Lecture Analytique: Barbara, Jacques Prévert
Publié le 04/11/2012
Extrait du document
«
Ces deux amoureux incarnent donc, de façon à la fois simple et path étique, la
beaut
é et la fragilit é du bonheur humain menac é par la guerre .
C.
Un souvenir comme une incarnation
Motif du souvenir avec les deux imp
ératifs, « Rappelletoi » et «N’oublie pas»
, qui forment une sorte d’invocation , de litanie, comme si le souvenir heureux
pouvait
être un moyen de se pr émunir contre l’horreur du pr ésent de la
d
évastation, comme si l’amour pouvait lutter contre la guerre et la s éparation
des amants.
2.
UNE GUERRE DESTRUCTRICE
A.
Plan du texte
Le po
ème est s épar é en deux grandes parties , et le tournant est soulign é
par la double exclamation « Oh Barbara / Quelle connerie la guerre ».
Cette rupture est rendue frappante par le changement brutal du refrain qui
devient presque un cri et l’irruption d’un mot extr
êmement familier.
Le texte joue sur l’effet de surprise qui cr
ée un contraste avec le climat
amoureux et nostalgique du d
ébut : rien ne nous pr éparait à passer du lyrisme
amoureux
à cette d énonciation violente de la guerre ; le po ème est violemment
bris
é, comme la ville de Brest.
Cette rupture s’appuie aussi sur la temporalit
é , opposant fortement « ce
jourl
à» et « maintenant » : « ce jourl à » : pass é heureux, jour du
bombardement et pr
ésent qui rend compte du desarroi et r évolte du po ète.
La construction du po
ème exprime donc avec force la d énonciation de
la guerre en opposant brutalement le souvenir heureux au pr
ésent de
la d
évastation.
B.
L ’inversion des motifs
• Le motif de la pluie parcourt tout le po
ème et en soutient la d énonciation :
Pr
évert renverse d’abord le clich é en associant la pluie au bonheur et à la
rencontre amoureuse ,gage de stabilit
é avec les parall élismes et anaphores
( «Cette pluie », « heureux » /« heureuse », « Sur » ).
Mais apr
ès la rupture brutale le motif se retourne pour devenir « cette pluie de
fer ».
Le motif se transforme encore dans la derni
ère partie « pluie de deuil
terrible et d
ésol ée » : la pluie retrouve sa connotation habituelle de m élancolie
et de tristesse, plus d
ésesp érée et morbide « cr èvent » et « vont pourrir » . Ce
n’est plus l’orage violent mais la d
évastation, la mort lente dans la
pourriture.
• Le dernier motif : la ville de Brest , ce nom propre fait
écho à celui de
Barbara et
évoque la deuxi ème victime de la guerre : comme la jeune fi lle,
Brest
était, avant, une « ville heureuse » qui maintenant est « ab îmé[e] ».
Le dernier vers sonne de fa
çon terrible en se terminant sur le mot « rien »
qui semble annuler tout l’effort du po
ème le souvenir m ême de Brest
semble avoir
été effac é.
C.
L’émotion du poète
Ce po
ème frappe le lecteur par la pr ésence de la destinataire , Barbara.
Pr
évert choisit de l’incarner dans cette jeune fille à qui il s’adresse
directement . Il cr
ée ainsi une proximit é et une complicit é émouvantes avec
elle, soulign
ées par une sorte d’effet de dialogue dans les imp ératifs, par le
tutoiement et les parallelismes.
M
ême le jeune homme inconnu est dot é de pr ésence par le cri qu’il pousse
au discours direct « Barbara ».
T oute é
nonciation directe dispara ît dans la derni ère : la pr ésence humaine
a
été an éantie par la guerre, que l’expression des sentiments est devenue
impossible..
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