Le thème des villes dans Une saison en enfer
Publié le 20/09/2018
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« Il faut être résolument moderne », écrit Arthur Rimbaud dans le dernier texte d’Une saison en enfer: « Adieu ». Cette formule, ce mot d’ordre, fait sans doute référence au Peintre de la vie moderne où Baudelaire affirmait la nécessité pour le poète de se tourner vers la modernité. Pour Baudelaire, la modernité résulte d’une innovation thématique, mais aussi d’une transformation de l’écriture poétique.
Il faut lire à ce propos la lettre de Baudelaire à A. Houssaye:
Quel est celui de nous, qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?
C’est de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant.
Les poèmes en prose consacrés dans les Illuminations au thème de la ville et inspirés peut-être par la fréquentation de Londres, semblent répondre aux vœux de Baudelaire. Ils s'inscrivent dans le mouvement poétique de l’absolue modernité.
« Ouvriers », « Les Ponts », « Métropolitain », « Solde », « Promontoire », « Démocratie » et « Soir historique » sont des textes dont le titre dit le lien à la modernité architecturale et poétique. Mais on pourrait trouver dans l’ensemble des textes des Illuminations des résurgences du thème de la ville sous la forme d’allusions à la barbarie ou aux parades sauvages par exemple. Pour comprendre le traitement que fait Rimbaud du thème urbain et le lien entre le poème
toutes les merveilles classiques de l'architecture >>• L'invention n’est ici que parodie et la modernité n'est qu’une illusion, un artifice. L'adjectif « singulier » suffit à indiquer le caractère critique du regard que porte le poète sur les créations humaines: l’orgueil de l’homme, qui le pousse à s’identifier aux monuments qu'il construit au point de devenir gardien « de colosses » et officier « de constructions », n’est que vanité. Il ne lui permet pas de fonder une communauté: la ville est le domaine de l’hétéroclite.
L’hétéroclite
En même temps que les Expositions Universelles se déroulent les Expositions Coloniales. La ville devient un lieu d’immigration, un carrefour où se rencontrent des espaces et des temps différents. Le désordre et l’éclatement relèvent non seulement du désordre des découvertes géographiques mais aussi de leur mise sur le marché; l’Occident s’approprie les dernières terres inconnues et exploite leurs richesses, il les solde:
À vendre les Corps sans prix, hors de toute race, de tout monde, de tout sexe, de toute descendance ! Les richesses jaillissant à chaque démarche! Solde de diamants sans contrôle! (« Solde »).
«
en
prose et le prosa :lsme des Iluminations, il faut d'abord étudier les
textes qui a priori se présentent comme des descriptions de la ville,
c'est-à-dire la série des villes.
VILLE IDÉALE, VILLE S INF ERNALES
LE CYC LE DES « VILLES "
Tro is poèmes des Ilumina tions, aux titres quasiment identiques,
se succèdent à intervalles réguliers : il s'agit de " Ville "• de
« Villes , (« Ce sont des villes ! ») et de " Villes , (« L'acropole
of ficielle »).
Le premier de ces textes constitue comme une
introduction aux deux autres qui forment un cycle.
Tous ont en
commun d'être des poèmes de l'ambi valence où la voix du poète,
instable, dit à la fois l'éloge du monde urbain et la critique de la
barbarie moderne.
Rimbaud semble osciller entre un illumini sme
prophétique et un romantisme critique.
«
Vi lle "
On lit parfois " Ville , comme la description de Londres, d'une
métropole isolée du continent.
Le sujet lyrique intervient pourtant à
de nom breuses reprises et exhibe sa propre subjectivité.
Il évalue
(« crue moderne »), il mesure (« si par eille ment »}, il explique.
Le
comm entaire vient brouiller la description d'une ville étrangement
absente du poème : seuls les termes de " métropole "• " ville "•
« foule "• " fumée , rappellent au lecteur qu'on lui parle d'une ville.
Cette lecture univoque du poème ne permet pas de rendre com pte
des contradictions qui le structurent.
À l'éloge d'une modernité qui
se passe de tout " monu ment de superstition "• qui a réd uit la
morale et la langue " à leur plus simple expression "• succède
l' arrivée dans la ville de " spectres nouveaux , et de nouvelles
divini tés.
L'éloge de l'éphémère, de ces vies au cours moins long,
conduit à l'omni présence de la mort et de ses com parses que sont
le « Crime , et le désespoir .
Ainsi l'entrée dans la ville se
métamorphose peu à peu en l'arrivée dans l'antre de l'Enf er..
»
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