LE ROMAN HISTORIQUE (Histoire de la littérature)
Publié le 01/12/2018
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ROMAN HISTORIQUE. Depuis plus d’un siècle et demi, le roman historique jouit d’un succès que n’entrave pas sa réputation douteuse : on s’en prend volontiers à ce sous-genre bâtard, impur, parasite de l’histoire sérieuse, littérature de consommation étirée au fil des feuilletons, multipliant les poncifs et abusant des « ficelles ». Les lecteurs persistent à se laisser prendre, fascinés par les « faiseurs d'histoire » (dans les deux sens de l’expression : par les conteurs, par les héros), et par la poésie du temps à jamais disparu. Ce contraste invite à considérer toute la complexité d’un hybride qui a su s’adapter et durer.
Territoire
Le roman historique peut se définir, de façon large, comme une fiction qui emprunte à l'histoire une partie de son contenu, et, de façon étroite, comme une forme de roman qui prétend donner une image fidèle d’un passé précis, par l’intermédiaire d’une fiction mettant en scène des comportements, des mentalités, éventuellement des personnages réellement historiques. Au sens large, depuis les « romans » antiques ou bretons du Moyen Âge, jusqu’aux romans réalistes et sociaux les plus
«
contemporains, tout
roman est historique, ou, du moins,
le devient avec le temps externe qui amène de nouvelles
générations de lecteurs : la Comédie humaine de Balzac,
les Rougon-Macquart de Zola, témoignages sur l'époque
où vivaient leurs auteurs, sont désormais des documents
pour une histoire du XJX 0 siècle.
Au sens étroit, normatif,
le champ imparti au roman historique peut se réduire à
une classe d'œuvres qui satisfont à des critères de qua
lité, voire à la production d'une décennie, si l'on en croit
Louis Maigron : «Impossible avant le Xtx• siècle, il ne
triomphe à partir de 1820 que pour disparaître presque
immédiatement après 1830.
La vogue en fut un moment
prodigieuse : elle fut plus éphémère encore».
Le
« label » se réserve ici au roman à la manière de Walter
Scott, et le théoricien marxiste Georg Lukacs ne fait
qu'élaborer cette acception restrictive: seule mérite d'ê
tre retenue « la forme classique du roman historique >> -
celle du premier xtx• siècle -qui reflète le progressisme
bourgeois et la conscience de la lutte des classes; la
suite n'est que déclin, oubli du sens de l'histoire, fuite
réactionnaire dans le révolu, méconnaissance des bases
concrètes et dialectiques du progrès.
Les rapports entre le roman et l'histoire ne vont donc
pas de soi : entre une fiction, qui vise souvent à distraire
par le récit d'événements extraordinaires, et la relation
sincère de faits vrais, il existe, théoriquement, un abîme;
le littérateur joue avec des morceaux de passé plus ou
moins travestis; le savant établit une vérité, comprend
des actions qu'il explique par des motifs, des mobiles,
des «causes >> immédiates ou lointaines.
Les deux types
de récit ont sans doute une origine commune : l'épopée,
qui mêle le vraisemblable au merveilleux, et évoque des
temps héroïques, à la charnière entre l'âge mythique et le
devenir historique; dans le partage du patrimoine épique,
l'histoire s'attribue, d'abord, une «réalité» très large
ment conçue : mêlés, donnés comme attestés, des faits
naturels, surnaturels (prodiges, apparitions, magie ...
),
voire divins, quand s'indique un sens immanent ou
transcendant qui décrypte le flux des circonstances et
des incidents; puis elle se restreint à une reconstitution
rationnelle du passé appuyée sur l'analyse critique des
documents conservés.
Le roman, dans ses enfances, s'en
tient à la fantaisie, prodigue les hasards et les surprises,
sans négliger les allusions satiriques à l'actualité, ou
l'utilisation d'éléments historiques pour acquérir
noblesse et crédibilité.
Mais ce double mouvement de
différenciation n'empêche ni les analogies, ni les
rivalités.
Jusqu'au xiX• siècle- si l'on exclut l'érudition spé
cialisée -la rhétorique de l'histoire s'apparente à celle
de l'épopée, et du roman : les portraits des personnages,
les descriptions des actions (cérémonies, tournois, batail
les ...
), sont convenus el tournés vers l'effet; les discours,
les dialogues prêtés aux protagonistes sont inventés et
traduisent une psychologie réimaginée par l'historien; le
document ne« parle >> que remodelé par le stéréotype (le
bon roi, le prince chrétien, le fidèle conseiller.
..
) ou
1' idée préconçue (types d'acteurs historiques, nécessité
de souligner la continuité d'un développement, ou de
justifier le présent, foi en un destin ou une providence).
Chez les plus grands, l'intuition, la sympathie, le sens
du vraisemblable restituent et illuminent le passé: ce
sont qualités de romancier et de poète qui brillent, à
l'évidence, dans ces histoires particulières qu'on lit
« comme un roman >> (biographies, mémoires, anecdotes,
historiettes secrètes, scandaleuses ou galantes à la
manière de Brantôme ou de Tallemant des Réaux), dans
l'histoire descriptive et narrative (celle de Barante ou de
Thierry) ou dans 1 'ambition totalisatrice de Michelet, la
«résurrection galvanique des morts>>, la reconstitution
épique d'un temps disparu, avec la variété de ses formes
et J'unité de la force qui le travaille.
Et, aux frontières de
l'histoire (d'où elles tirent intrigue et faits princi
paux), les biographies ou les gestes dynastiques roman
cées (Roger Peyrefitte, Alexandre le Grand, 1977-1981;
Maurice Druon, les Rois maudits, 1955-1977) atteignent
très largement le domaine de la fiction romanesque.
Si l'histoire ne se cantonne pas à la sèche juxtaposi
tion de documents ou de déductions savantes, le roman
ne se borne pas aux chimères et aux rêveries.
Selon
Duclos (Lettre à l'auteur de Madame de Luz, 1741 ),
il naquit autrefois parce que.
»
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