Le roman policier (Histoire de la littérature)
Publié le 14/11/2018
Extrait du document
LE GENRE ROMANESQUE DU XXe SIECLE
• Afin de donner au roman policier ses lettres de noblesse, on lui a découvert des ascendants prestigieux : le personnage d'Œdipe de Sophocle semble fatalement voué à tuer son père et à épouser sa mère. Hamlet de Shakespeare organise un beau crime théâtral. Dans les Misérables de Victor Hugo, Jean Valjean est poursuivi par le policier Javert de même que Raskolnikov, dans Crime et Châtiment de Dostoïevski,
• Le roman policier débute chez
Edgar Poe avec trois nouvelles des Histoires extraordinaires :
« Double Assassinat dans la rue
Morgue », « le Mystère de Marie Roget » et « la Lettre volée » (1841-1845). Nous y assistons à une enquête minutieuse à propos d’un événement mystérieux. L'enquête est menée par le très perspicace chevalier Dupin. C'est le modèle du futur détective. Poe fixe d'emblée les règles d’un bon roman policier : le raisonnement, la psychologie, le suspense et la violence.
• En France, le terrain est préparé par Balzac (Une ténébreuse affaire, 1845), Hugo (les Misérables, 1862), l'aventurier et policier Vidocq (Mémoires, 1828-1829) et par le roman-feuilleton : Alexandre Dumas (le Comte de Monte-Cristo, 1846), Eugène Sue (les Mystères de Paris, 1842-1843), Paul Féval (les Habits noirs, 1863), Ponson du Terrail (Rocambole, 1859-1884).
• Émile Caboriau (1832-1873) est, en France, l'émule de Poe. C'est dans son métier, le journalisme, qu'il puise ses idées de romans (l'Affaire Lerouge, 1866 ;le Dossier 113, 1867 ; M. Lecoq, 1869).
• D'emblée, Poe et Gaboriau engagent le roman policier dans deux voies distinctes :
- l'école anglo-saxonne s'intéressera au cheminement de l'enquête et créera le personnage du détective amateur ;
- l'école française sera plus sensible à son aspect romancé et psychologique, voire mélodramatique : milieu, personnages pittoresques, coups de théâtre (comme dans le roman-feuilleton) et créera le personnage du policier professionnel.
L'ÉCOLE ANGLO-SAXONNE
Les Anglo-Saxons tiennent le haut du pavé. D'abord grâce à Conan Doyle (1859-1930), et son Sherlock Holmes, héros de 56 romans ou nouvelles (1887-1927, dont Une étude en rouge, les Aventures de Sherlock Holmes, le Chien des Baskerville).
• Sherlock Holmes est l'héritier du chevalier Dupin d’Edgar Poe. Son sens de la déduction est tel que l’enquête devient un pur exercice intellectuel.
• L'Américaine Anna Katharine Green (1846-1935) est la première femme du roman policier ; elle invente la « détective story » (Une étrange disparition, 1880).
• En 1886 paraissent la série des aventures de Nick Carter, de John R. Coryell (1848-1924), dans les «pulp fictions » (pulp : pulpe de bois qui donne un papier de mauvaise qualité sur lequel étaient imprimées ces histoires) : c'est le premier détective aux prises avec la « jungle d'asphalte » des métropoles.
• Une autre Américaine, Mary R. Rinehart, est la première à mettre en vedette les victimes et les bourreaux au lieu des enquêteurs (l'Escalier en spirale, 1908).
• L'Anglais G. K. Chesterton (18741936) crée en 1910 le personnage du père Brown, dont le secret est la connaissance des âmes.
L'ÉCOLE FRANÇAISE
Face aux romans à énigme des Anglo-Saxons, les auteurs français tentent de croiser le roman policier, le feuilleton et le roman d'aventures.
• Parmi leurs héros se détachent trois grandes figures : le journaliste Rouletabille de Gaston Leroux (1868-1927) dans le Mystère de la chambre jaune (1907) et le Parfum de la dame en noir (1908); le gentleman-cambrioleur Arsène Lupin de Maurice Leblanc (1864-1941) dans les Aventures extraordinaires d'Arsène Lupin (1907-1929), notamment Arsène Lupin gentleman cambrioleur (1907), /'Aiguille creuse (1909), 813 (1910) ;
GEORGES SIMENON
Près de soixante romans de Georges - Simenon ont été portés à l'écran depuis 1932, par des réalisateurs les plus divers, de Jean Renoir à Patrice Leconte en passant par Claude Autant-Lara, Jean-Pierre Melville, Henri Verneuil, Bertrand Tavernier ; mais c'est Pierre Granier-Deferre qui détient le record avec quatre adaptations à ce jour. Par ailleurs, l’œuvre romanesque de Simenon a fait l'objet de cinquante-sept traductions en langues étrangères et dialectes et une étude de l’UNESCO estimait, en 1991, à plus de sept cents millions d'exemplaires la totalité des tirages de cet auteur à travers le monde.
