Le serpent qui danse (XXVIII) Les Fleurs du Mal, Baudelaire
Publié le 11/04/2024
Extrait du document
«
(XXVIII)
Les Fleurs du Mal, Baudelaire
Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
L’or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Ce poème n’a jamais été posé à l’examen !!!!!!
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
(XXVIII)
Les Fleurs du Mal, Baudelaire
Question N°1 : La structure du poème et le développement
du thème au fil des strophes…
vision globale du corps
1 Que j'aime voir, chère indolente1 ,
2 De ton corps si beau,
3 Comme une étoffe vacillante,
A.
Une déclaration d'amour
4 Miroiter la peau !
chevelure, symbole de la féminité
5 Sur ta chevelure profonde
6 Aux âcres parfums,
7 Mer odorante et vagabonde
8 Aux flots bleus et bruns,
retour sur le poète
Dans le poème, le «je » s'adresse à un « tu».
Le « je » est le poète et le « tu » est
Jeanne Duval, Charles Baudelaire s'adresse donc directement à elle et le tutoiement
indique une intimité.
Il y a donc une proximité dans le vécu mais aussi une proximité
spatiale.
Le poème a un lexique affectif important : « chère indolente »...
qui montre une
intensité amoureuse.
Emerveillement du poète, qui est renforcé par des intensifs : « si
beau ».
Les sentiments sont exprimés à travers une ponctuation expressive, les strophes
1 et 9 se terminent par des points d'exclamation.
Le lyrisme est très clair, c'est une
véritable déclaration amoureuse.
9 Comme un navire qui s'éveille
10 Au vent du matin,
11 Mon âme rêveuse appareille
12 Pour un ciel lointain.
les yeux
13 Tes yeux où rien ne se révèle
14 De doux ni d'amer,
Importance du champ lexical du corps ➔
.
On peut rapprocher ce poème de
, «(Le blason est un court
poème célébrant une partie du corps féminin ) mais ici Baudelaire fait l'éloge de
plusieurs parties du corps.
: vers 1 « chère
indolente » où l'on a l'impression d'une pause lascive et strophe 5 « à te voir marcher
en cadence » où l'on peut percevoir les ondulations de Jeanne.
Cette démarche est
renforcée
.
15 Sont deux bijoux froids où se mêlent
16 L’or avec le fer.
:démarche gestuelle, strophe
B.
La rêverie du poète
centrale faisant écho au titre
17 A te voir marcher en cadence,
18 Belle d'abandon,
19 On dirait un serpent qui danse
20 Au bout d'un bâton.
1
pour Baudelaire
l'idéal absolu.
Elle est métisse et pour parler d'elle Baudelaire emploie des
références exotiques : « âcres parfum » « le serpent » « l'éléphant ».
Tous
ces éléments donne l'impression qu'elle est un ailleurs
, tous ses sens sont sollicités : « que j'aime voir » « âcres
parfum » « vin de bohême » « chevelure profonde » « glacier grondant ».
Qui se comporte avec mollesse – nonchalant ➔ ici marque de sensualité.
tête
21 Sous le fardeau de ta paresse
22 Ta tête d'enfant
23 Se balance avec la mollesse
24 D’un jeune éléphant,
à nouveau vision globale
25 Et ton corps se penche et s'allonge
26 Comme un fin vaisseau
27 Qui roule bord sur bord et plonge
Dans ce poème lyrique où le poète fait un hymne à la femme aimée, on
peut déceler un érotisme trouble.
On note une progression entre le début et la fin du poème.
Dans la strophe 1, il y a une distance physique.
Le premier signe de
l'érotisme est dans la nudité de Jeanne, sous-entendu dans la « peau
miroite ».
Strophe 5 : il y a un déplacement de Jeanne vers le poète, la marche
semble très sensuelle « A te voir marcher en cadence ».
Strophe 7 : changement de position, Jeanne s'allonge, la pose devient
lascive.
Elle semble s'offrir aux désirs du poète.
Strophe 8 et 9 : rapprochement physique entre les 2 amants à travers
un baiser ou plus.
Union du je avec le tu.
Rapprochement entre le début et
la fin du poème.
