE LA SCÈNE 1 - L'ILE AUX ESCLAVES DE MARIVAUX

Publié le 05/06/2015

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Mais de fait, le divorce est consommé, ce qu'Arlequin signifie en rompant le dialogue par une chanson badine.

 

La situation est désormais mûre pour une redistribu­tion des rôles. Un moment encore, le vouvoiement de l'esclave semble redessiner la situation antérieure. Mais nous ne sommes plus « dans le pays d'Athènes «; le « ici « autorise, mieux encore, impose, de nouveaux rapports de force que le langage se doit de marquer. La didascalie se reculant d'un air sérieux, rompant avec toutes les précédentes, annonce l'instant bouleversant de cette métamorphose, de ce renversement. En une ligne, le tutoiement subit, inattendu, inouï du valet à son maître réalise un changement d'espace énonciatif :

De même, dans un premier temps, l'esclave reprend en les reformulant à peine les propositions du maître. Ainsi :

IPHICRATE - Je suis d'avis que nous les cherchions. ARLEQUIN - Cherchons, il n'y a point de mal à cela.

OU

IPHICRATE - Nous sommes seuls échappés au nau­frage; tous nos camarades ont péri, et j'envie maintenant leur sort.

ARLEQUIN - Hélas! ils sont noyés dans la mer et nous avons la même commodité.

C'est le maître qui de plus détient l'information essentielle, et le valet qui avoue son ignorance :

IPHICRATE - [...] nous sommes dans l'île des Escla­ves.

ARLEQUIN - Oh! oh! qu'est-ce que c'est que cette race-là?

En revanche, l'examen de la dernière réplique de la scène, adressée par le valet à son maître, révèle la transformation qui s'est opérée :

ARLEQUIN - Doucement; tes forces sont bien dimi‑

nuées, car je ne t'obéis plus, prends-y garde.

Malgré l'arme dont le menace son maître — et qui apparaît bien dérisoire —, l'esclave ne tremble plus : il garde le dernier mot de la scène; et c'est bien là sa supériorité. Délivré de son état d'esclave, il conquiert d'emblée sa liberté de parole, et donc de rébellion. A partir de quel instant peut-on dans la scène percevoir cette métamorphose? Trois temps se succèdent :

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« 36 PARCOURS DE LECTURE : L'Île des esclaves différents et imbriqués : le dialogue et les didascalies.

L'étude de ces dernières est un adjuvant précieux pour éclairer les situations dramatiques et les rapports entre les personnages.

• Les didascalies Les didascalies réservées à lphicrate (après avoir soupiré; à part; retenant sa colère; un peu ému; au désespoir; courant après lui l'épée à la main) révèlent un être à la sensibilité vive, dont les sentiments et les émotions s'enflamment au fil de la scène.

Les indica­ tions scéniques consacrées à Arlequin (avec une bouteille de vin qu'il a à sa ceinture; prenant la bouteille pour boire; siffle; distrait; chante; riant; en badinant; il chante, riant) et à l'exception significative de celle qui annonce son changement de statut, révèlent un être léger, jovial.

Ces stéréotypes en quelque sorte (le couple traditionnel maître/serviteur de la comédie classique et...

antique!) s'opposent ici dans leurs comportements et leurs préoccupations : une tension naît entre les personnages, qui culmine dans la situation finale de la scène : courant après lui l'épée à la main.

L'étude des didascalies permet ainsi d'esquisser le mouvement de la scène.

• Les prises de paroles L'étude des phénomènes de prise de parole doit confirmer cette première recherche.

Qui parle le pre­ mier? Pourquoi? Quel sens cela peut-il avoir? Ici le maître interpelle son valet, l'apostrophe, le convoque, crée ainsi une situation d'énonciation dans laquelle le valet n'a la possibilité que de la réponse.

Et la réplique d'Arlequin, loin de lancer une discussion ou d'ouvrir un discours, est une attente, un aveu de soumission, de dépendance.

En bon esclave, Arlequin subit la volonté de parole du maître.

Convoqué, il se borne à énoncer sa présence par l'aveu explicite de sa dépendance :. »

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