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Le thème du bouc émissaire dans Oedipe Roi

Publié le 30/07/2014

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oedipe

On peut donc parler, comme le fait J.-P. Vernant, d'une« symétrie dupharmakos

et du roi légendaire«. Le premier étant le double inversé de l'autre, à la fois

choisi dans la lie de la cité et élevé pendant plusieurs mois à un rang d'exception,

entretenu et nourri à grands frais par l'État. Comme OEdipe, le pharmakos est responsable

du salut collectif, mis à part en raison de sa souillure mais en même temps

oedipe

« E X P 0 S É S F C H E S dans les pratiques et les rites athéniens du Ve siècle, soulignant ainsi combien l'intrigue d'Œdipe roi pouvait avoir de résonances pour le public de l'époque.

Il suggère donc de rapprocher le destin paradoxal d'Œdipe, innocent et coupable, du rite du pharmakos.

Montrant que celui-ci met en œuvre les mêmes ingrédients dra­ matiques (souillure et purification, élection et châtiment).

Le rite du pharmakos Il est annuel et se déroule à Athènes au premier jour de la fête des Thargélies, le 6 du mois de Thargélion.

Deux pharmakoi, l'un masculin, l'autre féminin, parcou­ rent les rues pendant qu'on les frappe sur le sexe avec des plantes, puis sont expul­ sés de la ville.

Le lendemain, jour consacré à Apollon, on offrait au dieu « les pré­ mices des fruits de la terre » sous forme du thargélos, galette et pot rempli de semences (Mythe et tragédie, p.119).

Cependant que lon accrochait I' eiresione, rameau entouré de laine, aux portes des maisons en signe de fécondité.

On le voit, ces deux volets du rite sont liés : le renouveau printanier et la fertilité de la terre exigent auparavant que toute souillure soit écartée.

C'est pourquoi lex­ pulsion des pharmakoi débute les Thargélies.

On retrouve dans la pièce plu­ sieurs détails qui renvoient explicitement à ce rituel : le rameau ceint de bande­ lettes que porte le cortège du prologue et rappelle l' eiresione, la référence au son des « péans mêlés aux pleurs et aux gémissements » et qui appartient lui aussi à ces fêtes printanières.

Enfin, Œdipe est décrit comme agos (souillure) qu'il faut expul­ ser, et se présente dès le début avec les mots mêmes qui suggèrent le bouc émis­ saire:« Je sais votre commune souffrance, et croyez bien que nul d'entre vous ne souffre autant que moi.

Alors que chacun n'est atteint que par sa propre douleur, mon cœur gémit tout ensemble sur la ville, sur moi, sur toi »(prologue).

Deux personnages symétriques On peut donc parler, comme le fait J.-P.

Vernant, d'une« symétrie dupharma­ kos et du roi légendaire».

Le premier étant le double inversé de l'autre, à la fois choisi dans la lie de la cité et élevé pendant plusieurs mois à un rang d'exception, entretenu et nourri à grands frais par l'État.

Comme Œdipe, le pharmakos est res­ ponsable du salut collectif, mis à part en raison de sa souillure mais en même temps moyen de la purification de la cité.

Grâce à lui, toutes les fautes de la communauté sont concentrées sur l'un de ses membres et liquidées à travers le rite d'expulsion.

Mais J.-P.

Vernant suggère encore, pour expliquer ce paradoxe d'Œdipe, turan­ nos et pharmakos, de relier la pièce à une autre pratique athénienne, politique celle­ là : celle de l'ostracisme.

Laquelle autorisait la cité à bannir pour dix ans tout ci­ toyen qui, par son élévation sociale, menaçait l'égalité entre ses membres.

Cette mesure avait été instituée justement pour éviter le retour de la tyrannie.

Or Œdipe, par ses exploits et son orgueil, n'est-il pas devenu isothéos, égal aux dieux, mettant par là même en danger l'équilibre de la cité ? Le personnage d'Œdipe renvoie donc à la fois au pharmakos et à lostracisme, pour s'être mis à la fois en deçà de l'humain et au-dessus.

Conclusion : Au-delà de rites circonstanciels, Œdipe incarne une figure universelle des sociétés, comme le montre R.

Girard dans La Violence et le sacré.

Déchirées par la violence qui les ronge et qui s'alimente au heurt incessant des désirs, les sociétés du sacré avaient institué, pour se prémunir de cette même violence, ce rite du bouc émissaire.

Si les sociétés modernes ont cessé d'officialiser de telles pratiques, elles n'ont pas renoncé dans la réa­ lité à y recourir sous une forme désacralisée et de façon plus ou moins latente.. »

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