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LECTURE ANALYTIQUE METHODIQUE (= non linéaire) De « Le Bateau Ivre » (1871), d’Arthur Rimbaud

Publié le 23/09/2018

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La répétition du verbe « dévorer » souligne la même évolution, de l’avidité active au processus subi : « dévorant les azurs verts » devient « serpents géants dévorés de punaises ».

La décomposition affecte d’autres éléments du paysages : au vers 66 les oiseaux salissent le bateau de leurs querelles et de leurs fientes (sans doute un lointain écho du poème « L’albatros » de Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal ; l’éther bientôt est dit « sans oiseau ».)

De même, les gouffres pressentis au début par les noyés entre deux eaux (strophe 6) se creusent au fil du texte : « crouler » puis « entonnoir »  accentuent le mouvement d’engloutissement ; ensuite, ces gouffres sont localisé, nommés : « Le rut des Béhémots », « les Maelstroms épais » (que le pluriel multiplie comme autant de risques de perdition).

La répétition lexicale permet plus d’une fois de mesurer l’évolution de la situation et de suggérer l’écroulement du temps dans la durée du poème : ainsi des « bleuités » aux « immobilités bleues » des « poissons d’or » que le poète souhaite montrer aux enfants, au « million d’oiseaux d’or » dont il saisit le reflet affaibli dans les yeux « blonds » des « oiseaux clabaudeurs ».

Dans les dernières strophes, la retombée est violente : le retour au réel mesquin frappe d’inanité l’ampleur du fantasme : les « Aubes… navrantes » sont la contrepartie du réveil, le prix de la lucidité. Le singulier succède au pluriel, mais c’est celui de l’isolement et de la pauvreté. Les marques de pluriel persistent pour « Aubes », « torpeurs », « tristesses », « langueurs », « lames » et « yeux » mais « yeux horribles »…

Le bateau jeté à l’assaut du monde s’évanouit comme le carrosse de Cendrillon ; sa coque n’est qu’une coquille de noix entre les mains d’un enfant au bord d’une flaque (« flache » est un régionalisme).

Le « je » aux aspirations immenses se décrit asphyxié, étriqué, impuissant. On peut aussi interpréter tout cela comme une dépression adolescente (rappelons que Rimbaud à 17 ans).

 

Transition vers la deuxième partie : Pourtant, si l’évasion du bateau ivre échoue, le poème ne laisse pas l’image de la nostalgie. Sa poétique rutilante rapporte de l’aventure quelques pierres précieuses…

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« I) De l’ivresse à l’impuissance, le récit d’une désillusion (structure globale du texte, place du sujet du discours, repères anaphoriques) Le sujet de l’énonciation C’est « je » qui parle = « je » d’un bateau personnifié (=personnification) Longue prosopopée [= figure de rhétorique par laquelle l'orateur ou l'écrivain fait parler et agir un être inanimé, un animal, une personne absente ou morte]. Ce « je » est le sujet fictif du discours, mais il masque une allégorie du poète.

Le lexique rappelle de temps en temps le statut allégorique du « je » : « ma quille » (v.92), « Or moi, bateau perdu… jeté… » (v.69-70) Le récit de l’aventure se fait à l’imparfait (actions-cadre) et au passé simple (événements ponctuels qui se détachent sur le fond des actions-cadre). Le « je » est le sujet de procès moteurs : courir, descendre, danser… qui sont tous employés métaphoriquement… puisqu’il s’agit d’un bateau ! Ainsi, le poète semble devenu un objet : un bateau, qui parle et se meut, ressent… comme une personne la réification [= fait de devenir une chose, ou de faire devenir chose une personne ou un être animé] est suivi d’une personnification (en effet : le poète devient d’abord un bateau… et ensuite ce bateau se met à parler, se mouvoir, ressentir). Le « je » est aussi sujet de procès liés à l’intériorité : voir, savoir, rêver, se souvenir… [Précision de vocabulaire : ici « procès » veut dire « processus », lesquels peuvent être des actions concrètes, ou bien des mouvements de l’esprit, des pensées, des sensations, des perceptions.] Le mouvement du texte Le récit conduit à l’affranchissement du bateau, débarrassé dans l’euphorie de toute contrainte (« les haleurs »). Chaque strophe se recentre autour d’un verbe : « Moi… Je courus ! », « j’ai dansé sur les flots », « L’eau verte pénétra ma coque…/ Et…/ Me lava…/ Et dès lors, je me suis baigné », soit 7 strophes. A partir de la strophe 8 vient l’heure des bilans au présent ou au passé composé : « Je sais… / Et j’ai vu… / J’ai vu… / J’ai rêvé… / J’ai suivi… / J’ai heurté… / J’ai vu fermenter… », soit de nouveau 7 strophes. Viennent ensuite les regrets : « J’aurais voulu montrer aux enfants… / Parfois, martyr lassé… / Et je restais… / Et je voguais… » A partir de « Or moi », on assiste à un résumé des grands moments de liberté heureuse (« Or moi, bateau… Moi dont… Moi qui trouais… Qui courais… Moi qui tremblais… »), soit 7 strophes où Rimbaud récapitule les courses folles, les souvenirs d’ivresse, et qui butent sur le constant amer : « Je regrette. »

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