L'écriture ou la vie de Korge Senprum
Publié le 29/11/2012
Extrait du document
«
copain juif.
J'en avais eu dans ma vie de cette époque-là, je voulais en avoir aussi dans ce roman.
D'ailleurs, les
raisons de cette invention de Hans, mon copain juif de fiction qui incarnait mes copains juifs réels, sont
suggérées dans L'évanouissement.
(EV54).'
Ainsi, dans L'écriture ou la vie, une distinction est établie explicitement entre le personnage réel, celui qui était
là pour de vrai, et le personnage de fiction qui, pour une série de raisons spécifiques, est venu le remplacer
dans L'évanouissement.
Cette explication justifie, selon le narrateur, d'avoir écrit la scène une seconde fois :
'pour rectifier la première version de cette histoire, qui n'était pas tout à fait véridique.
C'est-à-dire, tout est vrai
dans cette histoire, y compris dans sa première version, celle de L'évanouissement.
La rivière est vraie,
Semur-en-Auxois n'est pas une ville que j'aie inventé, l'Allemand a bien chanté La Paloma, nous l'avons bien
abattu.
(EV53)'
Tout est donc vrai, à l'exception de l'identité du personnage qui accompagne le narrateur : cela suffit à rendre la
première version de l'histoire « pas tout à fait véridique ».
Pourtant, une page et demi plus loin, les statuts
respectifs de Julien et de Hans maintenant clarifiés, le narrateur conclut : « Voilà la vérité rétablie : la vérité
totale de ce récit qui était déjà véridique. » (EV55)
Si la distinction entre vrai (qui a tous les attributs de la vérité)et véridique (qui a le caractère de la vérité sans en
avoir tous les attributs) ne pose pas de problème, Semprun semble hésiter quant au statut de sa première
version.
La « vérité totale » du récit était en effet affectée par la substitution des personnages : mais enfin ce
récit était-il « déjà véridique » ou « pas tout à fait ? » Si l'invention de Hans était significative, avait du sens par
rapport à la situation historique et au propos du récit (sens dont je parlerai dans un instant), en quoi n'est-elle
d'abord « pas tout à fait véridique » (EV53), puis « déjà véridique » (EV55) ?
Entre temps, le narrateur a expliqué le statut de Hans, mais il a aussi parlé de Julien :
'Julien était mon copain de randonnée dans les maquis de la région, où nous distribuions les armes
parachutées pour le compte de « Jean-Marie Action », le réseau d'Henri Frager pour lequel je travaillais.
Julien
conduisait les tractions avant et les motocyclettes à tombeau ouvert sur les routes de l'Yonne et de la Côté
d'Or, et c'était une joie de partager avec lui l'émotion des courses nocturnes.
Avec Julien, on faisait tourner en.
»
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