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Le vent - Oscar Venceslas DE LUBICZ MILOSZ, Les Eléments.

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Je suis le vent joyeux, le rapide fantôme Au visage de sable, au manteau de soleil. Quelquefois je m'ennuie en mon lointain royaume ; Alors je vais frôler du bout de mon orteil Le maussade océan plongé dans le sommeil. Le vieillard aussitôt se réveille et s'étire Et maudit sourdement le moqueur éternel L'insoucieux passant qui lui souffle son rire Dans ses yeux obscurcis par les larmes de sel. A me voir si pressé, l'on me croirait mortel : Je déchaîne les flots et je plonge ma tête Chaude encor de soleil dans le sombre élément Et j'enlace en riant ma fille la tempête ; Puis je fuis. L'eau soupire avec étonnement : — C'était un rêve, hélas ! — Non, c'était moi, le Vent ! Ici le golfe invite et cependant je passe ; Là-bas la grotte implore et je fuis son repos ; Mais, poète ! comment ne pas aimer l'espace, L'inlassable fuyard qu'on ne voit que de dos Et qui fait écumer nos sauvages chevaux ! H n'est rien ici-bas qui vaille qu'on s'arrête Et c'est pourquoi je suis le vent dans les déserts Et le vent dans ton cœur et le vent dans ta tête ; Sens-tu comme je cours dans le bruit de tes vers Emportant tes désirs et tes regrets amers ?    Oscar Venceslas DE LUBICZ MILOSZ, Les Eléments.   

« éternel», car il ne cesse ses facéties (notion d'éternel recommencement naturel).

Il sait avant tout « rire », car il est « insoucieux », lui qui vit dans une sorte d'univers de la non-durée, où il n'y ani au-delà, ni au-deçà. Ses comportements sont la manifestation de ces traits de caractère : — il ne peut rester en place et s'« ennuie dans [son] lointain royaume » ; — il se livre à toutes sortes de jeux avec cet autre élément premier : l'eau, tantôt «frôl[ant]», tantôt «déchaîn[ant], tantôt y « plonge[ant] [la] tête » ; — il accomplit même des plaisanteries un peu douteuses, du moins très familières, quand il «enlace en riant [sa] fillela tempête». Ce ne sont pas d'ailleurs ces images elliptiques de Baudelaire — pourtant son grand modèle à l'époque —, dont « lepouvoir suggestif réside dans la densité » ; Milosz, lui, se laisse un peu aller, comme le vent se déroule à travers desalexandrins ici assez hugoliens. Les images sont simples, mais chaudes : — « au visage de sable » ; — « au manteau de soleil» ; empruntées aux matières terrestres ou naturelles, pour mieux camper le personnage-vent. — ou : « ses yeux obscurcis par les larmes de sel », pour peindre l'océan. Car en même temps qu'il présente le vent, c'est la nature environnante qui est décrite : — « golfe » et « grotte » dont les « invite[s] » à venir se « repos[er] » en eux traduisent la beauté et la fascination(maléfique pour qui veut les quitter ?) de leurs profondeurs et le charme de leurs secrets ; — «l'eau» surtout qui entretient avec ce «passant» moqueur un exquis dialogue condensé en un vers : « C'était un rêve,/hélas !//— Non,/c'était moi,/ le vent ! » 3 2 13 2 L'alexandrin est aussi «désarticulé» que l'avait réclamé Hugo, traduisant dans la douceur du rythme pair, au 1erhémistiche, la caresse passagère du vent sur l'eau, puis dans le 2e, à la cadence basée sur l'impair, les mouvementssémillants du coquin qui ne sait demeurer en place. Ce sont des scènes familières en effet qui se passent chez ces grandes forces naturelles ainsi humanisées : lesommeil de l'océan, son réveil, ses gestes : « il s'étire », le plongeon du vent, comme celui d'un gamin qui...«plonge[sa] tête chaude encor de soleil...

dans l'eau fraîche».

Noter l'enjambement et la suppression digne de lamétrique la plus classique du e de «encor». D'ailleurs un vers, qui constitue une sorte de parenthèse, précise l'assimilation : «...

l'on me croirait mortel».

Leconditionnel et quelques touches au passage, comme «mon lointain royaume», marquent bien cependant qu'il estd'un autre monde, celui de «toute cette belle mobilité, depuis le nuage et la rivière, le vent et la brume jusqu'àl'oiseau de la vieille allée et la fourmi dans le gazon...

» (Les Arcanes). IIe partie : le symbole : le poète, le souffle poétique. Ainsi chez Milosz, toujours «une jubilation inférieure face au mouvement éternel du monde». C'est lui qu'il désirera sa vie entière, dont il veut réaliser l'appréhension globale. S'avançant vers la vie, il tente ainsi par son propre mouvement en communion avec le mouvement de l'univers,d'atteindre l'essence de cette vie «refermée sur les obscurs secrets volés à un autre monde». Milosz aime depuis l'enfance l'univers total : le « clair soleil», «la vieille lune», «le vent à la voix d'enfant malade». Avant la grande illumination après laquelle il se donnera entier à sa foi, celle du «soleil spirituel» (1914), c'est parune sorte d'assimilation initiatique avec les forces du monde qu'il tente d'abord de chasser ses angoisses.

Le vent s'adresse à lui : «Mais, poète...

». »

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