LE TEXTE OUVERT Il n'y a pas de vrai sens d'un texte. Paul Valéry
Publié le 28/03/2015
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Mais s'il n'existe pas « un vrai sens du texte«, que dire des séances de torture infligées aux candidats au bac ou à d'autres examens ? Quelle signification peut bien avoir, dans ce cas, l'explication de texte ou ses succédanés ?
Si Valéry s'arrête sur l'idée qu'il n'y a pas un seul sens du texte, il n'affirme pas pour autant qu'il n'y en a aucun et qu'on peut dire n'importe quoi sur un texte. Il souligne
même le fait qu'un poème réussi résulte d'une parfaite harmonie entre un sens, ou plutôt un faisceau de sens, et une forme.
L'explication de texte, quand il ne s'agit pas d'un texte théorique, devrait elle-même avoir un caractère ouvert, ce qui ne veut pas dire béant à toutes les sottises. Elle devrait accorder beaucoup d'importance à la façon dont le texte est lu et admettre la pluralité des interprétations pour peu qu'elles s'appuient sur le texte. Elle essaiera de jauger si le candidat a, en cours d'année, fait quelques efforts pour aiguiser son regard.
«
§] .
Le texte ouvert / 34 7
but est atteint, la parole expire.
Cet univers exclut
l'ambiguïté, l'élimine;
il commande que l'on procède
par le plus court chemin, et il étouffe au plus tôt les har
moniques de chaque événement qui s'y produit à l'esprit.»
Les choses se compliquent quand !'écrivain fait appel à la
fonction poétique du langage.
Le propre du texte poétique
est justement
qu'il ne peut pas être d'une façon exhaustive
et définitive
expliqué.
Ce texte est, selon l'expression même
de Valéry, riche d'harmoniques.
Il met
en jeu les multiples
possibilités du langage, dont l'action convergente
va pro
duire un effet sur le lecteur.
Il permettra ainsi d'exprimer ce
que ne peut pas dire le langage dans son mode de fonction
nement courant.
Vouloir réduire le poème à ce langage cou
rant,
à la prose du quotidien ou de l'essai théorique, ne peut
déboucher que dans une impasse.
«Si un oiseau savait dire
précisément ce qu'il chante, pourquoi
il chante, et quoi en
lui chante, il ne chanterait pas» dit Valéry.
En d'autres
termes, si ce que le poète exprime était suffisamment clair et
susceptible de se réduire à un exposé en
Sorbonne, ce poète
pourrait se contenter
d'un exposé de ce type et n'éprouve
rait pas le besoin d'écrire un poème.
Alain pense à peu près
de même quand il écrit
(Propos, 3 juin 1921) : «Si je pou
vais faire comprendre,
en une page ou deux de prose, ce
que dit
la Neuvième Symphonie, il n y aurait plus de Neu
vième
Symphonie.»
Paul
Valéry a été très marqué, et il le reconnaît volontiers,
par les symbolistes et tout spécialement par Mallarmé.
A
leur contact,
il a pris conscience de la distinction qu'il fallait
faire entre l'emploi utilitaire du langage et son emploi poé
tique.
Le premier ressemble à la marche, au cours de
laquelle l'individu utilise son corps comme un ustensile
pour aller
d'un point à un autre.
Le second est semblable à
la danse où le corps
n'est plus le moyen d'atteindre un but,
mais sert seulement à manifester la beauté.
Comme eux,
il a éprouvé le besoin de débarrasser la poésie
de ses
« impuretés» c'est-à-dire de ce qu'elle comportait
encore de
«prose» au sens employé plus haut.
De ce fait,
comme eux, il pense que la clarté
n'est pas la qualité pri-.
»
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