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Le romancier peut-il exprimer son point de vue sur la société par le récit de la vie amoureuse de personnages fictifs ?

Publié le 17/01/2022

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Le romancier peut-il exprimer son point de vue sur la société par le récit de la vie amoureuse de personnages fictifs ?

Une histoire d'amour permet-elle au romancier d'offrir une vision du monde ou seulement un point de vue subjectif du coeur humain ? L'amour et la fiction sont-ils capables de montrer la réalité telle qu'elle est ?

« frappés » (l.

1) par la beauté de Mme de Mortsauf.

L'intrigue tend donc à paraître stéréotypée, ce qui renddifficile pour le romancier l'expression d'un point de vue personnel. Manque de réalisme] B. La seconde règle implicite à laquelle semble obéir le récit des relations amoureuses de personnages fictifs, c'est queles deux héros doivent être des êtres extraordinaires.

L'accumulation de qualités rend seule crédible l'amour desdeux héros.

De plus, elle contribue à séduire le lecteur, enclin à s'identifier à un personnage positif.

Ainsi leshyperboles et les tournures élogieuses se multiplient pour noter les qualités physiques, comme celles de Mme Arnoux(« cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, [...] cette finesse des doigts que la lumièretraversait », l.

17-18), ou morales, comme celles de Mme de Mortsauf (« une sainte colère, [...] une tête sublime »,l.

22).

Si les personnages sont stéréotypés, ils accumulent sans réalisme des qualités de tout ordre, le romancierpeut éprouver des difficultés à énoncer à travers eux sa vision de la société.

Le type constituerait un paravent quidissimulerait l'individu. [Conclusion partielle et transition] Les romans qui mettent en scène des intrigues amoureuses, par conséquent, manquent de réalisme, ce qui rend difficile l'expression d'un point de vue sur la société, et la recherche d'originalité,compromettant ainsi la formulation de tout discours personnel.

Pourtant, la prise de position du romancier parrapport à ces contraintes, son insertion dans une longue lignée d'auteurs, peuvent constituer une manière deprendre parti, de développer une opinion personnelle. [III - C'est finalement dans la contrainte qu'il parvient à exprimer un point de vue personnel] On peut en effet considérer que c'est en jouant avec la contrainte du récit amoureux que le romancier peuts'exprimer. [A.

Prendre place dans l'histoire littéraire] Tout d'abord le romancier qui imagine les aventures amoureuses de ses personnages choisit sa place dans l'histoire littéraire.

Il peut en effet N'inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs ou au contraire s'en démarquer.

Ainsi,Aragon au début de son roman Aurélien parodie les scènes de rencontre amoureuse.

Le champ lexical du regard domine dans le récit de la rencontre d'Aurélien et Bérénice (« La première fois qu'Aurélien vil Bérénice », l.

1) mais lejeune homme, loin d'être ébloui par la beauté subli me de la jeune femme, la trouve « franchement laide » (l.

1-2). Le romancier se moque ainsi des règles qui président à l'écriture des récits amoureux : c'est pour lui une manière deprendre ses distances avec une forme qui lui semble dépassée, inadaptée à la société qu'il décrit, c'est donc unemanière d'exprimer son point de vue sur le monde. [B.

L'art de la variante : du type au personnage] De plus, le romancier introduit toujours des variantes personnelles par rapport au schéma traditionnel du récitd'aventures amoureuses.

Ces variantes, précisément parce qu'elles rompent avec les habitudes du lecteur et sonhorizon d'attente, sont immédiatement perceptibles.

Ce sont ces variations, ces décalages entre le personnage fictifmis en scène et le type élaboré par la tradition littéraire, qui permettent au romancier d'exposer son regard sur lasociété.

Ainsi, Flaubert exprime son pessimisme à travers l'amour de Frédéric pour Mme Arnoux.

Leur relation sembleidentique à celle qu'entretiennent des jeunes premiers en quête de réussi te et des femmes d'expérience.

Pourtant,elle s'en distingue dès la scène de rencontre.

Celle-ci en effet n'a pas lieu sur un bateau qui amènerait le jeunehomme à Paris, lieu par excellence de l'ascension sociale, mais sur un bateau qui ramène Frédéric en province.

Deplus, au cours de cette première rencontre, Frédéric fantasme sur Mme Arnoux, la voyant tantôt comme une Viergeà l'enfant, tantôt comme une aventurière parcourant le monde, mais il ne lui adresse pas un mot, incapabled'entamer avec elle le dialogue.

Cette attitude se confirme dans la suite du roman, puisque, contrairement auschéma traditionnel, Frédéric renonce à conquérir la femme qu'il aime et lui préfère des relations insignifiantes.

Cerefus d'agir exprime le point de vue désabusé du romancier sur la société. [Conclusion partielle] C'est donc parce que les récits de la vie amoureuse de personnages fictifs tendent à se ressembler, que le romancier, par des variations parfois ténues, peut exprimer son regard sur le monde. [Conclusion] Ainsi, si le romancier peut exprimer explicitement sa conception de la société dans le cadre du récit de la vieamoureuse de personnages fictifs, il est parfois contraint par un genre qui semble conventionnel et peu réalistePourtant, c'est grâce à ces contraintes, par rapport auxquelles il est obligé de se positionner, qu'il peut dévoiler sonpoint de vue personnel.

Ainsi, les récits d'amour n'ont pas seulement pour but de faire rêver le lecteur mais aussi delui faire ouvrir les yeux sur la société.. »

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