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L'écrivain Michel Leiris, dans la préface de son autobiographie L'Âge d'homme, écrit qu'il essaie de trouver dans le lecteur « moins un juge qu'un complice». Pensez-vous que Rousseau cherche à établir, dans les quatre premiers livres des Confessions, le même type de relation avec son lecteur ?

Publié le 09/11/2010

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leiris

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« tout cas ce type de rapports que voudrait créer l'écrivain : « À mesure qu'avançant dans ma vie le lecteurprendra connaissance de mon humeur, il sentira tout cela sans que je m'appesantisse à le lui dire.» Enfin, ce lecteur se sentira forcément complice parce que c'est une image de ses propres défauts qu'ildécouvre dans le texte, et excuser l'auteur, c'est un peu s'excuser soi-même.

Dans combien de petitsmensonges évoqués par Rousseau, d'omissions, se reconnaîtra-t-il ? En ne laissant rien passer de ce qu'il fut,l'écrivain donne la possibilité à son lecteur de se reconnaître au moins une fois, ne serait-ce que parce qu'il apeut-être été lui aussi un jour victime d'une injustice.

Lecteur et auteur développent donc une complicitémutuelle.

Malgré cela, c'est en définitive d'un juge que Rousseau a besoin. [Le besoin d'être jugé] Il semble en effet ressentir le besoin d'exacerber sa culpabilité.

Il se livre alors à un auto-accablement, dans lebut d'être finalement absous. Si l'on examine attentivement les quatre premiers livres des Confessions, on observe un continuel mouvement de balance entre la culpabilité et la justification, la souffrance éprouvée par celui qui se sent coupable, et les excuses qu'on peut lui trouver.

C'est ainsiqu'il emploie un vocabulaire particulièrement fort, empreint d'une certaine violence, pour évoquer les actions enverslesquelles il éprouve ce sentiment de culpabilité.

Les fautes qu'il commet sont décrites à l'aide d'expressionshyperboliques telles que « crime », « les goûts les plus vils », « l'insupportable poids des remords », « noirceurs », «criminelles »... S'il s'accable ainsi, c'est parce que Rousseau, épris de justice et d'un idéal de pureté, veut se montrer tel qu'il estdevant son juge, et accepter le verdict final.

Dès la première page, il met en scène le « souverain juge » dont seull'avis compte, à l'exclusion de tout autre.

Et à propos de ses semblables, il formule le souhait que « chacun d'euxdécouvre à son tour son coeur aux pieds de [son] trône avec la même sincérité; et puis qu'un seul [...] dise, s'ill'ose : Je fus meilleur que cet homme-là.» C'est donc en tant que complice que le lecteur doit être juge, juge de la sincérité de l'écrivain.

Quelles vont être les réactions de ce juge ? Si les premiers lecteurs se montrèrent assezsévères et manifestèrent, à la lecture de la fameuse fessée infligée par Mlle Lambercier, un profond sentimentd'incompréhension, ce « premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de [ses] confessions », ilservit ensuite à l'étude psychanalytique du comportement.

Le lecteur du XXe siècle y voit la raison de ce curieuxrapport aux femmes qui semble ne jamais aboutir, dans la période de la jeunesse en tout cas.

Le lecteur luireconnaîtra en tout cas la qualité d'avoir voulu tout dire, même ce qui est le plus difficile à avouer.

Rousseau paraîtdu moins ne pouvoir se passer de ce regard de juge dans les Confessions et y fait souvent appel : « qu'on juge...

» est une tournure récurrente de l'oeuvre. [Conclusion] Si Rousseau recherche une oreille complaisante à ses malheurs, s'il tente de rendre le lecteur complice de sadestinée, ce qu'il demande avant tout, c'est d'être lu avec objectivité, et jugé comme il mérite de l'être, au moyen de la mise à nu et de la sincérité totale à laquelle il se livre.

Il cherche à tout dire, dans les moindres détails, aurisque d'ennuyer le lec-teur.

Celui-ci, au moins, ne pourra pas lui reprocher d'avoir voulu se dissimuler ! Et même s'iln'est pas d'accord avec tout ce qu'il a pu entre-prendre au cours de sa vie, il lui faudra reconnaître son honnêteté.. »

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