Le temps dans Bérénice

« Le moment de l'éblouissement amoureux Pour chacun des trois personnages principaux de la pièce, l'amour est né il y a déjà longtemps (cinq ans pour Titus et Bérénice et un peu plus pour Antiochus) de l'éblouissement d'un instant.

Antiochus l'évoque, lui, en un vocabulaire encore bien marqué par la préciosité (v.

190).

La brièveté et, corré­ lativement, l'intensité du moment où les regards de Titus et Bérénice se sont croisés et où est né leur amour s'expri­ ment le plus souvent par des verbes au passé simple.

Ils constituent le plus souvent à eux seuls une proposition ou une phrase occupant un hémistiche: « Bérénice me plut» (v.

509); « Je l'aimais; je lui plus» (v.

531) : à l'instantanéité de l'évidence amoureuse correspond la simplicité syntaxique.

En un moment, pour les deux personnages, l'univers entier s'est résumé à eux seuls; chacun, ébloui par l'éclat de l'autre, devient aveugle et sourd au reste de l'univers.

C'est surtout le cas de Bérénice lorsque lui est apparu Titus, comme se le rappelle encore Antiochus : Titus, pour mon malheur, vint, vous vit et vous plut.

(v.

194).

En un moment, le couple existe et par lui chacun.des deux amants acquiert sa propre plénitude : ils voient, ils aiment, ils sont.

La corrélation de ces trois données est sans cesse rappelée au long de la pièce.

Donc, puisque les amants se sentent exister quand ils se voient, il y a une nécessité vitale à faire durer le regard.

On constate ainsi que les amoureux ont une manière particulière de vivre le temps.

Les caractéristiques du temps amoureux Au moment même où il naît, l'amour est accompli, il atteint immédiatement la perfection.

Il n'a nul besoin d'une matu­ ration, d'un approfondissement qui nécessiteraient une durée supplémentaire.

Mais puisque désormais voir c'est aimer, et aimer comme on a aimé dans le premier instant, il s'agit d'inscrire cet instant, par nature éphémère, dans la durée.

On croit y réussir en le répétant : ainsi pendant cinq. »