Lecture analytique sur Les Animaux Malades de la Peste de La Fontaine
Publié le 18/01/2012
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C'est sur la fable «les animaux malades de la peste« que s'ouvre le livre VII des Fables de La Fontaine.
Cet auteur y souligne dans un registre satirique l'injustice qui règle à la cour, en montrant comment un conseil réuni par le lion pour châtier « le plus coupable«, finit par sacrifier en réalité le moins coupable de tous
La Fontaine repend une tradition médiévale : on trouve en effet une histoire semblable dans les Apologues de Haudent en 1547 : « La Confession de l'Asne, du Renard et du loup «.
Comment La Fontaine use des ressources du tragique pour faire une satire de la Cour fondée sur l'ironie ?
1. Le récit tragique
C'est dans un contexte tragique de La Fontaine situe son récit, en exposan d'abord les ravages d'un fléau interprété comme un châtiment divin, puis en montant comment s'opère le choix d'un bouc émissaire sacrifié pour blanchir les autres.
A/ Les ravages de la peste
La situat° initiale de la fable, décrivant les ravages de la peste, est en effet tragique.
Le chp lexic de la mort est omniprésent : (l'Achéron) v5 désigne par métonymie les enfers mytho où s'entassant les victimes du mal.
«
courroux ».On peut se référer au mythe tragique de Sophocle « Oedipe-Roi » dans lequel la ville de Thébes est ravagée par lapeste, et le divin Tirésias révèle ce châtiment perdurera tant que le meutrier du roi Laîos, n'aura pas été puni.Le nouveau roi Oedipe, se rendra compte au terme de son enquête, qu'il est lui-même le coupable, ayant tuéaccidentellement son père Laios, puis épousé sans le savoir sa mère Jocaste.Le lion semble faire allusion à ce mythe en justifiant sa décision par un exemple passé : l'histoire nous apprend qu'ende tels accidents/ Un fait de pareils dévouements ».
C/ Le dénouement sacrificielA l'autre extrémité de la fable, dans le dénouement, le registre tragique reste présent, même s'il n'est plus seul enscène : la vulnérabilité pathétique de l'âne, seul herbivore du récit, en fait le bouc-émissaire tout désigné : on parlede lui comme d'un « maudit animal », et l'on s'indigne de son « crime abominable », de son « forfait ».Ce dernier doit être « expié » et l'on retrouve le champ lexical du sacrifice et de la mort « il fallait dévouer ce mauditanimal ».
L'âne est d'ailleurs bel et bien coupable d'une transgresssion blasphématoire, dans un aveu maladroit : il aenfreint un commandement divin (le bien d'autrui tu ne prendras), a cédé à « quelque diable » tentateur, et broutédans un « pré de Moines »..Si sa faute est matériellement négligeable, elle est symboliquement +grave.
Cme tte tragédie, la fable s'achève biensur un sacrifice voué à rétablir l'ordre.
2.
Une parodie de procès Mais parce que la faute de l'âne nous est donnée à comparer avec celles des carnivores + puissants et + coupablesque lui, l'injustice du dénouement est flagrante et ce procès tragique n'est plus qu'une parodie de justice.
C'estalors à une satire virulente de la Cour que nous assistons.
La structure de la fable, fondée sur une gradationdécroissante, et l'importance donnée à la parole hypocrite des courtisans, donne toute sa force à cette satire.
A/ Structures de la FableLa structure la fable témoigne de la volonté satirique de La Fontaine.Elle présente tous les aspects d'un procès : réunissant un tribunal, « le conseil », elle met en scène des aveux etl'intervention d'avocats ou de procureurs.Ch lexic de la justice (coupable, crime, droits, s'accuser) construit bien une scène judiciaire.Mais la structure du récit révèle que le procès est faussé, qu'il s'agit d'une parodie de justice.En effet, la dynamique du récit obéit à une gradat° décroissante dans l'ordre de puiss : le lion, roi des animaux, esttraité comme un souverain : c'est lui qui parle le + v15-33, Soit + ¼ de la fable.Sont ensuite rapidement énumérées les « autres puissances » comme le tigre, l'ours ou encore les mâtins.Le dernier personnage à se confesser est l'âne.La gradation, décroissante dans l'odre de la puissance, est aussi décroissante dans l'ordre de la culpabilité réelle :les crimes du lion sont sanglants : il commence par accentuer ses propres fautes avec des hypeboles (mes appétisgloutons, j'ai dévoré force moutons, même il m'est arrivé quelquefois de manger le berger).Le passage en discours narrativisé, v44-46, permet de placer la confession de l'âne en symétrie avec celle du lion.Les 2 animaux avouent leur culpabilité « je n'en avais nul droit » précise l'âne/ « que m'avaient-ils fait ? Nulleoffense».Enfin, et surtout l'étendue des 2 crimes est sans commune mesure : le crime de sang de grande envergure du lions'oppose évidemment à l'ampleur dérisoire du crime de l'âne.L'âne est jugé + coupable que le lion et que les autres puissants, il est victime de sa faiblesse.La conclus° illogique de la fable dénonce évidemment l'injustice flagrante de la cour, et c'est à une parodie deprocès que nous assistons en réalité.
B/ Les discours faussés des courtisansLes aveux opposés du lion et de l'âne sont tous deux interprétés et commentés par les coutisans du lion, et ce sontces commentaires qui permettent une inversion complète des valeurs, puisque la maîtrise de la parole par cescourtisans blanchit le coupable et noircit l'innocent.C'est le renard qui commente, v34-43, les aveux du lion, tandis que le loup juge ceux de l'âne v55-62.Le discours du Renard cherche à excuser les crimes du lion en essayant de le transformer en innocent Il en faitmême l'éloge « vous êtes trop bon roi » « trop de délicatesses ».Le Renard transforme les victimes en coupable les moutons ne sont que « canaille » et « sotte espèce » L'innocentest accablé par l'énumérat° d'adj péjoratifs (ce maudit animal, ce pelé, ce galeux) et rendu responsable du fléau« ce galeux d'où venait tout le mal ».L'exclamation et l'hyperbole « manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable ! » aggravent le cas du malheureuxéquidé.Sa faute, dont La Fontaine rappelle qu'elle n'est qu'une « peccadille », un péché mineur et accidentel, devient un« crime » et un « forfait ».La morale sanctionne explicitement « les jugements de cour » en associant par antithèse le blanc de l'innocence à lapuissance, et le noir de la culpabilité à la faiblesse.
Ces jugements sanctionnent donc en réalité ce que les individussont, et non pas ce qu'il font..
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