«
•
Ce style, spécifiquement américain,
on l'appelle aussi « hard-boiled »
(dur à cuire), par référence au caractère
trempé des nouveaux héros de romans.
Il est né dans l'entre-deux-guerres,
dans les pulps, ces journaux bon
marché dont certains étaient consacrés
aux récits policiers.
Dans l'un d'eux,
la revue Black Mask, en 1929,
est imprimée la première œuvre
(la Moisson rouge) signée
Dashiell Hammett (1894-1961 ).
• Noir, le nouveau roman policier ne
l'est pas seulement par l'atmosphère
nocturne, mais aussi par la fatalité
criminelle et la morale désespérée.
Dans cet univers nouveau, celui
de la civilisation industrielle, hanté
par l'argent, la violence et le sexe, le
commissaire bon enfant ou le reporter
mondain n'ont plus leur place.
C'est
le personnage du privé (Sam Spade
chez D.
Hammett) qui les remplace.
·Le roman «hard-boiled»
abandonne la notion de jeu du roman
policier classique pour adopter
un certain réalisme.
Il a pour fond
la violence et l'action.
LES GRANDS DU ROMAN NOIR
-- • Dashiell
Hammett,
ancien
détective
Dashiell Hammett privé
de
la célebre
agence
Pinkerton,
décrit
l'univers qu'il
connaît:
villes
inquiétantes, policiers corrompus,
pègre sans scrupule, femmes vénales.
Ses œuvres : le Faucon maltais (1930),
la Clé de verre (1930).
• Chroniqueur du milieu du crime,
W.
R.
Burnett (1899-1982) est révélé
par le Petit César (1929), biographie
de gangster, inspirée de la vie
d'Al Capone.
Autre succès :
Quand la ville dort (1949), qui fut
adapté à l'écran sous le titre Asphalt
Jungle par John Huston (1950).
• Chez James Cain (1892-1977),
c'est le destin qui joue le rôle du
policier (Assurance sur la mort, 1936 ;
Le fadeur sonne toujours deux fois,
1934).
Réalistes, ses récits sont des
reflets quasi documentaires de la vie
américaine de l'entre-deux-guerres.
• Horace McCoy (1895-1955) est un
témoin réaliste de la société américaine
(Un linceul n'a pas de poches, 1948;
On achève bien les chevaux, 1935).
• Jonathan Latimer (né en 1906)
insuffle de la gaieté dans ses romans
(Quadrille à la morgue, 1936).
• Jim Thompson (1910-1978) a écrit
29 romans, les plus noirs, les plus
cruels, les plus violents (Des cliques et
des cloaques, 1954; 1275 âmes, 1964).
· David Goodis (1917-1967) mène
en journaliste ses enquêtes dans les bas-fonds
(Tirez sur fe pianiste, 1956).
Il se distingue de ses confrères
par une sobriété dramatique peut-être
due au fait que tous ses héros sont
des victimes d'avance vouées à l'échec.
• Chester Himes
(1909-1984)
est l'écrivain noir
du roman noir.
Ses héros
sont deux flics
de Harlem,
coriaces et
incorruptibles 1958).
•Raymond Chandler
{1888-1959)
a créé l'archétype
du privé désabusé,
héros moderne,
le seul à lutter
pour le maintien
de quelques
valeurs essentielles dans un monde
moderne qui se désagrège (le Grand
Sommeil, 1939;Adieu majo/ie, 1941).
• William Irish (1903-1968) est
le maître du roman à suspense
(La mariée était en noir, 1940 ;
fa Sirène du Mississipi, 1947).
• Irish inspirera plus tard Patricia
Highsmith (l'Inconnu du Nord-Express,
1950).
Elle a bien écrit une vingtaine
de romans policiers mais d'une espèce
bien particulière.
selon Boileau- Narcejac :
«Pour elle, le criminel est
une victime.
Elle néglige le problème,
source de mystère, pour étudier
le comportement du coupable, mais
elle n'oublie jamais les nécessités
de la narration.,
Le héros n'est plus un policier
mais la police toute entière
(Vêpres rouges, 1957).
Ca relia.
• Charles Williams (1909-1975)
écrit les romans les plus haletants
(Fantasia chez les Ploucs, 1956).
• Donald E.
Westlake (né en 1913)
a écrit depuis 1960 une trentaine de
romans, d'un ton nouveau où s'allient
l'humour délirant et la contestation
f-------------i par le ridicule de la société américaine
actuelle (Pierre qui brûle, 1984).
