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LECTURE ANALYTIQUE L' INGENU de VOLTAIRE

Publié le 23/01/2013

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LECTURE ANALYTIQUE L' INGENU de VOLTAIRE ( 1767) L'Ingénu est un conte philosophique écrit en 1767 par Voltaire, grand philosophe des Lumières et inventeur du genre « conte philosophique ». L'extrait proposé se situe au chapitre 14. L'ingénu, surnommé aussi le Huron ou encore Hercule de Kerkabon, se retrouve embastillé par une lettre de cachet pour avoir voulu faire reconnaître sa bravoure lors de la guerre contre les Anglais , en allant à Versailles. Des chapitres 10 à 14, en compagnie de Gordon, un janséniste emprisonné, il va parfaire sa formation intellectuelle et philosophique qui va lui permettre d'apprendre à penser par lui-même. On trouve ainsi le paradoxe suivant : c'est en prison qu'il apprend la liberté individuelle. Nous montrerons que le conte philosophique est un moyen habile pour l'argumentation. Dans une première partie, nous montrerons que le dialogue s'apparente à un dialogue philosophique, puis dans une deuxième partie, nous analyserons la portée critique du passage. L'expression « conte philosophique « rend compte du caractère hybride du genre. Comme dans le conte, le personnage principal , souvent naïf, se trouve confronté à des situations invraisemblables , voire merveilleuses. Ici , le personnage éponyme, de part sa caractérisation l'ingénu, ( étymologie latine « ingenuus »= homme libre) rappelle cette candeur ,cette naiveté du héros dont le regard et l'esprit non formatés, permettent de poser une vision sur le monde sans préjugé aucun. Les péripéties des contes philosophiques nombreuses, permettent d'aborder des sujets philosophiques variés. Les dialogues de type argumentatif favorisent la polarisation des points de vue et produisent des débats sur des sujets nombreux: éducation, guerre, pouvoir, religion ,culture, morale... Le regard sur la société contemporaine est critique ; elle est vue à travers le prisme d'un personnage candide et révèle l'absurdité de son fonctionnement. Cela suscite généralement l'amusement du lecteur et provoque sa réflexion. Enfin, le détour par le récit permet aux philosophes des Lumières de se protéger de la censure. Le conte offre un espace d'expression pour de nouvelles idées qui ne peuvent être exprimées de manière directe. C'est bien sûr le cas des contes philosophiques de Voltaire , comme l'Ingénu. Voltaire oppose deux postures intellectuelles : d'un côté , l'ingénu, qui voit le monde avec candeur et sans aucun à priori. De l'autre, un individu pétri de préjug&eacut...
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« Gordon   et   l’Ingénu   s’apparente   à  un   dialogue   philosophique   :   le   jeune   Huron   m ène   l’ échange   en   s’appuyant   sur   les   r éponses   de   son   ami   qui   ne   font   que   relancer   la   d émonstration.

  Entre   les   lignes   10   à  14,   on   trouve   un   bon   exemple   de   ma ïeutique   :   à  la   question «   dites moi s’il y des sectes en g éom étrie­ non, mon cher enfant, lui dit en soupirant   le bon Gordon. Tous les hommes sont d’accord sur la v érité quand elle est d émontr ée, mais ils   sont trop partag és sur les v érités obscures. – Dites, sur les fausset és obscures. S’il y avait une   seule   v érité  cach ée   dans   vos   amas   d’arguments   qu’on   ressasse   depuis   tant   de   si ècles,   on   l’aurait d écouverte sans doute   ». On remarque que la r éflexion progresse gr âce  à la technique   de   la   ma Ïeutique   qui   conduit   le   vieux   savant   à  découvrir   une   v érité  qui   n’attendait   que   les   prouesses   du   jeune   Huron   pour   se   d évelopper.

  Le   parall élisme   syntaxique   antith étique   «   jeune   ignorant   /   vieux   savant   »   suivi   des   oxymores   «   ignorant   instruit   »   et   «   savant   infortun é   », montrent le   paradoxe   entre les deux hommes   ; l’ignorant instruisant le savant, le   jeune plus sage que le vieux. Le Huron repr ésente ainsi la figure d’un id éal  philosophique   ; il   est en effet  instruit par la Nature qui , m élang ée à la Culture produit une savante harmonie, et   fait de lui , le philosophe r êvé des Lumi ères.    On l ‘a dit , le conte philosophique permet de mettre en sc ène un personnage attachant dans   sa   candeur   .

  L’Ing énu   pr ésent é  dans   cet   extrait   rappelle   la   devise   des   Lumi ères     qui   est   «   Sapere aude   »=   ose conna ître   ; La formule de  Kant  est aussi  à citer   : «   aie le courage de   te  servir  de  ton   propre  entendement   ». C’est aussi  l’occasion, pour Voltaire, de critiquer ,   par le biais de  l’argumentation   indirecte,  la soci été de son  époque.       Le   discours   du   Huron   est   persuasif   ,   dans   la   mesure   o ù  il   cherche   à  provoquer   son   destinataire  , en  jouant sur ses sentiments.

 L’acte d’accusation qu’il  énonce aux lignes 16   et 17 , est  à cet  égard,  éloquent. La  gradation hyperbolique  donne une intensit é dramatique   au   propos   qui   finit   par   toucher   son   ami   Gordon   :   «   c’est   une   absurdit é,   c’est   un   outrage   au   genre   humain,   c’est   un   attentat   contre   l’Etre   Infini   ».

  En   outre,   la   gradation   suit   un   rythme   ternaire   avec une   cadence   majeure, avec la succession de groupes syntaxiques de plus en   plus  longs ( 6/ 8 / 11).

 De plus,  le lexique d épr éciatif  «    vos amas d’arguments, ressassent   depuis   des   si ècles   »   ainsi   que   «   outrage,   absurdit é  ,attentat   »   confirment   le   jugement   de   l’auteur  et   la   vis ée   persuasive   de   ce   passage.

  De  surcro ît,  les  figures  d’insistance  avec   la   r épétition   de   «   c’est   une   ,   c’est   un   ,   c’est   un   «     inscrit   le   propos   dans   cette   strat égie   qui   s’appuie sur le destinataire. Celui –ci  , d’ailleurs, adh èrera  aux paroles de son jeune ami. La   derni ère phrase de l’extrait corrobore cette id ée   : «   Tout ce que disait…faisait une impression   profonde sur l’esprit du vieux savant   » .

  L’adverbe   «   tout   » ainsi  que   l’adjectif   «   profonde   »   renforcent cette analyse.  Pour finir, on rep ère la forte pr ésence du locuteur par l’utilisation du   pronom   personnel   «   je   »   et   du   modalisateur   de   doute   «   sans   doute   »,   qui   montre   son   engagement.. »

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