Le vampire: Baudelaire, « Spleen et Idéal » cycle Jeanne Duval, Les Fleurs du Mal.
Publié le 11/04/2024
Extrait du document
«
1 Toi qui, comme un coup de couteau,
2 Dans mon coeur plaintif es entrée ;
3 Toi qui, forte comme un troupeau
4 De démons, vins, folle et parée1,
5 De mon esprit humilié
6 Faire ton lit et ton domaine ;
7 - Infâme à qui je suis lié
8 Comme le forçat à la chaîne,
9 Comme au jeu le joueur têtu,
10 Comme à la bouteille l'ivrogne,
11 Comme aux vermines la charogne,
12 - Maudite, maudite sois-tu !
13 J'ai prié le glaive rapide
14 De conquérir ma liberté,
15 Et j'ai dit au poison perfide2
16 De secourir ma lâcheté.
17 Hélas ! le poison et le glaive
18 M'ont pris en dédain et m'ont dit :
19 « Tu n'es pas digne qu'on t'enlève
20 A ton esclavage maudit,
21 Imbécile ! - de son empire
22 Si nos efforts te délivraient,
23 Tes baisers ressusciteraient
24 Le cadavre de ton vampire ! »
Baudelaire, « Spleen et Idéal » cycle Jeanne Duval, Les Fleurs du Mal.
1
2
Ornée, embellie.
Dangereux, nuisible sans qu'il y paraisse.
1
2
Question N°1 : La structure du poème et le développement du thème au fil des strophes.
(30
points)
a) Comment la femme est-elle représentée dans ce poème ? (6pts)
Tout au long du poème, la femme est représentée comme une créature vampirique.
De nombreux termes péjoratifs sont employés pour qualifier la femme : « démons », « folle et parée »
(v.
3-4), « infâme » (v.
7), « maudite » (v.
12), « vermines » (v.
11), « vampire » (v.
24).
La comparaison hyperbolique : « forte comme un troupeau de démons » (v.
3-4) fait apparaître la femme
comme un monstre redoutable, une créature inhumaine.
Cette impression est amplifiée par le terme « infâme » au v.7, que l’on pourrait voir comme un jeu de
mot à partir de l’homophonie entre « -fâme » et « femme ».
L’aimée devient alors une « in-femme », soit
littéralement une non-femme.
Cette femme-vampire est représentée comme un bourreau sans pitié.
Elle apparaît d’emblée comme
un agresseur : « Toi qui, comme un coup de couteau,/Dans mon cœur plaintif es entrée ; Toi qui, forte comme
un troupeau/De démons, vins, folle et parée » (v.
1 à 4).
La femme est enfin assimilée à des vices liberticides (le jeu, l’alcoolisme).
V.
4-5-6 : la femme entre dans
l’«esprit humilié» du poète, elle en prend la possession.
Transition …
b) Quelle valeur l’amour acquiert-il dès-lors ? (5pts)
Cet amour est une malédiction.
Il est empreint de mort Baudelaire utilise des mots faisant référence à la
mort, tels que «charogne» (v.
11) et «cadavre» (v.
24).
De plus, le poète emploie des expressions
d’«instruments» censés apporter la mort : le
«couteau», le «glaive» et le «poison» (ces deux
derniers sont répétés deux fois, d’où une insistance
certaine).
Ce poème donne au lecteur une vision
très sombre de l’amour : Baudelaire voit dans la
femme un être malsain, plein de vices et liberticide,
qui génère en lui un amour morbide et masochiste.
Ce poème peut, par certains aspects, être rapproché
du tableau d’Edvard Munch, intitulé lui aussi Le
Vampire.
Transition …
3
c) En quoi et pourquoi peut-on dire que le poète est impuissant et prisonnier de ses
sentiments ? (7pts)
La femme domine l’esprit du poète.
On remarque qu’elle est le plus souvent sujet des verbes, alors que le
poète est complément d’objet.
Cette construction grammaticale renforce l’impression que la femme agit sur
un poète impuissant.
D’autre part, la domination de la femme est soulignée par un bref champ lexical de la
propriété : « ton domaine » (v.
5-6), « son empire » (v.
21).
Le terme « empire » est mis en valeur en fin de vers
par un contre-rejet et un tiret, mais aussi par une inversion des termes dans la phrase.
En effet, le complément
d’objet précède le groupe sujet-verbe, ce qui attire l’attention : « Imbécile ! – de son empire/ Si nos efforts te
délivraient » (v.
21-22).
(Ce point sera repris dans la question 2.)
Face à la femme-vampire, le poète est impuissant.
Ainsi, le poète est associé à des adjectifs qui le
dévalorisent et soulignent sa faiblesse : « mon cœur plaintif » (v.
2), « mon esprit humilié » (v.
5), « ma lâcheté »
(v.
16), « Imbécile » (v.
21).
La passivité du poète est également marquée par l’emploi de verbes à l’infinitif :
« Faire ton lit et ton domaine » (v.