LES GRANDES COLLECTIONS DE
ROMANS POLICIERS EN FRANCE
Si le polar existe en France
aujourd'hui, c'est grace à ces cinq
collections en format poche :
Le Masque (Librairie
des Champs·Éiysées)
«Le Masque» a
été créé par Albert
Pigasse en 1927
avec la publication
du Meurtre de
Ackroyd
d'Aptlra Cltrlstle.
«Le Masque», qui a publié plus
de 2 000 titres, édite surtout
des auteurs anglo-saxons.
Série noire (Gallimard)
La « Série noire » a publié son
premier volume en 1945, sous
la direction de Marcel Duhamel.
Il s'agissait de la Môme vert-de-gris
de Peter Cheyney.
Les collections des éditions
Aeuve noir
La création de Fleuve noir remonte à
1949 avec la publication de Tu parles
d'une ingénue de Jean Bruce, dans la
collection Spécial Police.
Au «Fleuve,
sont parus quelques-uns des grands
auteurs classiques du polar français :
Frédéric Dard (San Antonio),
Léo Malet (Nestor Burma),
G.
J.
Arnaud (le Salaire de la peur).
Cette collection ne publie
que des auteurs français.
Grands Détectives (UGE, 10/18)
Cette collection fut inaugurée en
1983 avec la première enquête du
célèbre juge Ti (Meurtre à Canton)
de Van Gulik.
Rivages/Noin (Rivages)
Le premier roman de la collection
fut Liberté sous condition de
Jim Thomson.
D'autres écrivains
illustres s'y sont fait connaître,
comme Tony Hillermann, Robin Cook
ou James Ellroy.
•
En Angleterre, le roman noir fait aussi
école avec Peter Cheney (1896-1951)
-fa Môme vert-de-gris (1937),
Les femmes s'en balancent (1937)
et son détective Lem my Caution ;
et James Hadley Chase (1906-1984),
auteur de 89 romans (30 millions
d'exemplaires vendus en France),
dont Pas d'orchidêes pour Miss
Blandish (1939).
Tous ses romans
se passent aux États-Unis et sont
publiés en priorité en France.
• Dans le même temps, certains
écrivains américains continuent à faire
du roman criminel classique, comme
John Dickson Carr (1906-1977),
qui élabore de savantes énigmes
(la Maison du bourreau, 1935).
Fidèle à la forme traditionnelle, il frôle
souvent le fantastique et s'attache
au problème du meurtre en local clos
dont il est le grand spécialiste.
• En France, le grand nom du roman
noir est Léo Malet (1909-1996) avec
son détective Nestor Burma, « l'homme
qui met le mystère k.-o.
».
Il veut écrire
les Nouveaux Mystères de Paris.
De 1954 à 1959, quinze volumes
sortiront de cette idée (Brouillard
au pont de Tolbiac, M'as-tu vu en
cadavre ?, les Eaux troubles de Javel.
Micmac moche au Bou/' Mich; Pas
de bavard à La Muette, etc.), illustrant
tous un arrondissement différent de
la capitale.
Seuls cinq arrondissements
ne verront jamais le jour (il s'agit
des Vil', Xl', XVIII', XIX' et XX').
• En France, le roman noir connaît une
grande vogue : les éditions Gallimard lui
consacrent même une collection,
la fameuse « Série noire ».
LE POLAR MODERNE
• En France, depuis les années 1950,
le style « Série noire » irrigue tout
le roman policier, générant plusieurs
courants : d'un côté, le récit noir et
désabusé (Jean Amila, Francis Ryck,
André Héléna), de l'autre, celui qui,
souvent dans un langage argotique
plutôt savoureux, véhicule l'image
du truand ayant au plus haut point
le sens de l'honneur (Albert Simon in,
José Giovani, Auguste Le Breton) ;
enfin, le récit d'humour noir ou
burlesque (Alex Varoux, Yvan Audouard).
• Parallèlemen� le roman
psychologique et de suspense
s'épanouit avec Sébastien Japriso�
Hubert Montheilhe� Louis C.
Thomas
et, surtout, Boileau-Narcejac.
Sous cette
signature célèbre (50 volumes et plus
de 10 films), deux écrivains français,
Pierre Boileau (1906-1989) et Thomas
Narcejac (1908-1998).
Ils ont entrepris
de faire la synthèse entre le roman
problème de détection qui a régné
entre 1880 et 1930 et le roman noir.
Cela a donné le roman d'angoisse où la
victime tient le premier rôle.
Le résultat
donne une œuvre psychologique très
appuyée sur l'étude des personnages
à l'intérieur d'une trame ingénieuse
et souvent surprenante.
