LECTURE ANALYTIQUE DOM JUAN, MOLIÈRE, ACTE V - SCÈNE 5 ET 6
Publié le 22/12/2012
Extrait du document
pourquoi ne ferait-il ici aucun commentaire et n'aurait-il aucune réaction face aux flammes qui embrasent
DJ? Cela n'est pas cohérent avec le reste de la pièce et avec le caractère du valet.
-De plus, Sga est-il si indifférent au sort de DJ? Il dit être la seule personne malheureuse de la perte de
DJ et nous comprenons, au premier abord, que sa tristesse vient du fait qu'il ne pourra récupérer ses
gages. Mais sa tristesse ne vient-elle pas aussi du fait qu'il vient de perdre son maître qu'il admirait
malgré tout et dont il ne peut finalement se passer? Il reste toujours fidèle à son maître alors qu'il pourrait
en changer et il admire la capacité discursive, la virtuosité verbale de son maître: il veut sans cesse
rivaliser avec lui et souligne bien qu'il a besoin de l'opposition de son maître pour briller (acteIII, sc1).
Sa solitude sur scène symboliserait désormais sa solitude existentielle.
C/. DJ est-il vaincu par Dieu malgré lui ou a-t-il choisi sa fin?
*DJ ne choisit-il pas sa mort? N'est-ce pas une sorte de suicide?
D'une part, DJ suit la ligne de conduite qu'il a toujours eue: il refuse de croire en Dieu et se place dans
une attitude de défi. Mais, d'autre part, il respecte, pour la première fois la parole donnée : la statue dit
« vous m 'avez hier donné parole de venir manger avec moi « et DJ, abandonnant la négation,
répond « oui «. Puis, DJ tend la main: ce geste est symbolique, il montre que l'on respecte sa promesse.
Cela n'est pas habituel; DJ nous avait en effet habitué à s'enfuir une fois le mariage conclu et donc à ne
pas respecter sa parole.
«
libertins ne font jamais une bonne fin »., Elvire I3 « sache que ton crime ne demeurera pas impuni et que
le même Ciel dont tu te joues me saura
venger de ta perfidie », Sga III1, IV1 (après le mouvement de la statue « je ne doute point que le Ciel,
scandalisé de votre vie, n'ait produit ce miracle pour vous convaincre, et pour vous retirer de...
» Elvire
IV6 « vos offenses ont épuisé sa miséricorde, que sa colère est prête de tomber sur vous » Sga V4 « je
crois que le Ciel qui vous a souffert jusques ici, ne pourra souffrir du tout cette dernière horreur ».
=>La vengeance divine, sans cesse rappelée va effectivement se produire à la fin de la pièce: DJ ne peut
échapper à son destin.
Nous savons dès le début que DJ court inéluctablement à sa perte, que le Ciel ne
le laissera pas se comporter d'une façon si immorale.
-La terreur: DJ semble ne pas en éprouver et le dit « rien n'est capable de m'imprimer de la terreur ».
En
revanche, Sga a peur, ses interjections nous le prouvent: « ah!monsieur »x2 + « ô ciel! ».
Le spectateur
doit lui -même être terrifié grâce à la machinerie, aux bruits qui permettent la mort de DJ.
B/.
Deux manifestations merveilleuses et porteuses de tragique
*L'arrivée du spectre : l'ultime avertissement, l'ultime chance de rachat
Le spectre voilé redouble la visite d'Elvire en IV,6 : avec la didascalie interne de Ragotin « voici une dame
voilée », nous pouvons ainsi établir un double parallèle entre Elvire et le spectre: tous deux sont voilés et
demandent
à DJ de se repentir.
Le message du spectre est un des moyens d'accès à la voix de Dieu sous la forme d'une menace et
d'une prophétie (1ère réplique).
La statue offre, pour la dernière fois, la possibilité à DJ de se racheter,
d'obtenir la « miséricorde du Ciel ».
La miséricorde divine est la pitié par laquelle Dieu pardonne au
coupable: ce dernier doit reconnaître ses erreurs et se repentir, ce que ne fait pas DJ.
Le spectre se métamorphose (nous le savons grâce à la didascalie externe) en Temps avec sa faux
après que DJ a refusé de s'amender.
Pourquoi cette transformation en allégorie du Temps? Dom Juan a
sans cesse méprisé le Temps.
Il est homme du présent, du plaisir le plus immédiatement ressenti: il
ignore le passé (il oublie ses victimes et ne regrette rien) ainsi que le futur (il ne cherche pas à sauver son
âme).
Il se veut maître du temps, et même au-dessus du temps: il refuse sa condition humaine et rivalise
avec Dieu, seul maître du temps.
Le Temps avec sa faux est le symbole de la mort: cette allégorie vient donc annoncer à DJ sa mort
prochaine.
Mais encore une fois, il défie Dieu, il le brave physiquement: il oppose en vain son épée de
mortel à la faux indestructible du Temps.
* La statue: l'incarnation du châtiment divin
La statue du Commandeur revêt une importance capitale ds DJ.
Tout d'abord, elle est implicitement
présente ds le sous-titre de la pièce: DJ ou le Festin de Pierre (Pierre désignant cette statue/ erreur de
traduction du titre de Tirso de Molina « convidado de piedra » qui signifiait « l'invité de pierre » et non le
« festin »).
Ensuite, le commandeur apparaît ds les propos de Sga dès la sc2 de l'acte I, càd ds la
première scène où l'on voit DJ (la sc1 ne nous présente que Sga et Gusman).
Sga souligne que la mort
de cet homme devrait être source de crainte pour DJ ( « Et n'y craignez-vous rien, Monsieur, de la mort
de ce Commandeur que vous tuâtes il y a six mois? »).
Puis la statue apparaît ds acte III, IV et V.
Contrairement au spectre qui n'a fait qu'une apparition fugace et qui est immatériel, la statue est faite de
pierre ce qui souligne sa rigidité et son caractère inébranlable; la représentation du divin est cette fois-ci
bien concrète: DJ peut voir, reconnaître et toucher la statue, ce qu'il ne pouvait faire avec le spectre.
Cette fermeté du matériau se retrouve également dans les propos de la statue.
Elle est très autoritaire et
stoppe DJ dans son élan.
Alors que ce dernier demande à Sga de partir avec lui à la fin de la sc5
(« allons, suis-moi »), la statue lui donne un ordre à l'impératif: « arrêtez ».
Ce premier mot de la scène
finale de la pièce est significatif: la statue arrête DJ physiquement mais aussi et surtout.
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