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Le vent froid de la nuit Julien Gracq

Publié le 24/03/2011

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Le vent froid de la nuit Je l'attendais le soir dans les pavillons de chasse près de la Rivière Morte. Les sapins dans le vent hasardeux de la nuit secouaient des froissements de suaire et des craquements d'incendie. La nuit noire était doublée de gel, comme le satin blanc sous un habit de soirée, — au-dehors, — des mains frisées couraient de toutes parts sur la neige. Les murs étaient de grands rideaux sombres, et sur les steppes de neige des nappes blanches, à perte de vue, comme des feux se décollent des étangs gelés, se levait la lumière mystique des bougies. J'étais le roi d'un peuple de forêts bleues, comme un pèlerinage avec ses bannières se range immobile sur les bords d'un lac de glace. Au plafond de la caverne bougeait par instants, immobile comme la moire d'une étoffe, le cyclone des pensées noires. En habit de soirée, accoudé à la cheminée et maniant un revolver dans un geste de théâtre, j'interrogeais par désœuvrement l'eau verte et dormante de ces glace très anciennes ; une rafale plus forte parfois l'embuait d'une sueur fine comme celle des carafes, mais j'émergeais de nouveau, spectral et fixe, comme un marié sur la plaque du photographe qui se dégage des remous de plantes vertes. Ah ! les heures creuses de la nuit, pareilles à un qui voyage sur les os légers et pneumatiques d'un rapide, — mais soudain elle était là, assise toute droite dans ses longues étoffes blanches. Julien Gracq, Liberté grande.  

Vous présenterez un commentaire organisé de ce texte en vous gardant d'en faire une étude juxtalinéaire : vous pourriez par exemple étudier comment les éléments du décor contribuent à créer une atmosphère que vous essaierez de définir. COMMENTAIRE COMPOSÉ. Premières approches. Erreurs à éviter. • Ne pas chercher à « traduire « les obscurités, à inventer des réponses aux questions que le texte pose volontairement, puisque le texte se présente avec des obscurités ; c'est le texte tel qu'il est qu'on vous demande d'observer, et non ce que les candidats désignent parfois par la périphrase, nécessairement fausse : « ce que le texte veut dire « (s'il voulait le dire, il le dirait).   

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« — « Doublée de gel comme...

habit de soirée.

» — « Un peuple de forêts.

» — « Veau verte et dormante », image pour un miroir d'intérieur humain, (ou objets/êtres animés : les os d'un rapide,la sueur sur un miroir). • Nature/narrateur. — La nuit noire doublée de gel, comme en habit de soirée, annonce l'apparition du narrateur en habit de soirée. — Le vent hasardeux annonce « le cyclone des pensées » et la nuit sinistre annonce les « pensées noires ». — La Rivière Morte annonce le revolver et l'apparition « spectrale » du narrateur. • Le jeu des innombrables comparaisons et métaphores fait qu'on ne sait plus quel est l'objet du discours et qu'on nesait plus où on est : dedans ou dehors, dans l'esprit du narrateur ou dans le monde extérieur : — Mais aussi créateur d'un monde où les comparaisons sont empruntées, non à une réalité, mais à son propreimaginaire (difficulté des images : « comme un pèlerinage...

» et « les heures [...] pareilles à un qui voyage »), cecipeut-être parce qu'il a su capter la lumière « mystique » des bougies — mystique, c'est-à-dire qui peut faire entreren contact direct avec ce qui dépasse l'humanité. III...

Mais qui ne constitue pas une victoire. • Impression de malaise dans tout le texte. — « Mains frisées » : signification de l'expression ? En tout cas, dans cette obscurité même, impression denervosité, de frisson à fleur de peau.

Et à qui appartiennent ces mains ? Ici fantastique qui peut faire penser àEdgar Poe. — Les feux « se décollent » des étangs gelés : image gluante appliquée à feu et glace blanche qui pourraient l'un etl'autre être symboles de pureté (pourrait faire penser à La Nausée de Sartre) — « sueur » sur le miroir. • Présence de la mort. Suaire, craquements; immobilité omniprésente, y compris dans les images de glace — et miroirs ; revolver, spectral ;Rivière Morte. • Humour grinçant qui rend ridicule le narrateur, dans un contexte où pourtant on le sent menacé : — ridicule du « geste de théâtre » d'un personnage qui se prend au sérieux (prend des poses démodées de monsieurimportant « accoudé à la cheminée), — ridicule de la photo de marié sur fond de plantes vertes (plantes vertes dérisoires pour qui s'est imaginé roi deforêts, d'autant qu'il s'agit de plantes vertes de photographe, à la légendaire laideur artificielle...) — humour quelquepeu proustien.

— impression de maladresse complétée par la maladresse volontaire de la phrase : « pareilles à un quivoyage » — procédé qui rappelle Verlaine, d'autant plus remarquable que le reste du texte est d'un style trèslittéraire (place des mots recherchée, lenteur). • Ambiguïté inquiétante de la présence de celle qui faisait l'objet de l'attente.

On pourrait croire que sa présence, répondant à l'attente, représente une victoire : je l'attendais, mais elle était làdonc je n'avais plus à l'attendre. Mais on peut comprendre aussi : j'étais puisssant et heureux (le roi, victorieux de la mort, etc.) parce que jel'attendais, mais elle était là : le rêve, en prenant forme, pourtant très belle, s'écroule. De plus « soudain » elle était là : miraculeux, mais inquiétant ; on ne l'a pas vue arriver ; était-elle déjà là,spectatrice de toute la comédie, geste de théâtre, maladresse (« pareilles à un qui »). Enfin qui est-elle ? « toute droite » comme un justicier ? comme la mort? (« dans ses longues étoffes »).

Peuimporte d'ailleurs, car même si c'est la femme aimée, sa présence comblera le narrateur beaucoup moins quel'attente (voir La Presqu'île) : fin très abrupte après une longue préparation, qui est le seul moment important.. »

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