Lecture méthodique : À L'OBÉISSANCE PASSIVE - Les Châtiments, Livre II, 7 (y. 1 à 30).
Publié le 14/03/2015
Extrait du document

À L'OBÉISSANCE PASSIVE
Ô soldats de l'an deux ! ô guerres ! épopées ! Contre les rois tirant ensemble leurs épées, Prussiens, Autrichiens,
Contre toutes les Tyrs et toutes les Sodomes,
5 Contre le czar du nord, contre ce chasseur d'hommes Suivi de tous ses chiens,
Contre toute l'Europe avec ses capitaines,
Avec ses fantassins couvrant au loin les plaines, Avec ses cavaliers,
10 Tout entière debout comme une hydre vivante, Ils chantaient, il allaient, l'âme sans épouvante Et les pieds sans souliers !
Au levant, au couchant, partout, au sud, au pôle, Avec de vieux fusils sonnant sur leur épaule,
15 Passant torrents et monts,
Sans repos, sans sommeil, coudes percés, sans vivres, Ils allaient, fiers, joyeux, et soufflant dans des cuivres Ainsi que des démons !
La Liberté sublime emplissait leurs pensées.
20 Flottes prises d'assaut, frontières effacées
Sous leur pas souverain,
Ô France, tous les jours, c'était quelque prodige,
Chocs, rencontres, combats ; et Joubert sur l'Adige,
Et Marceau sur le Rhin !
25 On battait l'avant-garde, on culbutait le centre;
Dans la pluie et la neige et de l'eau jusqu'au ventre, On allait ! en avant !
Et l'un offrait la paix, et l'autre ouvrait ses portes, Et les trônes, roulant comme des feuilles mortes,
30 Se dispersaient au vent !
Jersey. Janvier 1853.
[7-13/1/1853]
Les Châtiments, Livre II, 7 (y. 1 à 30).

«
25 On battait l'avant-garde, on culbutait le centre;
Dans la pluie et la neige et de !'eau jusqu'au ventre,
On allait! en avant!
Et l'un offrait la paix, et l'autre ouvrait ses portes,
Et les trônes, roulant comme des feuilles mortes,
30 Se dispersaient au vent!
Jersey.
Janvier 1853.
[7-13/1/1853]
Les Châtiments, Livre II, 7 (v.
1 à 30).
--·INTRODUCTION
Situation du passage
«À l'obéissance passive» est un long poème divisé en huit
parties.
Dans ce texte écrit en 1853, Hugo critique férocement
la violence exercée par Napoléon 111, présenté comme un tyran
sanguinaire.
Cette critique prend la forme d'une opposition entre
l'armée
de l'empereur et les" soldats de l'an Il »,c'est-à-dire
l'armée
populaire issue de la Révolution de 1789: la première
est
réduite à un instrument de répression à la botte du pouvoir;
les« soldats de l'an Il »,eux, sont présentés comme des héros
ayant défendu vaillamment la nation française contre les puis
sances ennemies.
Nous étudions ici les 30 premiers vers de la première partie
de ce poème.
Ces cinq strophes sont consacrées essentielle
ment à
la glorification des soldats du passé: la critique de l'armée
de 1853, sous-entendue dans notre extrait, ne devient explicite
que dans la deuxième partie du poème.
Axes de lecture
Dans un premier temps, nous verrons que ce texte présente
une vision idéalisée des guerres qui ont suivi la Révolution : il fait
des soldats les héros d'une véritable épopée.
Mais cette gran
deur passée rend le présent d'autant plus sombre.
Comme nous
le montrerons à travers notre deuxième axe, c'est avec nostal
gie que le poète célèbre ici les« soldats de l'an Il».
121.
»
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