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Le traitement du temps dans Les Confessions de Rousseau

Publié le 23/06/2015

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temps

Des ruptures de rythme

La rupture de rythme la plus nette se produit entre les Livres et II. L'un parcourt seize ans et l'autre seulement neuf mois de la vie de Jean-Jacques ! Dans le Livre I, le narrateur escamote les années. La manière dont il condense ses souvenirs est inté­ressante. Ici, en effet, aller vite ne signifie pas résumer. Rousseau consent à sacrifier certains souvenirs pour s'attarder plus lon­guement sur d'autres :

Que n'osé-je t...1 raconter f...1 toutes les petites anecdotes de cet heureux âge I...1! Cinq ou six surtout... Composons. Je vous fais grâce des cinq; mais j'en veux une, une seule, pourvu qu'on me la laisse conter le plus longuement qu'il me sera possible, pour prolonger mon plaisir (L. I, p. 52).

Si le narrateur consent à élaguer, il ne renonce pas à « pro­longer son plaisir « : il ne veut pas passer trop vite sur certains instants.

La rnise en relief

des instants de bonheur

C'est sur les moments heureux que s'attarde le narrateur. C'est parce que l'histoire du noyer le fait encore « tressaillir d'aise « (ibid.) qu'il choisit de la raconter. De la même manière, il décrit dans le détail la plaisante journée passée à Toune avec Mlle Galley et Mlle de Graffenried. Il justifie encore la minutie de certaines évocations par un désir de restituer un souvenir heureux ou de livrer au lecteur une évocation complète : « Je sais bien que le lecteur n'a pas grand besoin de savoir tout cela, mais j'ai besoin, moi, de le lui dire « (ibid.). En revanche, il va très vite sur les périodes ternes de son existence. Le morne hiver 1730-1731 est ainsi escamoté : « Je ne saurai dire combien de temps je demeu­rai à Lausanne. Je n'apportai pas de cette ville des souvenirs bien rappelants « (L. IV, p. 205). Les « souvenirs bien rappelants « sont les souvenirs heureux.

 

Or Jean-Jacques n'éprouve jamais le bonheur que de manière fugitive. Les « tête-à-tête assez courts « avec Mlle Goton (L. I, p. 59) ne durent pas plus que les « courts moments « passés auprès de Mme Basile (L. Il, p. 112). Le triomphe, « court, mais délicieux «, auprès de Mlle de Breil (L. III, p. 138) n'a guère plus d'avenir que les « éphémères amours « de Toune (L. IV, p. 188).

temps

« où le narrateur écrit: «Voilà ce que j'ai fait.

ce que j'ai pensé(.

..

].

J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise.

Je n'ai rien tude mauvais, rien ajouté de bon» (L.

\,p.

33).

Le passé composé éta­ blit ainsi un lien entre les actions révolues et leur conséquence présente.

Le présent de narration Le présent de l'indicatif ne renvoie pas pour autant uniquement au moment où le narrateur âgé compose son œuvre.

Pour nous impliquer plus fortement dans certaines scènes- et parce qu'il les revit en les écrivant-, Rousseau use du présent de narration.

C'est-à-dire qu'il relate au présent de l'indicatif des scènes qui ont eu lieu il y a bien longtemps.

L'épisode de la correction injuste en est le premier exemple.

Le lecteur a l'impression que l'action se déroule sous ses yeux : « On m'interroge: je nie d'avoir tou­ ché le peigne.

M.

et Mlle Lambercier se réunissent, m' exhor­ tent, me pressent, me menacent; je persiste avec opiniâtreté » (ibid., p.

49).

La plupart des scènes importantes des premiers livres sont.

comme celle-là, au présent de narration.

C'est le cas de la ren­ contre avec Mme de Warens : « Elle prend en souriant la lettre que je lui présente d'une main tremblante,\' ouvre, jette un coup d'œil sur celle de M.

de Pontverre, revient à la mienne » (L.

Il, p.

84).

C'est le cas du passage consacré au ruban volé:« on lui montre le ruban, je la charge effrontément; elle reste interdite, se tait» (L.

Il, p.

125).

C'est encore le cas de l'idylle de Toune: «Je me retourne, on m'appel/epar mon nom, j'approche, je trouve deux jeunes personnes de ma connaissance >> (L.

IV, p.

183).

L'utilisation du présent est directement liée à l'importance de la scène.

Chaque fois qu'un souvenir est essentiel, le narra­ teur abandonne les temps du passé pour le présent de narration.

Il met ainsi sur le même plan les instants anciens et le moment actuel.

Le passé ressuscité recouvre l'instant présent.

39. »

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