Lecture linéaire et plan de commentaire Britannicus Racine V, 6
Publié le 12/03/2024
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Acte V, scène 6, Britannicus, Jean Racine (1669)
Introduction
- Accroche : histoire du théâtre, caractéristiques de la tragédie classique, inspiration
antique, thématique des conflits familiaux…
- Le texte à étudier est un extrait de Britannicus, une pièce de Jean Racine jouée pour la
première fois en 1669.
- Présentation de Jean Racine (1639-1699)
Jean Racine est un auteur, dramaturge et poète français.
Issu d'une famille relativement
modeste, orphelin à l'âge de 3 ans, il est pris en charge par les Solitaires de Port-Royal,
jansénistes lui assurant une éducation religieuse et littéraire.
Jean Racine s'oriente
rapidement vers le théâtre et écrit sa première pièce en 1660.
Il se rapproche de plus
en plus des milieux mondains et littéraires et noue de nombreuses relations avec des
membres influents de l'entourage du roi Louis XIV.
Jean Racine construit sa renommée
sur des pièces épurées portées par les passions humaines, où la tristesse et la fatalité
sont incontournables.
Le public de l'époque se divise entre les adeptes de la rupture créée par
Racine, et les fidèles de la tragédie de Corneille.
Les faveurs de la Cour, en particulier de
Mme de Montespan font l'ascension sociale et économique de l'auteur, qui est élu à
l'Académie française en 1672 et anobli deux ans plus tard.
En 1664, Racine écrit "La Thébaïde", avec probablement une intervention de Molière dans
la rédaction de la pièce, et reçoit le soutien de Louis XIV.
Dans "Alexandre le Grand", encore
une tragédie en cinq actes, datée de 1665, l'auteur dépeint le Roi-Soleil sous les traits
d'Alexandre.
Mais son véritable succès arrive en 1667 avec "Andromaque".
Suivent
alors d'autres coups de maître, avec notamment et successivement, en 1670, 1673 et 1674,
"Bérénice", "Mithridate" et "Iphigénie".
En 1669, sa deuxième grande tragédie est jouée
à l'Hôtel de Bourgogne : Britannicus.
En 1677, Jean Racine interrompt ses créations
dramatiques avec "Phèdre".
Il se consacre dès lors à l'historiographie et se met,
avec Boileau, au service de Louis XIV, appuyé par Madame de Montespan, alors
maîtresse du roi.
Il exerce cette activité durant près de quinze ans, avant d'écrire deux
tragédies : "Esther" et "Athalie", en 1689 et 1691.
Dans son travail d'écriture, Jean Racine
traite majoritairement les sujets grecs, comme son contemporain Corneille.
Jean Racine
s'éteint à Paris le 21 avril 1699, à l'âge de 59 ans, d'un cancer du foie.
- Présentation de la pièce
C’est une tragédie classique.
Elle s’inspire d’un épisode de l’histoire romaine (la
rivalité qui oppose Néron à Britannicus, racontée par l’historien Tacite dans ses Annales), elle
respecte la forme de ce genre (cinq actes, alexandrins) et les règles classiques (règle
des 3 unités, vraisemblance et bienséances).
Elle repose, comme souvent dans les pièces de
Racine, sur un double fil : l’un politique, l’autre sentimental.
D’une part, elle met en
scène un conflit relatif au trône impérial : Néron a été placé par sa mère Agrippine à la
tête de Rome, après la mort de l’empereur Claude, à qui elle avait fait adopter son fils.
Mais
Claude a un fils naturel : Britannicus, et Néron craint que celui-ci ne revendique sa place.
Un
3e personnage vient compliquer l’intrigue : Junie.
Amante de Britannicus, celle-ci est la
descendante de l’empereur Auguste et peut prétendre elle aussi d’une certaine façon à une
légitimité à régner à travers l’époux qu’elle aura choisi.
Le conflit est amoureux d’autre
part : en effet, Néron tombe amoureux de Junie et se montre jaloux des sentiments
réciproques qu’elle porte à Britannicus.
La pièce met donc en scène cette rivalité à
la fois politique et amoureuse entre les 2 frères.
Britannicus est le héros éponyme mais
en réalité, comme l’a écrit Racine dans sa préface, il s’agit surtout du portrait de Néron
qui est ici « un monstre naissant » en faisant mettre à mort son frère.
- L’extrait à analyser est tiré du dernier acte de la pièce.
Agrippine vient
d’apprendre que Britannicus a été assassiné (empoisonné), le dénouement tragique
de la pièce est alors enclenché.
Ce meurtre consomme la rupture entre la mère et
son fils.
L’extrait se situe à la fin de la scène 6, il s’agit d’une tirade d’Agrippine
dans laquelle elle parle à son fils pour la dernière fois et lui prédit un destin
tragique.