6), « De conquérir ma liberté » (v.
14), « De secourir ma lâcheté » (v.
16).
Pourtant, le poète essaie de lutter.
En effet, un champ lexical de la bataille et du combat est présent dans le
poème : « coup de couteau » (v.
1), « troupeau » (v.
3), « glaive » (v.
13), « conquérir » (v.
14), « secourir » (v.
16), « empire » (v.
21), « délivraient » (v.
22).
Le poète maudit espère retourner la malédiction contre son
amante, en formulant une injonction désespérée : « Maudite, maudite sois-tu ! » (v.
12).
Impuissant, il adresse
finalement une prière au glaive et au poison pour détruire la femme : « J’ai prié le glaive rapide/ De conquérir
ma liberté/ Et j’ai dit au poison perfide/ De secourir ma lâcheté » (v.
13-16).
Transition …
d) En quoi et pourquoi peut-on dire que les sentiments du poète sont ambigus ? (7pts)
Les sentiments du poète sont ambigus, ils mettent en évidence une relation de type sadomasochiste.
La
relation amoureuse provoque chez le poète une réaction ambivalente où la douleur se mêle au plaisir.
Il se fait
insulter d’«imbécile» au vers 21.
De plus, il est «lâche» (v.
16), il est «indigne» (v.
19), son «esprit est humilié»
(v.
5), et le «glaive» et le «poison» l’ont pris en «dédain» (v.
18).
Cette relation ambiguë et destructrice nous ramène à l‘image du vampire, créature séductrice qui
représente à la fois l’amour et la mort, se nourrissant du sang et de l’âme des mortels.
Le poète est surtout
tiraillé entre amour et haine.
On peut noter tout d’abord la présence d’un champ lexical de la relation amoureuse : « cœur » (v.
2),
« parée » (v.
4), « lit » (v.
6), « lié » (v.
7), « baisers » (v.
23).
De plus, on remarque que pour les strophes 3 et 6,
les rimes sont embrassées alors qu’elles sont croisées dans les autres strophes.
Ce parallélisme met en évidence
l’addiction du poète à cette relation destructrice.
4
Le sentiment de haine du poète est marqué par des termes péjoratifs forts, parfois violents et soulignés par
une ponctuation expressive : « comme un troupeau/De démons », « folle et parée » (v.
3-4), « infâme » (v.
7),
« Maudite, maudite sois-tu !« (v.
12), « le cadavre de ton vampire !« (v.
24).
Pourtant, pris dans un cercle vicieux, le poète ne peut vivre sans son amante.
C’est ce que lui rappellent de
façon dramatique le poison et le glaive : « Tes baisers ressusciteraient/Le cadavre de ton vampire ! » (v.
23-24).
La femme ne peut être combattue puisqu’elle est aimée par le poète qui ne peut se passer d’elle.
Transition …
e) Quel est le thème de ce poème ? (5pts)
« Le Vampire » est un poème extrait de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal.
Baudelaire y
présente une image sombre de la femme et de l’amour, sans doute inspiré par son amante Jeanne Duval avec
laquelle il entretient une relation tumultueuse.
Ainsi, dans ce poème dominé par le spleen, la femme apparaît
comme une créature vampirique face à laquelle le poète demeure impuissant.
Baudelaire fait appel à la symbolique du vampire pour représenter l’aspect maléfique et destructeur
de la femme.
Elle apparaît comme une créature pleine de vices, à l’origine de la souffrance et du spleen du
poète.
Celui-ci se représente en victime impuissante, bénissant et maudissant, aimant et haïssant tout à la fois
son bourreau, au sein d’une relation ambiguë et destructrice où s’unissent plaisir et douleur, amour et mort.
Cette relation ambivalente est également développée dans « Les Métamorphoses du vampire ».
Question N°2 : Faites l'étude stylistique, « versificative » et formelle du poème.
(15 points)
Vous analyserez ainsi : les apostrophes, les diérèses, les assonances, les allitérations, les figures de style, les
rimes, les enjambements… en en faisant une interprétation
Tout au long du poème, la femme est représentée comme une créature vampirique.
La comparaison
hyperbolique : « forte comme un troupeau de démons » (v.
3-4) fait apparaître la femme comme un monstre
redoutable, une créature inhumaine.
Cette femme vampire est un agresseur.
La reprise anaphorique de l’apostrophe : « Toi qui » (vers 1
et 3) renforce la violence de l’attaque.
Baudelaire suggère en effet que c’est la femme qui est venue à....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Etude linéaire - Spleen et Idéal, Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire
- Analyse "Spleen et Idéal" extrait de Les Fleurs du Mal de Baudelaire
- Moesta et Errabunda: Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,« Spleen et Idéal »,LXII
- Charles Baudelaire (1821-1867) « Les fleurs du mal » « Spleen et Idéal »
- Baudelaire, Les Fleurs du mal, section «Spleen et Idéal» «Le Serpent qui danse»