Le Savon de Ponge (lecture analytique)
Publié le 11/07/2011
Extrait du document
Le poète joue également sur la récurrence de certaines formules humoristiques. C'est le cas de l'expression familière « se faire rouler « à laquelle Ponge fait subir de subtiles variations : le savon est une pierre « qui ne se laisse pas rouler par la nature « (l. 22-23) ; elle fond plutôt « que d'être roulée par les eaux « (l. 24) ou de « se laisser rouler par les eaux « (l. 34-35). S'agissant du savon, Ponge affirme, dans les pages qui suivent cet extrait, qu'un « certain bafouillage est de mise «. Multiplier les variations, les hésitations, les reprises de mots ou de phrases, c'est précisément permettre ce « bafouillage «.
«
effet, composées de vers de longueur variable, dépourvus de rimes et de coupes régulières.
Mais au vers 14,
au moment où surgit le terme « rhétorique » dans le texte, Ponge abandonne la poésie pour la prose,
changeant par là même de rhétorique.
Un Jeu de subtiles variations
Ce texte est également constitué d'une série de variations autour du thème du savon puisque Ponge se plaît à
reprendre, sous une forme parfois légèrement différente, les mêmes thèmes ou les mêmes expressions.
Le second fragment (l.
19-21) n'est qu'une reprise des lignes 15 à 18 du premier fragment.
La phrase : « Il y
a beaucoup à dire à propos du savon » (l.
15), ne subit, en effet, qu'une légère transformation et devient
quatre lignes plus loin : « Le savon a beaucoup à dire » (l.
19).
De la même façon, le savon est présenté par
Ponge comme « une sorte de pierre ».
Cette comparaison est, à son tour, l'objet de plusieurs variations : on la
retrouve, par exemple, aux lignes 5, 22 et 30.
Le poète joue également sur la récurrence de certaines formules humoristiques.
C'est le cas de l'expression
familière « se faire rouler » à laquelle Ponge fait subir de subtiles variations : le savon est une pierre « qui ne
se laisse pas rouler par la nature » (l.
22-23) ; elle fond plutôt « que d'être roulée par les eaux » (l.
24) ou de
« se laisser rouler par les eaux » (l.
34-35).
S'agissant du savon, Ponge affirme, dans les pages qui suivent cet extrait, qu'un « certain bafouillage est de
mise ».
Multiplier les variations, les hésitations, les reprises de mots ou de phrases, c'est précisément
permettre ce « bafouillage ».
2.
UNE ÉVOCATION DU SAVON
Son apparence et sa matière
Sans entreprendre de décrire avec objectivité et minutie le savon, Ponge fait référence à ses apparences et à la
matière dont il est constitué.
Le poète cerne d'abord, approximativement, la forme du savon en le comparant à une pierre (l.
5, 22, 30).
Il
évoque également sa couleur (sa bave est « nacrée ») et son odeur (ses bulles sont « parfumées »).
De
nombreux termes du texte soulignent son caractère artificiel, quasi chimique : « L'eau, l'air et le savon [...]
forment des combinaisons [...] physiques (l..9 -13); le mélange d'eau et de savon permet d'obtenir « une
réaction volumineuse et nacrée » (l.
27).
Le savon dans tous ses états
Ponge s'intéresse, d'autre part, aux divers états du savon.
Il évoque ainsi :
- Le savon manipulé qui devient souple et ductile, qui écume et jubile (l.
1 à 3).
- Le savon qui ne se laisse pas « tripoter » et qui « glisse entre les doigts » (l.
23, 32).
- Le savon qui « fond à vue d'œil » dans l'eau et « meurt de confusion » (l.
23-24, 28-29).
- Le savon devenu mousse et bulles de savon au contact de l'air (l.
6 à 14).
Une transfiguration de l'objet
Ponge ne se contente pas d'évoquer platement la réalité de l'objet.
Il le transfigure et le dote d'un pouvoir
quasi surnaturel.
Le savon n'est pas présenté comme un être inanimé.
De nombreux éléments du texte prouvent, au contraire,
que Ponge le personnifie.
Il utilise :
- des termes qui évoquent un mouvement ou une activité physique : le savon « bave » (l.
3) ; « l'eau, l'air et
le savon se chevauchent, jouent à saute-mouton », (l..9 -11); ils «forment des combinaisons physiques,
acrobatiques » (l..11-13).
- des termes qui appartiennent au champ lexical des réactions humaines ou des sentiments : le savon « jubile
» (l.
1); il «meurt de confusion» (l..28-29) ; il «ne se laisse pas rouler » (l.
34) ; il s'exprime avec « volubilité
» et « enthousiasme » (l.
20) ; il ne se laisse pas « tripoter » (l..31).
Ponge confère donc au savon un rôle actif et dynamique.
Il n'est pas un objet inerte placé dans les mains de
l'homme, mais une substance vivante capable de les transformer : il les rend « complaisantes, souples, liantes,
ductiles » (l.
2 -3).
On remarquera que ces termes ne renvoient pas à la finalité pratique à laquelle les hommes
destinent le savon (le lavage) mais à la douceur ou au plaisir qui en résultent.
Sous la plume de Ponge, le
savon cesse d'être un objet banal et quotidien : il est contact sensuel, objet de plaisir, jeu.
3.
UNE MISE EN SCÈNE LUDIQUE DE L'ÉCRITURE
Ponge ne s'est pourtant pas contenté d'évoquer un objet susceptible de faire naître du plaisir : il a aussi, et
surtout, voulu écrire un texte ludique, un texte-objet, un « objeu » qu'il entend placer entre les mains du
lecteur.
Ce faisant, il met en scène le mouvement même de l'écriture et nous invite à méditer sur les pouvoirs.
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