Le statut de la citation chez Montaigne
Publié le 02/08/2014
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On sait la part considérable que tiennent les citations des auteurs anciens dans la composition des Essais, au point d'en faire un ouvrage proche de ces miscellanea, recueils de fragments rassemblés sous des rubriques thé¬matiques, qui fleurissaient au XVIe siècle. Or, l'intérêt spécifique du dis¬cours citationnel dans I, 31 et III, 6, réside dans le fait que, a priori, les au¬teurs anciens sont inutiles pour penser la nouveauté radicale que constitue la découverte, historiquement située aux XV-XVIe siècles, d'une humanité autre. Pourquoi donc cet anachronisme volontaire de la part de Montaigne ?

«
Un choix actif
La réappropriation du discours citationnel passe d'abord par le choix et l'op portunité des emprunts : citations de poètes (Virgile, Horace ; I, 31, p.
301) pour
parler
d'une terre qui évoque l'âge d'or; citation de Sénèque, le moraliste, pour
rapprocher le courage de l'indigène de celui des Romains (I, 31,
p.
311) ; paroles
du consul Flaminius, rapportées par Tite-Live, sur l'efficacité du courage devant
l'ennemi (III,
6; p.
158).
L'assimilation
Le plus souvent, Montaigne ne donne pas le nom de l'auteur de la citation ;
certes parce que ces
« noms si fameux ( ...
) semblent se nommer assez » sans lui,
mais aussi parce que, à travers cette « transplantation », les textes se sont confon
dus; il ne se gêne pas d'ailleurs pour faire subir des modifications aux citations,
de façon à mieux les intégrer à son raisonnement : les citations peuvent donc être
manipulées (voir III, 6 la citation de Cicéron, pp.
167-168) .
..
Ill -l' APPARITION DE LA CITATION
La citation exhibée
Généralement courte, détachée du texte et donnée en italique, elle a une fonc
tion esthétique de décoration -ou d'incrustation lorsqu'elle s'insère au sein d'une
phrase de Montaigne ; parfois, elle se borne à redoubler le texte en français (III, 6,
p.
167 citation de Calpurnius).
La citation rapportée
Totalement intégrée au texte ( « Ce sont plaisirs, dit Aristote ...
», III, 6, p.
161 ), elle permet un jeu entre texte étranger et texte de Montaigne : celui-ci assure par
exemple le récit de
l'anecdote de l'empereur Galba (puisée dans Plutarque, qui
reste innommé) mais les paroles de l'empereur sont rapportées au discours direct («Ce n'est pas du public [il s'agit d'argent], c'est du mien», p.
161).
La citation passée sous silence
Lorsque la citation est totalement intégrée au texte de Montaigne et qu'il est im
possible de la distinguer, elle possède un rôle stratégique : elle se présente de
façon assertive et péremptoire, mais
si on s'avise de la discuter, on risque de criti
quer
Platon et Cicéron sans le savoir ( « La juridiction ne se donne point en faveur
du juridiciant,
c'est en faveur du juridicié », III, 6 ; p.
161 ).
Conclusion : La citation a donc bien une valeur stratégique dans les
Essais, tenant, entre autres, un rôle idéologique, psychologique, rhétorique
ou esthétique..
»
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