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Lecture et vie spirituelle chez Proust

Publié le 12/09/2015

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Tant que la lecture est pour nous l’incitatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l’esprit, la lecture tend à se substituer à elle, quand la vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès intime de notre pensée et par l’effort de notre cœur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres et que nous n’avons qu’à prendre la peine d’atteindre sur les rayons des bibliothèques et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d’esprit. 

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« qu'il traduit et présente.

Plus que cela, le romancier français prend prétexte de la pensée de l'écrivain anglais pour développer en une abondante préface sa propre vision du rôle et de l'importance de la lecture.

Selon Proust, la thèse de Ruskin peut se résumer en une formule qu'il emprunte à Descartes: « ...

la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés qui en ont été les auteurs.

» Or, pour lui, il n'en est rien: « ...

ce qui diffère essentiellement entre un livre et un ami, ce n'est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la manière dont on communique avec eux, la lec­ ture, au rebours de la conversation, consistant pour chacun de nous à recevoir communication d'une autre pensée, mais tout en restant seul, c'est-à-dire en conti­ nuant à jouir de la puissance intellectuelle qu'on a dans la solitude et que la conversation dissipe immédiate­ ment, en continuant à pouvoir être inspiré, à rester en plein travail fécond de l'esprit sur lui-même.>> La conception de Proust diffère également de celle de Ruskin en ce qui concerne la place qui doit être celle de la lecture dans l'existence de chacun.

Pour Proust, la lecture ne doit en aucun cas se confondre avec la vie, se substituer à elle car elle ne peut servir que d'introduc­ tion à celle-ci, que d'incitation à aller plus loin dans sa découverte : «La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas.

>> ~ En l'espace de quelques superbes pages qui antici­ pent sur les meilleurs moments d'A la recherche du temps perdu, Proust illustre sa thèse en faisant appel à l'un de ses souvenirs d'enfance: la lecture du Capi­ taine Fracasse de Théophile Gautier.. »

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