LEBRUN-PINDARE, surnom de Ponce Denis Écouchard-Lebrun : sa vie et son oeuvre
Publié le 14/01/2019
Extrait du document
«
Ce
violent engagement ne l'empêche pas de se rallier à
Bonaparte, qui lui accorde une forte pension.
Il meurt en
1807, et ses œuvres, qu'il avait négligé de réunir, sont
éditées en 181 1 par son ami Ginguené.
La voix lyrique
Les traverses et les palinodies de la vie, les faiblesses
de la conduite publique et privée font ressortir la seule
et inflexible constance de cet homme sans convictions,
sans idées, sans principes : la poésie, où se concentrent
grandeur, imagination, fermeté si cruellement absentes
par ailleurs.
Ses odes se caractérisent par un souffle fié
vreux, la noblesse soutenue du vocabulaire, une hauteur
aride, sans grâce ni concession au pittoresque, des ruptu
res vives et abruptes : à ce «grand style)> s'opposent
l'abondance plus facile de Jean-Baptiste Rousseau et
l'harmonie imitative plus diffuse du poème didactique et
descriptif.
Lebrun protégea les débuts littéraires d'André
Chénier, amant passionné de l'antique : mais sa manière
raide, sans abondance, qui privilégie les lois formelles et
métriques, l'égalité de tessiture, aux dépens de la puis
sance évocatoire de m9ts, est aux antipodes de la noncha
lance charmeuse des Elégies.
Tl lui faut la compagnie des
grands hommes, le choc des événements glorieux, la
solennité des fêtes publiques; ainsi célè�re-t-il, en des
vers au timbre sonore, le Buffon des Epoques de la
nature :
Au sein de l'Infini ton âme s'est la n cée;
Tu peuplas ses déserts de ta vaste pensée.
La Nature, avec toi, fit se pt pas écla ta nts;
Et, de son regne immense embrassant tout l'espace,
Ton immuable audace
A posé sept flambeaux sur la route des Tem ps .
La véhémence satirique
A l'admiration et à l'élévation tendues qui signalent
les odes correspond 1' âpreté concise et violente des vers
satiriques semés contre les ennemis, les amis, les parents
ou les maîtres : versant complémentaire du talent de
Lebrun, non plus compensateur, comme le lyrisme, mais
serviteur des vivacités ou des bassesses du caractère.
Une strophe d'une prophétique énergie réclame, en 1793,
la violation de:> sépulcres royaux :
Purgeons le sol des patrio tes,
Par les rois encore infecté :
La terre de la lib erté
Rejette les os des despotes.
De ces monstres divinisés
Que tous les cercueils soient brisés!
Que leur mém oire so it flé trie!
Et qu'avec leurs crânes errants
Sortent du sein de la pat rie
Les cadavres de ces tyrans .
Le Tyrtée qui précède et attise les passions populaires
ou les haines politiques est aussi un Archiloque dont
les flèches épigrammatiques fusent en traits serrés et
mordants.
La Harpe, « qui venait de parler du grand
Corneille avec irrévérence », s'attire un dizain vengeur :
Ce petit hon me, à son petit compas,
Veut sans pude ur asservir le génie;
Au bas du Pinde, il trotte à petits pas,
Et croit franchir les sommets d'Aonie.
Au grand Corneille, il a fait avanie;
Mais, à vrai dire, on riait aux éclats
De voir ce nain mesurer un Atlas;
Et redoublant ses eff or ts de Pygmée,
Bu rlesqueme nt roidir ses petits bras
Pour étoffer si haute renommée.
Ainsi, au cœur même des passions littéraires et des
querelles d'écrivain, une amère sévérité s'éclaire et se
relève du respect grave dû au génie.
Cela distingue le
vrai poète et traverse toute l'œuvre de Lebrun : une telle conscience
de la grandeur anime d'une fière aspiration
les strophes trop correctes des odes et les acerbes diatri
bes de la satire.
BIBLIOGRAPHlE Quelques textes dans Jean Roudaut, Poètes et grammairiens
au xvut siècle, Gallimard, 1971, p.
65-76.
A consu lt e r : Sainte
Beuve, Œuvres.
Par is , Gallimard, La Pléiade, 1956-1960, p.
786-
798, Portraits littéraires.
article de 1829 et Causeries du Lundi,
Paris, Garnier; 1857-1870, p_.
145-157, artic le de 1851; G.
de
Piaggi, «les Epigrammes d'Ecouchard-Lebrun >>, Annales de la
jac.
des lettres d'Aix , 1966; F.
Sc arfe , « Lebrun-Pindare >>, XVII/th
Century French Studies, New castl e , Oriel Press, 196 9.
O.
MADELÉNAT.
»
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