28 Ses vergues dans l'eau.
la bouche
29 Comme un flot grossi par la fonte
30 Des glaciers grondants,
31 Quand l'eau de ta bouche remonte
32 Au bord de tes dents,
retour sur le poète
:
L'expression « chevelure profonde » (v.5) peut faire référence à
l'intimité féminine,
Le bâton (v.20) dans sa verticalité peut faire référence aux désirs du
poète,
Il n'est pas impossible que la strophe 6 contienne une référence
sexuelle avec « la tête qui balance » (v.23),
« Ses vergues dans l'eau » (v.28) proximité sonore avec le mot verge.
Quant à la dernière strophe, elle consacre l'union des amants, on est
là dans un orgasme marqué par l'exclamation et l'expression « ciel liquide »
(v.35), et le mot étoile (v.36) montre que le poète atteint le septième ciel.
33 Je crois boire un vin de bohême,
34 Amer et vainqueur,
35 Un ciel liquide qui parsème
36 D’étoiles mon cœur !
C.
Jeanne, une femme marquée par
l’ambivalence
.
Elle est femme et enfant : femme car elle est à l'aise dans sa sensualité, provocante, et enfant au vers 24 (« tête
d'enfant »).
C'est ce caractère double qui charme le poète puisqu’e lle est la réunion des contraires
Jeanne se donne sans se donner «Ses yeux où rien ne se révèle».
Elle garde tout son mystère.
Strophe 4, les antithèses
doux/amer, or/fer soulignent à nouveau les ambivalences de Jeanne.
On dit souvent que les yeux sont le miroir de l'âme, or
.
Le poète ne peut atteindre l'âme de
Jeanne.
Il peut avoir son corps mais pas son âme.
D.
Thème du poème
- « Le Serpent qui danse » met tout d’abord l’accent sur deux points essentiels qui vont être abondamment
évoqués dans le poème :
- l’attraction dangereuse de l’animal (et de la femme)
- le mouvement.
Le titre est conçu de telle manière qu’il désigne non pas n’importe quel serpent mais un serpent, qui
a la particularité de danser.
Cette distinction de l’auteur est soulignée par l’emploi d’une relative -« qui
danse »- qui précise de quel serpent il s’agit mais également par l’article défini « le ».
D’ores et déjà, il le
caractérise comme un être doué d’un pouvoir inattendu donc extraordinaire.
Il exerce par conséquent
immédiatement une certaine fascination.
Par ailleurs, l’association du serpent (figure biblique de l’incarnation du diable et de la tentation) avec
la danse - comme l’un des emblèmes possibles de la beauté féminine - offre l’image d’un attrait et d’une
séduction diaboliques qui peuvent évoquer la liaison de Baudelaire et de Jeanne Duval.
Question N°2 : Faites l'étude stylistique du poème : étudiez la forme générale, la
disposition et la richesse des rimes, le vers employé, les principales figures de
style...
Attention, vous devrez tirer OBLIGATOIREMENT une interprétation
sémantique de votre étude stylistique.
9 quatrains.
Il y a une alternance entre des octosyllabes et des pentasyllabes.
Cette versification donne l’image de l’ondulation du
serpent.
Rimes : Les rimes sont croisées dans cette disposition :ABAB / CDCD / EDED / FGFG / HIHI / JKJK / LBLB / MKMK / NONO Les rimes sont donc variées et sont parfois suffisantes, parfois pauvres dans une alternance irrégulière.
La peau de ton corps
1 Que j'aime voir, chère indolente,
2 De ton corps si beau,
Que j’aime voir (…) miroiter
Sens Visuel
3 Comme une étoffe vacillante,
4 Miroiter la peau !
1ère strophe
1.
« que j’aime voir, chère indolente » : le premier sens sollicité par le poète est la vue, comme s’il tenait
à souligner dès le début du poème quel spectacle fascinant il lui est donné de contempler.
Il s’agit là d’un véritable plaisir
noté par la présence du verbe « aimer » et par la tournure exclamative : « que [...] la peau ! ».
On peut également remarquer l’adjectif « indolente » mis en relief par sa substantivation (Indolent est
normalement un adjectif et non un nom !) et sa place en fin de vers, à la rime.
Cette substantivation semble faire de
l’indolence une des qualités premières de la femme en même....
»
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