Il faut faire une
polars de
cette période :
Frédéric Dard,
G.
lArnaud, __ ..;...
_ _ __. Charles
Exbraya� Michel Lebrun et Jean Bruce,
la plupart étant édités dans la collection
« Spécial-Police » du Reuve noir.
• Depuis les années 1960, le récit
devient de plus en plus noir et dénonce
la société contemporaine dans laquelle
il évolue.
Après Mai 68, on parle
de néo-polar.
Jean-Patrick Manchette
(1942-1995) fut le premier à faire
figurer dans le polar des personnages
marginaux et représentatifs de courants
gauchistes et anarchistes des
années 1960 (Nada, 1972).
Ces antihéros violents sont en guerre
avec la société et ses institutions.
La finalité de leur combat est
idéologique, et n'est plus l'argent.
• Dorénavant, les auteurs français
introduisent dans leurs romans une
critique sociale qui rejette au second
plan la résolution de l'énigme ou
du problème.
Ils font une description
sans complaisance des personnages
et des milieux sociaux et critiquent
les tares les plus marquantes
de la société contemporaine.
• Mentionnons Pierre Siniac (1928-
2002), Daniel Pennac (1944), Frédéric
H.
Fajardie (1947), Jean Vautrin (1933),
Joseph Bialot (1924), Alain Demouzon
(1945}, Toni no Benacquista, (1961 ),
José-Louis Bocquet (1962), Didier
Daeninckx {1949), Maurice G.
Dantec
(1959), Thierry Jonquet (1952),
Hubert Monteilhet (1928).
• Le monde anglo-saxon suit la même
évolution qu'en France.
On retiendra
notamment Phyllis Dorothy James
(1920), Jerome Charyn (1937},
Elizabeth George (1949), John Grisham
(1955), ainsi que : -
To ny Hillerman (1925) : il élabore
à partir de 1970 un ensemble de récits
criminels situés en terrain navajo,
réussissant à reconstituer cet univers
ethnique traditionnel.
Avec ses deux
enquêteurs, un lieutenant et un sergent
autochtones, il fournit des romans
policiers presque documentaires
(Là où dansent les morts, 1973).
- Lawrence Block : plus de 60 romans
depuis 1961, dont, depuis 1976, une
série d'une douzaine d'enquêtes quasi
sociologiques que dirige l'ex-policier
Matt Scudder, et une autre série
humoristique où sévit Rhodenbarr,
le voleur malchanceux (Huit millions
de façons de mourir, 1985).
- Patricia Cornwell {1956) impose
Kay Scarpetta, la première femme
médecin légiste de l'histoire du polar
(Postmortem, 1990).
-G iorgio Scerbanenco (1911-1969)
invente un personnage très humain,
le docteur Duca Lamberti qui collabore
avec la police dans des circonstances
insolites, au long de récits qui
réussissent la synthèse du roman
psychologique et du roman
poli cier( Vénus privée, 1966).
-M anuel Vazquez Montalban {1939)
écrit des romans policiers, parce que
c'est selon lui la forme idéale pour
mettre en perspective et au pilori
le franquisme et son héritage.
Son
détective privé et gourme� Pepe
Carvalho, mène des enquêtes qui sont
autant de constats, de coups de sonde
et de réflexions sur la démocratie
et son contraire (Tatouages, 1976).
LES AUTEURS ET LEURS HÉROS
A.
llemède : Judex, Belphégor.
J.
Bruce : OSS 117
(Hubert Bonisseur de La Bath)
J.
O.
Clrr : Henri Bencolin,
D ' Gideon Feil, sir Henry Merrivale
R.
Chandler : Philip Marlowe.
L.
Charterls : le Saint
(Simon Templar, dit).
J.
Cha !'yll : Isaac Sidel.
P.
Cheyney : Lemmy Caution,
Callaghan.
A.
Christie :
Heralle l'olrot,
Miss Marple.
F.
Dllrd :
San Antonio,
Bérurier.
Dominique :
le Gorille.
c.
Doyle :
Sllerlock Ho/mes
et le docteur Watson.
I.A-Iag:
lalftSIIaiHI.
E.
S.
Gardner :
l'avocat Perry Mason.
D.
tta.mett :
Nestor Burma.
M.
V.
Molltalban : Pepe Carvalho.
J.-B.
Pouy : Le Poulpe.
G.
Simenon : Commissaire Maigre!.
M.
Spillane : Mike Hammer.
S.-A.
SI-n : Inspecteur Wens.
S.
S.
Van Dlae : Philo Vance.
Van Gullk : Juge Ti.
G.
de VIHien : SAS, le prince Malko..
»
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