- LECTURE
- Projet de lecture : un texte prophétique qui marque la rupture définitive entre une mère
et son fils
OU une imprécation d’une grande force tragique (imprécation : prière solennelle appelant la
colère des divinités infernales sur l’ennemi, malédiction proférée)
OU une tirade prophétique qui dresse le portrait d’un futur tyran
Lecture linéaire
Vers 1 à 3
La tirade débute avec une prise de parole saisie abruptement.
Agrippine coupe la parole
de Narcisse (gouverneur, conseiller de Britannicus mais en réalité allié à Néron) qui lui parlait
et lui disait « Mais vous… ».
On le voit ici car le vers n’est pas complet, c’est un décasyllabe
au lieu d’un alexandrin car les 2 syllabes manquantes étaient prononcées par
Narcisse.
Elle commence par une antiphrase et s’adresse à Néron, dont le nom est placé en
apostrophe pour mieux l’interpeller.
L’impératif « poursuis » employé par Agrippine à deux
reprises aux vers 1 et 3 en anaphore montre sa colère et sa détermination à dire qu’elle
connait le meurtrier de son beau-fils.
Elle l’encourage ironiquement à suivre la voie de
la tyrannie.
Le CC d’accompagnement « avec de tels ministres » désigne ici Narcisse.
Le
nom « ministre » est à prendre au sens d’exécutant.
Le déterminant indéfini
« tels » est ici clairement péjoratif.
Agrippine le désigne puisqu’il est présent sur scène et
le méprise car c’est lui qui a poussé Néron à passer à l’acte et c’est lui qui a été son homme
de main.
L’antiphrase est également construite par l’emploi du groupe nominal « des
faits glorieux » pour évoquer les tentatives d’assassinats futures de Néron.
Le
groupe verbal « tu te vas signaler » emploie le verbe aller associé à un infinitif, ce qui a
valeur de futur proche.
La prédiction commence alors : il se fera remarquer non pour
sa grandeur mais pour sa cruauté.
Le tutoiement est d’ailleurs à relever car jusqu’ici,
Agrippine vouvoyait Néron.
C’est une marque de mépris ici et le « tu » répétitif se
fait accusateur.
La phrase « Tu n’as pas fait ce pas pour reculer » est de nouveau marquée par
l’ironie puisqu’elle semble l’encourager.
Le passé composé constate, fait le bilan de la 1 ère
action de haine de Néron, qui ne sera que la 1ère d’une longue liste, ce qui est dit dans le
CCbut « pour reculer ».
L’euphémisme « ce pas » désigne l’assassinat de Britannicus.
L’emploi du déterminant démonstratif « ce » permet à la fois de rendre vivante la scène et de
dénoncer l’acte odieux qui a été commis.
Vers 4-5
L’emploi du passé composé « a commencé » présente le meurtre de Britannicus
comme un fait accompli et connu.
La métonymie « ta main » explicite bien qu’il est
l’assassin même si ce n’est pas lui qui s’est justement sali les mains.
Le verbe
« commencé » poursuit l’idée précédemment annoncée de 1er pas.
Néron n’est qu’à l’aube de
sa cruauté.
Agrippine met en valeur l’outrage de son fils Néron qui détruit sa propre famille.
Pour insister sur ce point, on remarque la présence du vocabulaire de la famille « frère »,
« mère » associé à celui de la violence, « coups », le nom « sang » appartenant à
ces deux champs.
Néron est présenté comme un monarque dont l’usage du pouvoir est
illégitime car il ne respecte pas les liens du sang comme le montrent le meurtre de son
frère et le matricide à venir.
Il est représenté comme le contraire d’un monarque idéal.
Le fil
rouge de la prophétie continue de se tisser à travers le texte avec le verbe « Je
prévois ».
Agrippine apparaît ici telle un oracle tragique.
Le futur « viendront » a valeur
de certitude ici, de destinée, de fatalité tragique.
Or, l’histoire veut que Néron commette bel
et bien le matricide annoncé ici.
Vers 6-7
Le CCL « dans le fond de ton cœur » renvoie à la sensibilité de Néron, à ce qu’il
ressent au plus profond de lui.
Or, ce qui le définit c’est la haine « tu me hais ».
C’est
un monstre dans le sens où il n’a pas les sentiments attendus d’un fils envers sa mère.
Agrippine se montre d’une grande lucidité avec le verbe de connaissance certaine « je
sais ».
Ce jeu d’antithèses entre « cœur » et « tu me hais » se poursuit au vers
suivant avec « joug » et « bienfaits ».
Ce dernier terme renvoie à l’amour maternel et
protecteur, cela fait sans doute référence à tout ce qu’elle a fait pour qu’il puisse accéder au
trône.
Mais ces preuves d’amour sont perçues comme un asservissement dont Néron
veut se libérer avec la métaphore « affranchir de joug ».
Avec le nom « joug »....
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